Tribunal judiciaire de Paris, le 13 juin 2025, n°23/03754
Tribunal judiciaire de [Localité 14], ordonnance du juge de la mise en état du 13 juin 2025. Le litige naît d’un bail commercial dont la persistance est discutée, la bailleresse soutenant sa disparition tandis que la locataire invoque un manquement de délivrance. La locataire a poursuivi le paiement des loyers, puis a sollicité la restitution des sommes versées sur 2024 et depuis janvier 2025, ainsi qu’une autorisation de suspendre ses paiements jusqu’à réintégration ou décision au fond. La bailleresse a demandé une condamnation pour procédure abusive. Saisie d’un incident, la juridiction de la mise en état s’est fondée sur l’article 789 du code de procédure civile pour statuer sur la provision et les mesures provisoires, et sur l’article 32-1 du même code pour l’abus, renvoyant l’affaire au fond après avoir tranché les points urgents.
La question posée est double. D’une part, le juge de la mise en état peut‑il, lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable, allouer une provision de restitution et autoriser la suspension conservatoire de loyers, sans préjuger le principal. D’autre part, l’obtention partielle ou totale du succès aux prétentions fait‑elle obstacle à une condamnation pour procédure abusive.
La décision admet la provision, autorise la suspension des loyers et rejette l’abus. Elle rappelle que le juge de la mise en état peut « Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable » et « Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires ». Retenant que les parties s’accordaient sur le principe de restitution, elle conclut qu’« Il y a donc lieu de faire droit à la demande de versement de la provision ». Elle caractérise ensuite une mesure « purement conservatoire et provisoire » qui « ne préjuge en rien de ce qui sera effectivement jugé au fond », préférée à la consignation. Enfin, s’agissant de l’abus, elle réaffirme qu’« il est constant que celui qui obtient, même partiellement, gain de cause, ne peut être condamné pour procédure abusive ».
I. Pouvoirs du juge de la mise en état et sens de l’ordonnance
A. La provision fondée sur l’obligation non sérieusement contestable
Le texte applicable précise que le juge de la mise en état peut « Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ». La motivation s’y conforme, en s’appuyant sur l’accord des parties quant au principe de restitution des loyers litigieux, quoiqu’au titre de fondements juridiques distincts. L’exigence probatoire est ainsi satisfaite par une convergence objective de positions, révélatrice d’une obligation certaine dans son principe.
La juridiction déduit de cette absence de contestation sérieuse la possibilité d’ordonner immédiatement un versement provisionnel, en énonçant qu’« Il y a donc lieu de faire droit à la demande de versement de la provision ». La portée de cette formule est claire. Elle opère un tri entre le principal, réservé au jugement au fond, et l’accessoire urgent, recevable sur le siège de la mise en état. En outre, le prononcé d’un délai bref d’exécution, couplé à l’exigence d’un relevé d’identité bancaire, confère efficacité et sécurité à la mesure, sans altérer l’office du juge.
Ce raisonnement éclaire utilement la frontière entre le non sérieusement contestable et le débat de fond. L’accord sur la restitution, même pour des motifs divergents, permet la provision, tandis que la qualification juridique définitive du lien contractuel demeure ajournée à la formation de jugement.
B. La suspension conservatoire des loyers, mesure provisoire sans préjuger le fond
Le même article autorise à « Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires ». La juridiction justifie l’autorisation de suspension par la nature et la finalité de la mesure, soulignant que « La mesure sollicitée est purement conservatoire et provisoire ». La formulation insiste sur l’absence d’anticipation du principal, renforcée par l’affirmation selon laquelle elle « ne préjuge en rien de ce qui sera effectivement jugé au fond ».
La décision privilégie la suspension plutôt qu’une consignation, motif pris d’une économie de trésorerie et d’une neutralité accrue. Elle relève que « Cette mesure est préférable à une consignation des loyers », car elle évite que la locataire se défasse temporairement de sommes importantes, tout en ne portant aucun préjudice à la bailleresse affirmant elle‑même l’inexistence de loyers dus. La logique est doublement protectrice. Elle prévient l’invocation ultérieure d’un défaut de paiement en cas de reconnaissance du bail, et elle maintient l’équilibre des positions jusqu’au jugement.
Cette solution s’accorde avec l’office de la mise en état. Les mesures ordonnées préviennent les effets irréversibles, circonscrivent le risque financier et laissent intacte la décision à intervenir sur l’existence et la portée du bail.
II. Valeur et portée de la solution retenue
A. Un usage mesuré et cohérent des pouvoirs de la mise en état
L’ordonnance manifeste une juste mesure des prérogatives du juge de la mise en état. La provision repose sur un critère textuel, apprécié avec rigueur, en présence d’un accord sur la restitution. La motivation, centrée sur le caractère non sérieusement contestable de l’obligation, respecte le principe dispositif et la neutralité du juge préparatoire.
La suspension des loyers illustre une conception prudente et finalisée des mesures provisoires. En qualifiant la décision de « purement conservatoire et provisoire » et en soulignant qu’elle « ne préjuge en rien de ce qui sera effectivement jugé au fond », la juridiction trace une ligne claire entre protection temporaire et pré‑jugement. L’éviction de la consignation au profit d’une suspension traduit une appréciation concrète de l’intérêt des parties et une recherche de la solution la moins perturbatrice.
Le rejet de la procédure abusive, enfin, s’inscrit dans une jurisprudence constante rappelée en ces termes: « il est constant que celui qui obtient, même partiellement, gain de cause, ne peut être condamné pour procédure abusive ». L’affirmation conforte la liberté d’agir dans le cadre d’un incident destiné à préserver des droits, dès lors que l’issue est favorable, même en partie.
B. Incidences pratiques pour les litiges locatifs commerciaux
La décision offre un cadre opérationnel utile aux baux commerciaux traversés par une incertitude sur la subsistance du contrat. Lorsque le principe d’une restitution est objectivement acquis, la provision peut être allouée rapidement, indépendamment des débats sur la qualification exacte du manquement ou sur la survie du bail. La portée est immédiate pour la trésorerie du preneur et pour la clarté des comptes.
La suspension des loyers, préférée à la consignation, présente un intérêt pratique notable. Elle évite une immobilisation de fonds parfois considérable, tout en neutralisant le risque de grief tiré d’un défaut de paiement si le bail devait être ultérieurement tenu pour en cours. La solution demeure encadrée par le caractère provisoire de la mesure, la réversibilité de ses effets et la vigilance du juge à ne pas anticiper la solution de fond.
Sur le terrain de l’abus, l’ordonnance réaffirme une protection essentielle du droit d’ester. Dès lors que l’incident obtient un succès, la condamnation pour abus est exclue, ce qui sécurise la mise en mouvement de mesures temporaires destinées à prévenir des conséquences irréparables. La ligne directrice est lisible. Préserver les droits, éviter les décisions irréversibles, et maintenir l’équilibre des positions jusqu’au débat contradictoire au fond.
En définitive, l’ordonnance illustre une articulation convaincante entre célérité et prudence. La mise en état demeure le lieu d’une protection efficace, limitée au nécessaire, dont l’objet n’est pas de trancher le principal mais d’en garantir l’utilité. Les professionnels des baux commerciaux y trouveront un mode d’emploi clair pour traiter, en amont du fond, les restitutions acquises et les flux locatifs contestés.
Tribunal judiciaire de [Localité 14], ordonnance du juge de la mise en état du 13 juin 2025. Le litige naît d’un bail commercial dont la persistance est discutée, la bailleresse soutenant sa disparition tandis que la locataire invoque un manquement de délivrance. La locataire a poursuivi le paiement des loyers, puis a sollicité la restitution des sommes versées sur 2024 et depuis janvier 2025, ainsi qu’une autorisation de suspendre ses paiements jusqu’à réintégration ou décision au fond. La bailleresse a demandé une condamnation pour procédure abusive. Saisie d’un incident, la juridiction de la mise en état s’est fondée sur l’article 789 du code de procédure civile pour statuer sur la provision et les mesures provisoires, et sur l’article 32-1 du même code pour l’abus, renvoyant l’affaire au fond après avoir tranché les points urgents.
La question posée est double. D’une part, le juge de la mise en état peut‑il, lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable, allouer une provision de restitution et autoriser la suspension conservatoire de loyers, sans préjuger le principal. D’autre part, l’obtention partielle ou totale du succès aux prétentions fait‑elle obstacle à une condamnation pour procédure abusive.
La décision admet la provision, autorise la suspension des loyers et rejette l’abus. Elle rappelle que le juge de la mise en état peut « Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable » et « Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires ». Retenant que les parties s’accordaient sur le principe de restitution, elle conclut qu’« Il y a donc lieu de faire droit à la demande de versement de la provision ». Elle caractérise ensuite une mesure « purement conservatoire et provisoire » qui « ne préjuge en rien de ce qui sera effectivement jugé au fond », préférée à la consignation. Enfin, s’agissant de l’abus, elle réaffirme qu’« il est constant que celui qui obtient, même partiellement, gain de cause, ne peut être condamné pour procédure abusive ».
I. Pouvoirs du juge de la mise en état et sens de l’ordonnance
A. La provision fondée sur l’obligation non sérieusement contestable
Le texte applicable précise que le juge de la mise en état peut « Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ». La motivation s’y conforme, en s’appuyant sur l’accord des parties quant au principe de restitution des loyers litigieux, quoiqu’au titre de fondements juridiques distincts. L’exigence probatoire est ainsi satisfaite par une convergence objective de positions, révélatrice d’une obligation certaine dans son principe.
La juridiction déduit de cette absence de contestation sérieuse la possibilité d’ordonner immédiatement un versement provisionnel, en énonçant qu’« Il y a donc lieu de faire droit à la demande de versement de la provision ». La portée de cette formule est claire. Elle opère un tri entre le principal, réservé au jugement au fond, et l’accessoire urgent, recevable sur le siège de la mise en état. En outre, le prononcé d’un délai bref d’exécution, couplé à l’exigence d’un relevé d’identité bancaire, confère efficacité et sécurité à la mesure, sans altérer l’office du juge.
Ce raisonnement éclaire utilement la frontière entre le non sérieusement contestable et le débat de fond. L’accord sur la restitution, même pour des motifs divergents, permet la provision, tandis que la qualification juridique définitive du lien contractuel demeure ajournée à la formation de jugement.
B. La suspension conservatoire des loyers, mesure provisoire sans préjuger le fond
Le même article autorise à « Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires ». La juridiction justifie l’autorisation de suspension par la nature et la finalité de la mesure, soulignant que « La mesure sollicitée est purement conservatoire et provisoire ». La formulation insiste sur l’absence d’anticipation du principal, renforcée par l’affirmation selon laquelle elle « ne préjuge en rien de ce qui sera effectivement jugé au fond ».
La décision privilégie la suspension plutôt qu’une consignation, motif pris d’une économie de trésorerie et d’une neutralité accrue. Elle relève que « Cette mesure est préférable à une consignation des loyers », car elle évite que la locataire se défasse temporairement de sommes importantes, tout en ne portant aucun préjudice à la bailleresse affirmant elle‑même l’inexistence de loyers dus. La logique est doublement protectrice. Elle prévient l’invocation ultérieure d’un défaut de paiement en cas de reconnaissance du bail, et elle maintient l’équilibre des positions jusqu’au jugement.
Cette solution s’accorde avec l’office de la mise en état. Les mesures ordonnées préviennent les effets irréversibles, circonscrivent le risque financier et laissent intacte la décision à intervenir sur l’existence et la portée du bail.
II. Valeur et portée de la solution retenue
A. Un usage mesuré et cohérent des pouvoirs de la mise en état
L’ordonnance manifeste une juste mesure des prérogatives du juge de la mise en état. La provision repose sur un critère textuel, apprécié avec rigueur, en présence d’un accord sur la restitution. La motivation, centrée sur le caractère non sérieusement contestable de l’obligation, respecte le principe dispositif et la neutralité du juge préparatoire.
La suspension des loyers illustre une conception prudente et finalisée des mesures provisoires. En qualifiant la décision de « purement conservatoire et provisoire » et en soulignant qu’elle « ne préjuge en rien de ce qui sera effectivement jugé au fond », la juridiction trace une ligne claire entre protection temporaire et pré‑jugement. L’éviction de la consignation au profit d’une suspension traduit une appréciation concrète de l’intérêt des parties et une recherche de la solution la moins perturbatrice.
Le rejet de la procédure abusive, enfin, s’inscrit dans une jurisprudence constante rappelée en ces termes: « il est constant que celui qui obtient, même partiellement, gain de cause, ne peut être condamné pour procédure abusive ». L’affirmation conforte la liberté d’agir dans le cadre d’un incident destiné à préserver des droits, dès lors que l’issue est favorable, même en partie.
B. Incidences pratiques pour les litiges locatifs commerciaux
La décision offre un cadre opérationnel utile aux baux commerciaux traversés par une incertitude sur la subsistance du contrat. Lorsque le principe d’une restitution est objectivement acquis, la provision peut être allouée rapidement, indépendamment des débats sur la qualification exacte du manquement ou sur la survie du bail. La portée est immédiate pour la trésorerie du preneur et pour la clarté des comptes.
La suspension des loyers, préférée à la consignation, présente un intérêt pratique notable. Elle évite une immobilisation de fonds parfois considérable, tout en neutralisant le risque de grief tiré d’un défaut de paiement si le bail devait être ultérieurement tenu pour en cours. La solution demeure encadrée par le caractère provisoire de la mesure, la réversibilité de ses effets et la vigilance du juge à ne pas anticiper la solution de fond.
Sur le terrain de l’abus, l’ordonnance réaffirme une protection essentielle du droit d’ester. Dès lors que l’incident obtient un succès, la condamnation pour abus est exclue, ce qui sécurise la mise en mouvement de mesures temporaires destinées à prévenir des conséquences irréparables. La ligne directrice est lisible. Préserver les droits, éviter les décisions irréversibles, et maintenir l’équilibre des positions jusqu’au débat contradictoire au fond.
En définitive, l’ordonnance illustre une articulation convaincante entre célérité et prudence. La mise en état demeure le lieu d’une protection efficace, limitée au nécessaire, dont l’objet n’est pas de trancher le principal mais d’en garantir l’utilité. Les professionnels des baux commerciaux y trouveront un mode d’emploi clair pour traiter, en amont du fond, les restitutions acquises et les flux locatifs contestés.