Tribunal judiciaire de Bordeaux, le 28 mai 2024, n°24/00061

Commentaire rédigé par l’IA

Cette ordonnance de référé rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité traite de la mise en œuvre de la clause résolutoire d’un bail d’habitation pour défaut de paiement des loyers et de l’octroi de délais de paiement au locataire défaillant.

L’affaire concerne un bailleur social qui a consenti deux baux d’habitation à un locataire le 23 février 2023, l’un pour un logement et l’autre pour un parking. Face à l’accumulation d’impayés atteignant 3 012,81 euros, le bailleur a fait signifier un commandement de payer le 15 novembre 2023. Ce commandement étant resté infructueux, le bailleur a saisi le juge des contentieux de la protection en référé aux fins de constater la résiliation des baux et d’ordonner l’expulsion du locataire.

Le juge commence par vérifier sa compétence et la régularité de la procédure. Il constate que « l’assignation a été régulièrement notifiée à la Préfecture » et que « le bailleur justifie avoir saisi la CAF […], valant notification à la CCAPEX ». Ces formalités, prévues par l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, conditionnent la recevabilité de l’action.

Sur le fond, le juge rappelle les obligations du locataire et le mécanisme de la clause résolutoire. Il cite l’article 7a) de la loi du 6 juillet 1989 selon lequel « le locataire est tenu de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus ». Il précise ensuite que « toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer […] ne produit effet que deux mois après un commandement resté infructueux ».

Le juge constate que les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire sont réunies puisque « le locataire n’a pas réglé les causes dudit commandement dans le délai légal ». Il en déduit que « ce défaut de régularisation fonde [le bailleur] à se prévaloir de la résiliation des baux à la date du 16 janvier 2024, par le jeu de la clause contractuelle de résiliation de plein droit ».

Cependant, le j
uge ne prononce pas immédiatement l’expulsion. L’enquête sociale révèle que le locataire, marin pêcheur, a débuté un contrat à durée déterminée le 23 mars 2024 et « devrait percevoir entre 3 000 et 4 000 € par mois suivant la pêche réalisée ». Le locataire justifie également de la recevabilité de son dossier de surendettement et d’un versement de 619 euros.

Le juge fait alors application de l’article 24 V de la loi du 6 juillet 1989 qui lui permet « même d’office accorder au locataire en situation de régler sa dette locative, des délais de paiement dans la limite de trois années ». Il précise que « pendant le cours des délais accordés par le juge les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus » et que « si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué ».

Le juge relève qu' »un règlement de la dette peut être envisagé par l’octroi de délai sur 36 mois auxquels le bailleur ne s’oppose pas ». Il accorde donc au locataire un délai de 36 mois pour s’acquitter de sa dette de 4 837,18 euros, à raison de 134,37 euros par mois, « le premier versement devant intervenir dans le mois suivant la signification de la présente décision ».

L’ordonnance organise un mécanisme conditionnel. D’une part, « si le moratoire ci-dessus fixé est respecté, la clause de résiliation du bail sera réputée n’avoir jamais existé ». D’autre part, « à défaut de paiement du loyer courant ou d’une seule mensualité à l’échéance fixée », plusieurs conséquences s’ensuivront : « la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible », « la clause de résiliation reprendra son plein et entier effet entraînant la résiliation immédiate du contrat de bail », et l’expulsion pourra être poursuivie.

Cette décision illustre le pouvoir modérateur du juge en matière de baux d’habitation. Face à un locataire de bonne foi rencontrant des difficultés temporaires mais disposant
de perspectives de revenus, le juge privilégie le maintien dans les lieux plutôt que l’expulsion immédiate. Il met en balance le droit de propriété du bailleur et le droit au logement du locataire, tout en préservant les intérêts du bailleur par le mécanisme de déchéance du terme en cas de non-respect du moratoire.

L’ordonnance témoigne également de l’importance de l’enquête sociale dans l’appréciation de la situation du locataire. Les éléments relatifs à sa situation professionnelle et à ses efforts de paiement ont manifestement pesé dans la décision d’accorder des délais. Le juge exerce ici pleinement son office de protection en adaptant sa décision aux circonstances particulières de l’espèce, tout en rappelant que le respect du moratoire conditionne le maintien dans les lieux.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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