Par un arrêt en date du 13 février 2025, la cour administrative d’appel de Marseille a eu à se prononcer sur la légalité d’un permis de construire autorisant l’extension d’une construction existante, elle-même non conforme à certaines règles d’urbanisme. En l’espèce, une société immobilière s’est vu délivrer un permis de construire pour la rénovation et l’extension d’une maison d’habitation. Ce permis a été retiré par le maire, puis un second permis a été accordé pour un projet similaire. Un voisin a formé un recours pour excès de pouvoir contre cette seconde autorisation. Le tribunal administratif de Toulon, par un jugement du 7 mars 2023, a partiellement annulé ce permis au motif qu’une partie de l’extension méconnaissait la règle de hauteur maximale fixée par le plan local d’urbanisme, tout en invitant le pétitionnaire à régulariser ce vice. La société immobilière et le voisin requérant ont tous deux interjeté appel de ce jugement, la première pour en obtenir l’annulation, le second pour que l’annulation du permis soit totale. Au cours de l’instance d’appel, un permis de construire modificatif a été délivré afin de régulariser le vice identifié par les premiers juges. La cour administrative d’appel était ainsi saisie de la légalité du permis initial et de la mesure de régularisation intervenue en cours de procédure. Il lui appartenait de déterminer si des travaux d’extension sur une construction existante, dont la conformité originelle est établie, peuvent être autorisés lorsqu’ils sont attenants à une partie déjà non conforme aux règles d’urbanisme en vigueur. La cour administrative d’appel annule le jugement du tribunal administratif et rejette l’ensemble des demandes du voisin requérant. Elle juge que la conformité de la construction initiale ne pouvait plus être contestée en l’absence de fraude, dès lors qu’un certificat de conformité avait été délivré plus de vingt ans auparavant. Elle estime ensuite que les travaux d’extension autorisés, examinés pour eux-mêmes, ne méconnaissent pas la règle de hauteur et n’aggravent pas la non-conformité préexistante de la construction.
L’arrêt apporte ainsi d’utiles précisions sur l’office du juge administratif confronté à une mesure de régularisation en cours d’instance d’appel (I), avant de procéder à une application rigoureuse des règles de fond relatives aux travaux sur des constructions existantes non conformes (II).
I. L’office du juge d’appel face à la régularisation d’un permis de construire
La décision commentée illustre d’abord la consolidation du contentieux de l’urbanisme entre les mains du juge d’appel lorsque survient une mesure de régularisation (A), puis rappelle l’effet préclusif attaché à l’absence de contestation d’un certificat de conformité (B).
A. La centralisation du contentieux par l’effet de la régularisation en appel
La cour rappelle le mécanisme procédural issu de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme, qui organise la compétence du juge d’appel pour connaître directement de la légalité d’une mesure de régularisation intervenue après le jugement de première instance. Elle expose la méthode à suivre : le juge doit d’abord examiner la légalité du permis initial, puis, si des vices régularisables sont constatés, il doit apprécier si la mesure de régularisation y a effectivement remédié. Cette approche pragmatique permet de statuer sur l’ensemble du projet, dans sa version finalement autorisée, et d’éviter des instances parallèles qui nuiraient à une bonne administration de la justice. La cour précise que dans une telle configuration, « il appartient alors au juge d’appel de se prononcer, dans un premier temps, sur la légalité du permis initial tel qu’attaqué devant le tribunal administratif ». Cette solution assure que l’ensemble des critiques de légalité, qu’elles visent l’autorisation initiale ou sa modification, soient purgées au sein d’une seule et même procédure, garantissant ainsi la sécurité juridique des autorisations d’urbanisme.
B. La cristallisation des droits sur la construction existante
L’un des apports essentiels de l’arrêt réside dans le rappel de la portée d’un certificat de conformité non contesté dans les délais. Le requérant entendait se prévaloir d’une prétendue non-conformité de la construction originelle, édifiée en vertu d’un permis de l’an 2000. La cour écarte ce moyen en se fondant sur les articles L. 462-2 et R. 462-6 du code de l’urbanisme. Elle juge que, dès lors que l’autorité administrative n’a pas contesté la conformité des travaux dans le délai de trois ou cinq mois suivant la déclaration d’achèvement, elle ne peut plus le faire ultérieurement. Par conséquent, il ne peut être exigé d’un propriétaire, « sauf le cas de fraude », de solliciter une régularisation de la construction existante à l’occasion d’une nouvelle demande de permis. La cour constate qu’un récolement des travaux a eu lieu en 2002 sans qu’aucune non-conformité ne soit relevée et que la fraude n’est pas même alléguée. La légalité de l’implantation du bâti initial est donc définitivement acquise, fermant la voie à toute contestation sur ce point.
II. L’appréciation de la conformité des travaux d’extension
Après avoir circonscrit l’objet du litige aux seuls travaux nouveaux, la cour examine leur conformité aux règles d’urbanisme (A), en procédant à une analyse détaillée du respect de la règle de hauteur (B).
A. L’application du principe de non-aggravation de la non-conformité
La cour rappelle la jurisprudence constante selon laquelle des travaux sur une construction existante non conforme peuvent être autorisés à une double condition. Il faut soit que ces travaux rendent l’immeuble « plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues », soit qu’ils soient « étrangers à ces dispositions ». En l’espèce, il était constant que la construction existante ne respectait pas les règles de hauteur du plan local d’urbanisme en vigueur. Le projet consistait en une extension accolée à cette construction. La cour examine alors si cette extension aggrave ou non la non-conformité préexistante. Elle relève que la partie de l’extension qui prolonge une façade existante déjà en infraction « n’a pas aggravé la méconnaissance par le projet attaqué des dispositions de l’article UC 10 du règlement du plan local d’urbanisme ». Cette analyse, distincte pour chaque partie du projet, témoigne d’une volonté de ne pas paralyser tout projet d’aménagement sur un bâti ancien au seul motif de sa non-conformité originelle à des règles postérieures.
B. L’interprétation concrète des règles de mesure de la hauteur
L’appréciation de la légalité du projet repose in fine sur une lecture minutieuse des règles de mesure définies par le plan local d’urbanisme lui-même. Le règlement local prévoyait que la hauteur se mesure au droit des façades, « en incluant les façades en retrait d’orientation identique ou similaire pour un observateur éloigné ». La cour se livre à une analyse très factuelle des plans et des perspectives du projet. Elle distingue ainsi la partie ouest de l’extension, qui prolonge le bâti existant, de sa partie est, qui en est visuellement séparée par un décroché. Pour cette dernière, elle considère que « pour un observateur éloigné, la façade d’orientation identique ou similaire, est distincte de la façade comportant la construction existante ». Cette distinction lui permet de conclure que le point de référence pour mesurer la hauteur n’est pas le même pour les deux parties de l’extension, et qu’aucune d’entre elles ne méconnaît la hauteur maximale autorisée. Cette motivation illustre le caractère décisif de la rédaction des règles locales d’urbanisme et l’importance d’une appréciation in concreto par le juge.