Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 12 août 2025, n°21/06115
Par un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 12 août 2025, la juridiction tranche un litige de copropriété mêlant la responsabilité du vendeur et celle du notaire, à la suite d’une modification de l’état descriptif de division intervenue deux jours avant la réitération de la vente. La décision aborde d’abord la prescription, puis qualifie les manquements imputés au vendeur et au notaire, avant de préciser l’étendue de la réparation allouée à l’acquéreur.
Les faits sont simples et déterminants. Un règlement de copropriété publié en 2008 attachait au lot principal la jouissance privative du jardin. L’arrêt cite le texte initial: « Avec jouissance exclusive et particulière d’un jardin, telle que délimitée sous teinte jaune sur le plan demeuré joint et annexé après mention ». Un protocole conclu en 2011, suivi d’un modificatif, a transféré cette jouissance au lot voisin et privatisé des terrasses au profit du lot principal. La cour reproduit la mention décisive: « les terrasses figurant au rez-de -chaussée au droit du Lot quatre sont privatives comme faisant partie intégrante dudit lot […] d’affecter la jouissance exclusive et particulière de deux parcelles de terre composant l’entier jardin de la copropriété au Lot un ».
La procédure révèle une action engagée contre le vendeur, le notaire et l’office notarial, fondée initialement sur le dol et la réduction du prix, puis étendue à la responsabilité délictuelle du notaire. Le tribunal a admis la recevabilité, retenu un dol du vendeur et une faute du notaire, et indemnisé l’acquéreur. Devant la cour, les défendeurs invoquaient la prescription, contestaient toute faute, et soutenaient l’absence de préjudice effectif, l’acquéreur ayant ultérieurement revendu avec plus-value. L’acquéreur sollicitait la confirmation et l’augmentation de l’indemnisation.
La cour confirme la recevabilité en retenant l’unité de finalité entre actions, juge la réticence dolosive du vendeur établie, retient la faute du notaire au titre du devoir de conseil, puis réévalue les préjudices sous l’angle de la perte de chance. Elle énonce, au soutien de la prescription, que « Ainsi, si en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ». S’agissant du notaire, elle rappelle fermement que « Les notaires sont tenus d’éclairer les parties et d’appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels ils sont requis de donner la forme authentique », et que « Il ne peut décliner sa responsabilité en alléguant qu’il n’a fait qu’authentifier l’acte établi par les parties ou reprendre leurs propositions ».
I. Prescription et qualification des manquements
A. L’interruption de la prescription par l’unité de finalité des prétentions
La cour applique la prescription quinquennale des actions personnelles, en faisant jouer l’effet interruptif de la demande initiale. En présence d’une action ultérieure fondée sur une cause distincte, elle vérifie l’identité de finalité indemnitaire. Elle retient, par un attendu de principe, que « Ainsi, si en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins ». L’action délictuelle contre le notaire se trouvait virtuellement comprise dans la première instance, car toutes deux poursuivaient des dommages-intérêts portant les mêmes conséquences économiques. Cette approche cohérente neutralise les effets de stratégie procédurale et favorise la stabilité des débats, sans étirer indûment les délais.
Cette solution s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante sur l’extension de l’interruption à des demandes connexes par leurs fins. Elle préserve l’accès au juge lorsque la qualification juridique évolue sans modifier la nature concrète de la prétention. Elle évite, enfin, l’écueil d’un morcellement artificiel des voies de droit au détriment de l’effectivité de la réparation.
B. Réticence dolosive du vendeur et manquement du notaire à son devoir de conseil
La cour constate d’abord que l’avant-contrat renvoyait à un état de division attribuant la jouissance privative du jardin au lot acquis. L’extrait reproduit en témoigne: « Avec jouissance exclusive et particulière d’un jardin, telle que délimitée sous teinte jaune ». La modification, intervenue deux jours avant la vente, a inversé l’économie des jouissances privatives au bénéfice du lot voisin. L’arrêt en retient la teneur: « les terrasses […] sont privatives […]. En outre […] d’affecter la jouissance exclusive […] de l’entier jardin […] au Lot un ». Le silence gardé par le vendeur sur ces éléments décisifs caractérise la réticence dolosive, dès lors que l’information aurait déterminé le consentement ou le prix.
Le notaire, rédacteur du modificatif et instrumentaire de la vente, devait s’assurer d’un consentement éclairé. La cour rappelle la norme professionnelle: « Les notaires sont tenus d’éclairer les parties […] sur la portée, les effets et les risques des actes ». Elle ajoute sans ambiguïté: « Il ne peut décliner sa responsabilité en alléguant qu’il n’a fait qu’authentifier l’acte établi par les parties ». La faute résulte de l’absence de vérification de l’information donnée à l’acquéreur sur la disparition de la jouissance privative et sur les travaux communs envisagés. La formule est claire: « En ne procédant pas à cette information le notaire a manqué à son obligation de conseil tel que retenu par le tribunal ».
II. Indemnisation par la perte de chance et portée pratique
A. La qualification et la mesure du préjudice d’agrément
La cour refuse une restitution en nature ou une réduction mécanique du prix, et qualifie le dommage comme une opportunité perdue de négocier autrement. Elle précise la nature du préjudice: « Il s’agit par voie de conséquence d’un préjudice de perte de chance dont l’assiette représente 10% de la valeur de l’immeuble acquis […] et le taux de perte de chance fixé à 50% ». Le choix du droit d’agrément, et non d’un droit réel, s’accorde avec la disparition d’une jouissance attachée au lot plutôt qu’avec un transfert de propriété.
Cette méthode de chiffrage, appuyée sur un pourcentage de la valeur du bien puis modulée par un taux de chance, offre une grille opératoire. Elle limite l’aléa indemnitaire tout en respectant la part d’incertitude inhérente à l’alternative perdue. Elle neutralise, en outre, l’argument de la plus-value ultérieure, que la cour écarte comme sans lien compensatoire nécessaire avec le dommage initialement causé.
B. Répartition des responsabilités et enseignements pour la pratique notariale
La réparation se dédouble. Le vendeur et le notaire sont condamnés in solidum pour la perte de chance liée à la jouissance supprimée, reflet d’une causalité concurrente. En revanche, le poste relatif aux travaux communs demeure à la seule charge du vendeur, la cour écartant tout lien de causalité avec la faute notariale. L’arrêt le souligne nettement: « En revanche, c’est avec raison que le tribunal a jugé qu’il n’existait pas de lien de causalité entre la faute du notaire retenue et ce dommage ».
La portée pratique est forte pour la déontologie notariale en contexte de copropriété. La décision rappelle que l’office ne peut s’abriter derrière la dynamique transactionnelle entre copropriétaires lorsque l’économie des jouissances privatives bascule. L’exigence d’un consentement informé impose une alerte spécifique sur les effets du modificatif et sur les charges communes en cours ou envisagées. L’axiome demeure, sans atténuation possible: « Il ne peut décliner sa responsabilité en alléguant qu’il n’a fait qu’authentifier l’acte établi par les parties ». Cette rigueur incite à formaliser l’information, à tracer l’adhésion de l’acquéreur, et à articuler clairement l’état de division, les annexes et la désignation du bien vendu.
Par un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 12 août 2025, la juridiction tranche un litige de copropriété mêlant la responsabilité du vendeur et celle du notaire, à la suite d’une modification de l’état descriptif de division intervenue deux jours avant la réitération de la vente. La décision aborde d’abord la prescription, puis qualifie les manquements imputés au vendeur et au notaire, avant de préciser l’étendue de la réparation allouée à l’acquéreur.
Les faits sont simples et déterminants. Un règlement de copropriété publié en 2008 attachait au lot principal la jouissance privative du jardin. L’arrêt cite le texte initial: « Avec jouissance exclusive et particulière d’un jardin, telle que délimitée sous teinte jaune sur le plan demeuré joint et annexé après mention ». Un protocole conclu en 2011, suivi d’un modificatif, a transféré cette jouissance au lot voisin et privatisé des terrasses au profit du lot principal. La cour reproduit la mention décisive: « les terrasses figurant au rez-de -chaussée au droit du Lot quatre sont privatives comme faisant partie intégrante dudit lot […] d’affecter la jouissance exclusive et particulière de deux parcelles de terre composant l’entier jardin de la copropriété au Lot un ».
La procédure révèle une action engagée contre le vendeur, le notaire et l’office notarial, fondée initialement sur le dol et la réduction du prix, puis étendue à la responsabilité délictuelle du notaire. Le tribunal a admis la recevabilité, retenu un dol du vendeur et une faute du notaire, et indemnisé l’acquéreur. Devant la cour, les défendeurs invoquaient la prescription, contestaient toute faute, et soutenaient l’absence de préjudice effectif, l’acquéreur ayant ultérieurement revendu avec plus-value. L’acquéreur sollicitait la confirmation et l’augmentation de l’indemnisation.
La cour confirme la recevabilité en retenant l’unité de finalité entre actions, juge la réticence dolosive du vendeur établie, retient la faute du notaire au titre du devoir de conseil, puis réévalue les préjudices sous l’angle de la perte de chance. Elle énonce, au soutien de la prescription, que « Ainsi, si en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ». S’agissant du notaire, elle rappelle fermement que « Les notaires sont tenus d’éclairer les parties et d’appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels ils sont requis de donner la forme authentique », et que « Il ne peut décliner sa responsabilité en alléguant qu’il n’a fait qu’authentifier l’acte établi par les parties ou reprendre leurs propositions ».
I. Prescription et qualification des manquements
A. L’interruption de la prescription par l’unité de finalité des prétentions
La cour applique la prescription quinquennale des actions personnelles, en faisant jouer l’effet interruptif de la demande initiale. En présence d’une action ultérieure fondée sur une cause distincte, elle vérifie l’identité de finalité indemnitaire. Elle retient, par un attendu de principe, que « Ainsi, si en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins ». L’action délictuelle contre le notaire se trouvait virtuellement comprise dans la première instance, car toutes deux poursuivaient des dommages-intérêts portant les mêmes conséquences économiques. Cette approche cohérente neutralise les effets de stratégie procédurale et favorise la stabilité des débats, sans étirer indûment les délais.
Cette solution s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante sur l’extension de l’interruption à des demandes connexes par leurs fins. Elle préserve l’accès au juge lorsque la qualification juridique évolue sans modifier la nature concrète de la prétention. Elle évite, enfin, l’écueil d’un morcellement artificiel des voies de droit au détriment de l’effectivité de la réparation.
B. Réticence dolosive du vendeur et manquement du notaire à son devoir de conseil
La cour constate d’abord que l’avant-contrat renvoyait à un état de division attribuant la jouissance privative du jardin au lot acquis. L’extrait reproduit en témoigne: « Avec jouissance exclusive et particulière d’un jardin, telle que délimitée sous teinte jaune ». La modification, intervenue deux jours avant la vente, a inversé l’économie des jouissances privatives au bénéfice du lot voisin. L’arrêt en retient la teneur: « les terrasses […] sont privatives […]. En outre […] d’affecter la jouissance exclusive […] de l’entier jardin […] au Lot un ». Le silence gardé par le vendeur sur ces éléments décisifs caractérise la réticence dolosive, dès lors que l’information aurait déterminé le consentement ou le prix.
Le notaire, rédacteur du modificatif et instrumentaire de la vente, devait s’assurer d’un consentement éclairé. La cour rappelle la norme professionnelle: « Les notaires sont tenus d’éclairer les parties […] sur la portée, les effets et les risques des actes ». Elle ajoute sans ambiguïté: « Il ne peut décliner sa responsabilité en alléguant qu’il n’a fait qu’authentifier l’acte établi par les parties ». La faute résulte de l’absence de vérification de l’information donnée à l’acquéreur sur la disparition de la jouissance privative et sur les travaux communs envisagés. La formule est claire: « En ne procédant pas à cette information le notaire a manqué à son obligation de conseil tel que retenu par le tribunal ».
II. Indemnisation par la perte de chance et portée pratique
A. La qualification et la mesure du préjudice d’agrément
La cour refuse une restitution en nature ou une réduction mécanique du prix, et qualifie le dommage comme une opportunité perdue de négocier autrement. Elle précise la nature du préjudice: « Il s’agit par voie de conséquence d’un préjudice de perte de chance dont l’assiette représente 10% de la valeur de l’immeuble acquis […] et le taux de perte de chance fixé à 50% ». Le choix du droit d’agrément, et non d’un droit réel, s’accorde avec la disparition d’une jouissance attachée au lot plutôt qu’avec un transfert de propriété.
Cette méthode de chiffrage, appuyée sur un pourcentage de la valeur du bien puis modulée par un taux de chance, offre une grille opératoire. Elle limite l’aléa indemnitaire tout en respectant la part d’incertitude inhérente à l’alternative perdue. Elle neutralise, en outre, l’argument de la plus-value ultérieure, que la cour écarte comme sans lien compensatoire nécessaire avec le dommage initialement causé.
B. Répartition des responsabilités et enseignements pour la pratique notariale
La réparation se dédouble. Le vendeur et le notaire sont condamnés in solidum pour la perte de chance liée à la jouissance supprimée, reflet d’une causalité concurrente. En revanche, le poste relatif aux travaux communs demeure à la seule charge du vendeur, la cour écartant tout lien de causalité avec la faute notariale. L’arrêt le souligne nettement: « En revanche, c’est avec raison que le tribunal a jugé qu’il n’existait pas de lien de causalité entre la faute du notaire retenue et ce dommage ».
La portée pratique est forte pour la déontologie notariale en contexte de copropriété. La décision rappelle que l’office ne peut s’abriter derrière la dynamique transactionnelle entre copropriétaires lorsque l’économie des jouissances privatives bascule. L’exigence d’un consentement informé impose une alerte spécifique sur les effets du modificatif et sur les charges communes en cours ou envisagées. L’axiome demeure, sans atténuation possible: « Il ne peut décliner sa responsabilité en alléguant qu’il n’a fait qu’authentifier l’acte établi par les parties ». Cette rigueur incite à formaliser l’information, à tracer l’adhésion de l’acquéreur, et à articuler clairement l’état de division, les annexes et la désignation du bien vendu.