Cour d’appel administrative de Lyon, le 25 mars 2025, n°23LY01076

En l’espèce, un constructeur s’est vu refuser un permis de construire pour un ensemble immobilier de cinquante logements par une autorité municipale. La décision de refus était motivée par plusieurs non-conformités au plan local d’urbanisme, notamment un défaut d’insertion du projet, le non-respect des règles d’implantation et, surtout, la violation d’une disposition régissant le nombre de niveaux constructibles en-dessous du rez-de-chaussée sur un terrain en pente. Le pétitionnaire a alors saisi le tribunal administratif, qui a rejeté sa demande. Les premiers juges, après avoir écarté les autres motifs, ont en effet considéré que le refus était légalement justifié par la seule méconnaissance de la règle relative aux niveaux inférieurs. La société a interjeté appel de ce jugement, contestant l’interprétation de la disposition litigieuse. Elle soutenait que la règle, ne visant pas explicitement les seules voies publiques, aurait dû être appréciée au regard de la voie privée longeant également son terrain, ce qui aurait modifié le calcul des niveaux. Le problème de droit soumis à la cour administrative d’appel était donc de savoir si, pour l’application d’une règle de hauteur fixée par rapport au niveau d’une voie, l’administration doit tenir compte de l’ensemble des voies, publiques comme privées, qui bordent un terrain, ou si elle peut légitimement ne retenir que la voie publique principale desservant le projet. Par un arrêt du 25 mars 2025, la cour administrative d’appel rejette la requête. Elle estime que, pour un bâtiment unique bénéficiant d’un seul accès depuis la voie publique, c’est cette dernière qui constitue l’unique référence pour apprécier la règle de hauteur. Constatant que le projet comportait bien deux niveaux habitables sous le rez-de-chaussée ainsi défini, en violation de l’article du règlement n’en autorisant qu’un seul, la cour juge que ce seul motif suffisait à fonder légalement le refus de permis de construire.

Cette décision, en validant l’interprétation restrictive de la règle d’urbanisme, conforte l’approche fonctionnelle retenue par les juges du fond (I), tout en réaffirmant un principe classique du contentieux administratif selon lequel un seul motif légal suffit à justifier une décision (II).

I. La consolidation d’une interprétation restrictive de la règle d’urbanisme

La solution retenue par la cour administrative d’appel repose sur une lecture stricte de la disposition du plan local d’urbanisme, tant dans la détermination de la voie de référence pour le calcul des niveaux (A) que dans la caractérisation de la non-conformité du projet (B).

A. La primauté de la voie publique comme point de référence

Le requérant soutenait que la notion de « voies » employée par le règlement ne distinguait pas entre leur caractère public ou privé. En théorie, cet argument littéral pouvait sembler pertinent. Toutefois, la cour écarte cette lecture en se fondant sur une analyse concrète de la configuration du projet. Elle relève que la construction, bien que composée de deux volumes, forme un « bâtiment unique bénéficiant d’un seul accès à l’est depuis la voie publique ». C’est ce critère fonctionnel de l’accès principal qui devient déterminant. En liant le point de référence altimétrique à l’accès effectif du bâtiment, le juge administratif ancre l’interprétation de la règle dans la réalité physique et fonctionnelle du projet plutôt que dans une abstraction juridique. Cette approche pragmatique permet de prévenir les montages visant à contourner les règles de hauteur en se prévalant de voies secondaires ou privées qui ne structurent pas réellement l’insertion du bâtiment dans son environnement. La solution clarifie ainsi que, pour un projet unitaire, la voie de desserte principale constitue le référentiel logique et unique pour l’application des prescriptions qui en dépendent, assurant une lecture cohérente et prévisible du règlement d’urbanisme.

B. La caractérisation matérielle de l’infraction à la règle de hauteur

Une fois la voie de référence établie, la non-conformité du projet devenait une simple question de constat matériel. La disposition applicable aux terrains en pente stipulait qu’« il est possible de réaliser un niveau de construction, en-dessous du niveau du rez-de-chaussée ». Or, l’examen des pièces du dossier, et notamment du plan de coupe, a permis à la cour de constater sans équivoque l’existence de « deux niveaux dédiés à l’habitation » sous le rez-de-chaussée. La tentative du pétitionnaire de minimiser cette infraction en arguant que seuls les niveaux de stationnement étaient concernés est ainsi directement contredite par les documents qu’il avait lui-même fournis. La décision souligne l’importance capitale de la précision des plans déposés à l’appui d’une demande de permis de construire, ceux-ci constituant la base factuelle sur laquelle le juge opère son contrôle. En confirmant que la présence de deux niveaux habitables au lieu d’un seul méconnaissait l’article 2.5.3.2 du règlement, la cour ne fait qu’appliquer la règle dans toute sa rigueur. Elle rappelle que les dérogations, spécialement en matière de hauteur, sont d’interprétation stricte et que toute infraction, même si elle pouvait paraître limitée au regard de l’ampleur du projet, suffit à entacher la légalité de l’autorisation d’urbanisme sollicitée.

L’illégalité du projet étant ainsi clairement établie sur un point précis, la cour applique logiquement le principe de l’économie des moyens pour rejeter l’ensemble des prétentions du requérant.

II. La portée décisive d’un unique motif de refus justifié

La décision illustre parfaitement la force du principe selon lequel un seul motif légal suffit à fonder un refus (A), rendant par conséquent inopérante la discussion autour des autres moyens soulevés par les parties (B).

A. L’application du principe de l’économie de moyens

En confirmant le raisonnement du tribunal administratif, la cour réaffirme une règle fondamentale du contentieux de l’annulation. Lorsqu’une décision administrative repose sur plusieurs motifs, comme c’était le cas de l’arrêté de refus initial, il suffit que l’un d’entre eux soit jugé légal et apte à justifier à lui seul le dispositif de la décision pour que celle-ci soit validée. Le juge, après avoir identifié un tel motif, n’est pas tenu d’examiner les autres. C’est ce que la cour exprime en affirmant que « le maire de Neuville-sur-Saône pouvait, pour ce seul motif, refuser le permis de construire sollicité ». Ce principe, dit de l’économie de moyens, vise à assurer une bonne administration de la justice en évitant des débats qui seraient sans incidence sur l’issue du litige. Pour l’administration, il constitue une sécurité juridique considérable, sa décision pouvant être sauvée même si la plupart de ses arguments sont écartés. Pour le pétitionnaire, il représente une épée de Damoclès : la moindre non-conformité substantielle de son dossier peut s’avérer fatale, anéantissant ses efforts pour contester d’autres motifs de refus potentiellement plus discutables.

B. La neutralisation des autres moyens et des demandes de substitution

La conséquence directe de l’application de ce principe est la neutralisation de toute autre discussion juridique. En l’espèce, le tribunal de première instance avait pourtant donné partiellement raison au requérant en censurant les motifs tirés du défaut d’insertion et de la méconnaissance d’autres articles du règlement. Devant la cour d’appel, la commune tentait par ailleurs d’obtenir une substitution de motifs pour renforcer sa position. La cour écarte ce débat d’un revers de main, précisant qu’il n’est « pas besoin de se prononcer sur les substitutions de motifs demandées en appel par la commune ». La solidité du motif tiré de la violation de l’article 2.5.3.2 rendait superfétatoire l’examen des autres arguments, qu’ils proviennent du requérant ou de l’administration. Cette solution confirme que la stratégie contentieuse consistant à soulever une multitude de moyens ne porte ses fruits que si aucun d’entre eux n’est jugé imparable. La portée de l’arrêt est donc claire : elle rappelle aux constructeurs l’exigence d’une conformité rigoureuse de leurs projets à l’intégralité des prescriptions d’urbanisme, car une seule faille avérée peut suffire à légitimer un refus, fermant la porte à toute autre forme de débat.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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