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Cour d’appel de Versailles, le 7 novembre 2024, n°22/06267
La société SARL Porc Beauce a acquis un pont à bascule auprès de la société SASU Minebea Intec. Après plusieurs dysfonctionnements, la société Porc Beauce a cessé d’utiliser le pont en 2017, entraînant un litige sur la responsabilité et les réparations.
La cour d’appel a infirmé en partie le jugement du tribunal de commerce, condamnant la société Minebea Intec à payer à la société Porc Beauce des sommes au titre du surcoût d’approvisionnement en céréales et des pertes sur les ventes de porc, tout en confirmant d’autres condamnations.
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Commentaire d’arrêt : Cour d’appel de Versailles, le 7 novembre 2024, n°22/062671°) Le sens de la décision
La décision rendue par la Cour d’appel de Versailles se prononce sur un litige opposant la société S.A.S.U. Minebea Intec à la société S.A.R.L. Porc Beauce, relatif à des vices cachés et à un défaut de conformité d’un pont à bascule acheté par cette dernière. La cour a infirmé en partie le jugement du tribunal de commerce de Chartres, en condamnant la société Minebea Intec à verser des indemnités à la société Porc Beauce pour des préjudices subis suite à des dysfonctionnements persistants du pont à bascule. L’arrêt souligne la responsabilité de Minebea Intec en raison de manquements dans ses obligations contractuelles, notamment l’absence de raccordement de l’installation à une prise de terre, ce qui a entraîné des pertes économiques pour Porc Beauce.
2°) La valeur de la décision
La valeur de cette décision réside dans sa capacité à clarifier les obligations des parties dans le cadre d’un contrat de vente et à renforcer l’application des normes techniques en matière de sécurité. En reconnaissant la responsabilité de Minebea Intec, la cour s’inscrit dans une logique de protection des droits des consommateurs et des entreprises face à des pratiques commerciales qui peuvent entraîner des préjudices économiques. Toutefois, la décision pourrait être critiquée pour son évaluation des pertes, qui repose sur des estimations et des préjugés liés aux conditions de marché au moment des faits, ce qui pourrait rendre l’indemnisation inexacte.
3°) La portée de la décision
La portée de l’arrêt est significative dans le contexte du droit des contrats et de la responsabilité civile. En affirmant la responsabilité de la société Minebea Intec, la cour contribue à une jurisprudence qui renforce les obligations des fournisseurs de respecter les normes de sécurité et de conformité. Cette décision pourrait servir de précédent dans des affaires similaires, où la responsabilité des professionnels serait engagée en raison de manquements à leurs obligations contractuelles. De plus, elle souligne l’importance de la preuve dans les litiges commerciaux et peut inciter les entreprises à prendre des mesures préventives pour éviter des litiges futurs. En somme, l’arrêt contribue à préciser les contours de la responsabilité en matière de vices cachés tout en renforçant les attentes envers la diligence des professionnels dans l’exécution de leurs obligations contractuelles.
Texte intégral de la décision
DE
VERSAILLES
Code nac : 50D
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 NOVEMBRE 2024
N° RG 22/06267 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VO2Z
AFFAIRE :
S.A.S.U. MINEBEA INTEC
C/
S.A.R.L. PORC BEAUCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 XXX 2022 par le Tribunal de XXX de Chartres
N° RG : 2021J00132
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me XXX
Me XXX
TC CHARTRES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S.U. MINEBEA INTEC SASU prise en son établissement secondaire immatriculé au RCS de CHARTRES sous le N°39063995300137 sis [Adresse 3]
RCS Pontoise n° 390 639 953
[Adresse 2]
[Localité 4]
XXX par Me XXX de la XXX, XXX, avocat au barreau de XXX, vestiaire : 619 et Me XXX-XXX, XXX, avocat au barreau de Paris
APPELANTE
S.A.R.L. PORC BEAUCE
RCS Chartres n° 391 559 317
[Adresse 5]’
[Adresse 5]
[Localité 1]
XXX par Me XXX substituant à l’audience Me XXX de la SELARL XXX, avocat au barreau de XXX, vestiaire : 21
INTIMEE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 XXX 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur XXX, Magistrat honoraire juridictionnel chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame XXX-XXX, Présidente,
Madame XXX-XXX, XXX,
Monsieur XXX, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Greffier, lors des débats : M. XXX BELLANCOURT,
EXPOSÉ DES
FAITS
La SARL Porc Beauce exploite un élevage porcin de 500 truies de type naisseur-engraisseur situé sur trois sites de production.
La SASU Minebea Intec, anciennement AAZ Pesage, exerce une activité d’importation, exportation, vente et réparation d’appareils technologiques de mesure.
En septembre 2014, la société Porc Beauce a acquis un pont à bascule d’une capacité de 60 tonnes auprès de la société AAZ Pesage, devenue Minebea Intec, pour un montant de 25.000 euros HT.
La société Minebea Intec explique être intervenue à plusieurs reprises en 2016 afin de réparer diverses pannes sur le pont à bascule. Plusieurs factures correspondant à ces interventions n’ont pas été réglées par la société Porc Beauce.
La société Porc Beauce a cessé d’utiliser le pont litigieux en août 2017. Elle a fait réaliser un audit du pont le 12 mars 2018 et une expertise amiable a été organisée le 29 août 2018 par la société CDH Expertises, mandatée par la société Porc Beauce et son assureur, d’où il ressort un état d’entretien correct mais des »dysfonctionnements » suite à des »manquements ».
La société Porc Beauce a, alors, sollicité la désignation d’un expert judiciaire aux fins d’examiner les désordres affectant le pont à bascule et d’en déterminer les causes.
Par ordonnance de référé du 9 mai 2019, le président du tribunal de commerce de Chartres a nommé à ces fins M. [H] [B] qui a déposé son rapport le 21 septembre 2020.
Par acte du 15 septembre 2021, la société Porc Beauce a fait assigner la société Minebea Intec devant le tribunal de commerce de Chartres, lequel a, par jugement du 14 septembre 2022 :
– condamné la société Porc Beauce à payer à la société Minebea Intec la somme de 969 euros HT correspondant à la vérification périodique du pont à bascule ;
– débouté la société Minebea Intec de l’ensemble de ses autres demandes ;
– constaté que la société Minebea Intec avait manqué à ses obligations contractuelles et en conséquence, l’a déclarée responsable des préjudices
subis par la société Porc Beauce et l’a condamnée à payer à la société Porc Beauce la somme de 5.024 euros HT au titre des travaux de remise en état du pont bascule, la somme de 48.895,98 euros HT au titre des pertes sur les ventes de porc, la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice économique sur le surcoût d’approvisionnement en céréales ;
– condamné la société Minebea Intec à payer à la société Porc Beauce la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens en ce compris les frais d’expertise.
Le tribunal a considéré que les opérations d’expertise n’avaient pu démontrer de façon formelle la cause des dysfonctionnements, que cependant l’expert avait estimé que la société Minebea Intec avait manqué à ses obligations contractuelles en omettant de prévoir le branchement de la balance à une prise de terre et à son obligation de conseil en ne procédant pas à l’installation d’un système anti-foudroiement alors qu’elle avait parfaitement connaissance des risques liés aux orages et à la foudre, qu »en conséquence sa responsabilité était engagée, que le dysfonctionnement du pont à bascule avait pénalisé l’activité de la société Porc Beauce laquelle avait subi un préjudice résultant d’une perte de chance conduisant la juridiction à prononcer diverses condamnations à l’encontre de la société Minebea Intec.
Le tribunal a retenu que la société Porc Beauce avait subi une perte de chance évaluée forfaitairement à la somme de 40.000 euros au titre des surcoûts d’approvisionnement en céréales, que le rendement des carcasses n’avait pas pu être vérifié et que la société Porc Beauce avait subi des pertes sur les ventes de porc estimées, dans le cadre d’une perte de chance, à 48.895,98 euros sur la base de la valeur moyenne de perte de plus-value, que la remise en état du pont à bascule devait être indemnisée à hauteur de l’évaluation par l’expert, soit 5.024 euros hors taxes.
Par déclaration du 14
octobre 2022, la société Minebea Intec a interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 26 mai 2023, la société Minebea Intec demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter la société Porc Beauce de ses demandes, de la condamner à la somme de 5.171,99 euros HT avec intérêts à compter de la décision à intervenir et à celle de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu »aux dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 6 mars 2023, la société Porc Beauce demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu »il ne lui a alloué que la somme de 40.000 euros pour le préjudice économique sur le surcoût d’approvisionnement en céréales et l’a condamnée au paiement de la somme de 969 euros HT au titre de la vérification périodique du pont à bascule.
Elle sollicite de la cour de débouter la SAS Minebea Intec de l’ensemble de ses demandes, et de la condamner à lui payer la somme de 66.780,36 euros au titre du surcoût d’approvisionnement en céréales. A titre subsidiaire, elle demande la fixation du taux de perte de chance subie à 80 % minimum. Elle demande la condamnation de la SAS Minebea Intec à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu »aux dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 22 février 2024.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément à l’ordonnance déférée et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la responsabilité de la société Minebea Intec :
La société Porc Beauce soutient que la société Minebea Intec a manqué à ses obligations contractuelles en ne
procédant pas au raccordement de son installation au piquet de terre, ainsi que l’expert l’a relevé, celui-ci notant que les règles de l’art n’avaient pas été respectées sur ce point, et que des dysfonctionnements sont apparus dès le mois suivant la première utilisation du pont à bascule de sorte que la faute de l’appelante est caractérisée, que le lien de causalité est établi entre cette faute et les dommages constatés, l’expert retenant l’absence de branchement comme cause principale des désordres et l’absence de mise en place d’un système anti-foudroiement.
La société Minebea Intec soutient que le manquement contractuel n’est pas démontré, faisant valoir que le pont à bascule a fonctionné pendant plusieurs mois, et que l’expert a relevé que la cause des dysfonctionnements est impossible à déterminer et ne peut être établie formellement de sorte que le lien de causalité entre un éventuel manquement contractuel et les dommages n’est pas prouvé.
Il résulte des documents soumis à la cour (notamment le rapport d’expertise judiciaire, pièce 1 – Minebea Intec ; pièce 15 – Porc Beauce) les constatations suivantes.
L’acquisition du pont à bascule devait répondre à deux besoins de la société Porc Beauce : d’une part, la pesée des céréales fournies par les producteurs locaux en s’affranchissant d’un passage en coopérative permettant ainsi de réduire les coûts, d’autre part, l’évaluation de la qualité de l’élevage en pesant les porcs avant livraison puis en comparant cette valeur avec le poids obtenu en abattoir, permettant ainsi de chiffrer le ‘ rendement de carcasse ‘.
Le pont à bascule a été réceptionné le 8 septembre 2014. Le premier dysfonctionnement a été diagnostiqué le 28 juillet 2016, consécutif à une panne de l’un des huit capteurs du pont à bascule. La société Minebea Intec est intervenue à diverses reprises entre le mois d’août et le mois octobre 2016 à l’effet de procéder à des réparations (échange de capteurs, remplacement d’une carte électronique CPU). En
août 2017, la société Porc Beauce a décidé d’arrêter l’exploitation du pont à bascule, refusant de payer les factures d’intervention émises par la société Minebea Intec.
La première réunion d’expertise judiciaire s’est tenue le 4 octobre 2019.
Selon l’expertise judiciaire, le dysfonctionnement se manifeste par une instabilité de la mesure (« Malgré une charge constante, l’affichage montrait un défaut de stabilité de l’ordre de 300 kg », page 26 du rapport). L’expert relève que les défaillances ont essentiellement affecté les capteurs et une carte électronique qui ont fait l’objet de remplacements. Interrogée par l’expert sur l’origine possible des désordres, la société Minebea Intec a répondu que « les pannes sont occasionnées par des phénomènes électriques externes tels que des impacts de foudre et de l’environnement électromagnétique local » ; la société Porc Beauce a expliqué, quant à elle, qu’ « une mise à la terre de l’installation résoudrait le problème. Le matériel fourni (‘) n’est pas connecté au piquet de terre (…) ».
La cour relève que l’expert a été placé dans l’impossibilité de procéder à l’analyse des capteurs et de la carte électronique qui aurait permis d’identifier l’origine de leur défaillance, la société Minebea Intec ayant procédé à leur destruction. Cette dernière a reconnu toutefois que »par expérience », la plupart des problèmes de capteurs montés dans des conditions similaires sont liés aux orages, en particulier les surtensions liées à la foudre » (citation, page 38 du rapport).
S’il est vrai que l’expert regrette que »faute d’éléments assez précis sur la survenance des pannes et surtout sur l’absence d’analyse des composants, la cause des désordres ne peut être établie formellement », il résulte de son rapport (page 27) que la société Minebea Intec n’a pas procédé au branchement reliant son installation au piquet de terre qui permet l’écoulement des fuites accidentelles de courants électriques – par exemple la foudre – vers la terre
évitant ainsi les surtensions, piquet mis en place par la société Porc Beauce selon les recommandations de celle-là, l’expert relevant que la »non connexion à la terre peut être une explication qui ne peut pas être vérifiée ou démontrée vu la complexité des phénomènes » (page 39 du rapport).
La cour observe que la société Minebea Intec propose dans son devis du 25 mars 2020, fourni dans le cadre de l’expertise, de remédier aux dysfonctionnements notamment en remplaçant tous les capteurs, en modifiant leur technologie (capteurs numériques plutôt qu’analogiques plus sensibles aux effets de la foudre), en assurant une connexion de l’installation au piquet de terre.
Il résulte de ces constatations, prises dans leur ensemble, que la société Minebea Intec admet que la défaillance des capteurs, affectant la bonne utilisation du pont à bascule, trouve son origine dans une surtension susceptible d’être provoquée par la foudre et que le branchement de l’installation au piquet de terre peut corriger cette déficience.
Or, l’expert a relevé que la société Minebea Intec, contrairement aux règles de l’art (notamment non-respect de la norme C 15 100), n’a procédé à ce branchement ni lors de l’installation du pont à bascule, ni ultérieurement lors de ses interventions de maintenance (page 39 du rapport : »les règles de l’art sont respectées pour des conditions »ordinaires » à l’exception de la connexion de l’installation à la terre »).
La société Minebea Intec a donc commis une faute dont elle doit réparation.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les préjudices :
La société Porc Beauce soutient qu’elle a subi un préjudice direct et certain consécutif à la faute commise par la société Minebea Intec, que l’absence de système de pesée a pénalisé le fonctionnement et la rentabilité de son XXX, le contrôle du poids optimal des animaux fixé selon une grille par les abattoirs n’ayant pas été possible et le dysfonctionnement du pont à bascule n’ayant pas permis
l’optimisation du coût alimentaire qui aurait dû conduire à une économie moyenne de 15,50 euros la tonne de céréales, la pesée de ces céréales auprès d’agriculteurs locaux n’ayant pas été rendue possible obligeant à un approvisionnement plus coûteux auprès d’une coopérative, que son préjudice est également constitué des travaux de remise en état du pont à bascule fixés à 5.024 euros hors taxes. Elle ajoute que si la cour retient une perte de chance, elle doit être fixée au taux minimum de 80 %.
XXX affirme que le surcoût d’approvisionnement en céréales est de 66.780,36 euros au titre des exercices courants de 2017 à 2021 et non pas de 40.000 euros comme l’a retenu le tribunal.
Elle rappelle que le préjudice subi au titre des pertes sur vente de porcs correspondant aux bonifications tarifaires proposées par les abattoirs est de 48.895,98 euros hors taxes, somme retenue par le tribunal.
La société Minebea Intec conteste l’évaluation du préjudice retenue par le tribunal. Elle soutient qu’en l’espèce la perte de chance n’est ni réelle et sérieuse, que l’indemnisation ne peut être égale au montant de la chance perdue et que cette perte de chance n’est caractérisée que si la société Porc Beauce est dans l’impossibilité de remédier à la non-survenance de l’événement, qu’il n’est pas justifié du surcoût d’approvisionnement en céréales ni de l’indemnisation des pertes sur ventes de porc dont l’expert relève la difficulté d’évaluation.
L’article 1147 du code civil, dans sa version applicable aux faits, prévoit que »Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ».
L’article 1149 du même code dispose que »Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a
faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après ».
L’article 1150 de ce même code précise que »Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée ».
La perte de chance se définit comme XXX la privation d’une probabilité raisonnable de la survenance d’un événement positif.
Sur le surcoût des céréales :
Le tribunal a retenu une indemnisation forfaitaire de 40.000 euros au titre d’une perte de chance.
La société Porc Beauce sollicite la réparation de son préjudice en ce que, privée de la possibilité de procéder au pesage elle-même, elle a dû s’adresser aux coopératives au lieu de producteurs locaux pour s’approvisionner en céréales, entraînant un renchérissement de celles-ci, de sorte qu’elle n’a pas éprouvé une perte de chance mais une perte certaine.
En cause d’appel la société Porc Beauce sollicite un montant de 66.780,36 euros. Ce montant correspond à la somme de (i) 49.495,69 euros, montant du surcoût observé pour les exercices 2017 à 2020 en retenant un écart de 15,5 euros par tonne, et de (ii) 17.284,67 euros, résultant de la prise en compte des exercices 2020 et 2021 sur la base des exercices précédents à raison également de 15,5 euros la tonne, l’exercice comptable courant du 1er avril au 31 mars. Pour en justifier, la société Porc Beauce produit un tableau réalisé par ses soins (page 11 de ses écritures).
Le préjudice constitué du surcoût de l’approvisionnement en céréales n’est pas une perte de chance dès lors qu’il est certain que les animaux ont été nourris et que le surcoût est avéré.
Ainsi, l’expert indique, dans son rapport du 21 septembre 2020, que la société Porc Beauce revendiquait alors un préjudice de 38.410,40 euros HT, après correction à la hausse de l’expert (page 31 de son rapport), pour la période 2017/2020, calculée par différence entre le prix d’achat des céréales
au producteur et le prix d’achat en coopérative, qui serait de l’ordre de 25 euros hors taxes par tonne dont une partie pouvant être rétrocédée aux producteurs de céréales, soit une réduction de prix attendue de la société Porc Beauce de 15,5 euros par tonne. Il note néanmoins que si le tonnage et les prix réels d’achat sont extraits de documents comptables certifiés, l’évaluation de l’écart de prix d’achat grâce au pont à bascule repose sur un seul échange de courriels avec un intermédiaire sans que cela puisse être considéré comme un engagement sur le long terme.
La teneur de cet échange du 9 octobre 2019, résumée par l’expert (page 31 de son rapport), révèle bien l’existence d’un écart (surcoût) de 25,5 euros par tonne lorsqu’un intermédiaire (Axereal) vend à la société Porc Beauce la tonne de maïs à 167 euros qu’il a achetée à 141,5 euros, montants non contestés.
Il est donc avéré que la société Porc Beauce a subi un préjudice financier constitué du surcoût des céréales résultant de l’impossibilité de procéder elle-même au pesage des porcs.
La cour retiendra la somme de 38.410,40 euros HT, correspondant au montant arrêté par l’expert à partir d’un différentiel de 15,50 euros par tonne pour la période 2017/2020 et une quantité de céréales achetée de 2.478,09 tonnes, à laquelle s’ajoute la somme de 17.284,67 euros au titre des quantités achetées de la période 2020/2021, soit un montant total de 55.695,07 euros.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur la perte financière au titre des ventes de porc (bonifications tarifaires)
Le tribunal a fait intégralement droit à la demande de la société Porc Beauce en accordant à cette dernière la somme de 48.895,98 euros.
En appel, la société Porc Beauce produit aux débats un tableau réalisé par ses soins (page 12 de ses écritures) dont il ressort que la somme de 48.895 euros correspond à la moyenne des »plus-value valeur basse » (36.672,61 euros) et »plus-value valeur haute » (61.119,36 euros) dont la cour comprend
qu’elles correspondraient à une bonification variant de 0,03 euro à 0,05 euro par kilo de porc vendu aux abattoirs.
A cet égard, la société Porc Beauce explique, sans être contestée sur ce point, que ces »bonifications tarifaires » ont résulté de la tension du marché de la viande porcine en 2019 créée par la forte demande chinoise pour les importations, conséquence de la peste porcine qui sévissait alors en Chine, avec pour effet une concurrence entre les abattoirs, la demande étant plus forte que l’offre, qui proposaient alors aux producteurs de porcs des prix bonifiés au kilogramme. Elle expose que, n’ayant pu procéder au pesage, elle n’a pu bénéficier de ces bonifications tarifaires variant de 3 à 5 cents par kilogramme.
L’expert relève que l’estimation du préjudice résultant du contrôle du rendement des carcasses est considérée comme »très difficile » par l’expert amiable saisi à l’initiative de la société Porc Beauce et qu’aucune revendication de la part de la société Porc Beauce n’avait été présentée sur ce point.
Cependant, compte tenu de la forte tension du marché de la viande porcine, la société Porc Beauce pouvait espérer vendre ses porcs au plus offrant à condition de pouvoir procéder, au préalable, à la pesée de ses carcasses. Privée de cette possibilité, elle a ainsi perdu une chance d’optimiser ses gains.
Dès lors la cour retient, compte tenu de la plus-value moyenne constatée, que la société Porc Beauce a perdu une chance d’encaisser une somme totale de 48.895 euros et, compte tenu du niveau de la demande, évalue à 80 % la chance d’obtenir ce montant de sorte que le préjudice subi est de 39.117 euros
Le jugement sera donc également infirmé sur ce point.
Sur les travaux de remise en état
La société Minebea Intec qui a interjeté appel de sa condamnation au paiement de la somme de 5.024 euros HT à ce titre ne soutient pas son appel sur ce point.
Le chef du jugement ayant condamné la société Minebea Intec à payer la somme de 5.024 euros HT au
titre des travaux de remise en état du pont à bascule sera donc confirmé.
Sur les demandes reconventionnelles de la société Minebea Intec :
Sur les factures de 2.815,83 euros HT et de 2.356,16 euros HT :
Le tribunal a débouté la société Minebea Intec de sa demande reconventionnelle (5.171,99 euros HT) correspondant à deux factures, l’une de 2.815,83 euros HT et l’autre de 2.356,16 euros HT, émises en contrepartie de l’exécution de prestations de dépannage et de réparation générées par les dysfonctionnements du pont à bascule et ce, au motif que, responsable des dysfonctionnements du pont à bascule, elle ne pouvait obtenir paiement par la société Porc Beauce de ses prestations de réparation de ce même pont.
Dès lors que les prestations de réparation de la société Minebea Intec se sont révélées inefficaces, le tribunal a justement rejeté la demande en paiement des factures correspondantes. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la facture de 969 euros HT :
Il résulte des débats que les parties étaient convenues de faire procéder à une révision périodique du pont-bascule par la société Minebea.
La société Porc Beauce n’explique pas en quoi la facture émise par la société Minebea Intec à ce titre ne devrait pas être réglée alors que la réalité de sa prestation n’est pas contestée et qu’elle est sans lien avec les désordres constatés sur le pont à bascule.
Il y a lieu dès lors de confirmer le jugement qui a condamné la société Porc Beauce au paiement de la somme de 969 euros HT.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Minebea Intec condamnée pour l’essentiel supportera les dépens d’appel.
Elle sera condamnée à payer à la société Porc Beauce la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le
jugement, rendu par le tribunal de commerce de Chartres le 14 septembre 2022, en ce qu’il a condamné la société Minebea Intec à payer à la société Porc Beauce la somme de 40.000 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice économique dû au surcoût d’approvisionnement en céréales ainsi qu’à la somme de 48.895,98 euros HT au titre des pertes sur les ventes de porc,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la société Minebea Intec à payer à la société Porc Beauce la somme de 55.695,07 euros HT au titre du surcoût d’approvisionnement en céréales,
Condamne la société Minebea Intec à payer à la société Porc Beauce la somme de 39.117 euros au titre des pertes sur les ventes de porc,
Y ajoutant,
Condamne la société Minebea Intec aux dépens de la procédure d’appel,
Condamne la société Minebea Intec à payer à la société Porc Beauce la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
XXX par Madame XXX-XXX, Présidente, et par M. XXX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, La présidente,