La Cour de justice des Communautés européennes a rendu un arrêt le 12 février 2009 relatif à l’interprétation du système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Cette décision précise les modalités de déduction fiscale pour un immeuble utilisé en partie à des fins privées par le représentant d’une personne morale. Une société a fait l’acquisition de l’usufruit d’un bâtiment pour y établir ses bureaux. Elle loge également son administrateur délégué et sa famille dans ces mêmes locaux. L’assujetti a déduit l’intégralité de la taxe payée lors de l’apport de ce droit réel immobilier d’une durée de vingt ans. L’administration fiscale a contesté cette déduction. Elle considère que l’usage privé du bien constitue une prestation de services exonérée privant l’entreprise de ses droits à déduction. Le tribunal de première instance de Mons a rendu un jugement le 8 août 2006 suite au recours de l’assujetti. La cour d’appel de Mons a décidé d’interroger la Cour de justice sur la validité de sa législation interne. La juridiction doit déterminer si l’usage privé d’un bien d’investissement par le personnel d’une société peut être assimilé à une location immobilière exonérée. Le juge communautaire considère que les règles nationales ne peuvent pas qualifier d’office une telle utilisation de prestation exonérée sans réunion des critères contractuels. Cette solution repose sur l’assimilation de l’usage privé à une prestation taxée et sur l’encadrement strict des conditions d’exonération prévues par la directive.
I. L’assimilation de l’usage privé à une prestation de services onéreuse
A. L’extension des principes jurisprudentiels aux personnes morales Le juge communautaire confirme que l’utilisation d’un bien d’entreprise pour les besoins privés doit être traitée comme une prestation de services effectuée à titre onéreux. Cette règle s’applique dès lors que le bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe lors de son acquisition. La Cour refuse de limiter ce principe aux seuls entrepreneurs individuels en s’appuyant sur le libellé explicite de l’article 6 de la sixième directive. Ce texte vise non seulement l’assujetti mais également le cas où «le personnel d’un assujetti procède à une telle utilisation» de nature privée. L’identité physique entre le propriétaire et l’occupant n’est donc pas une condition nécessaire pour l’application du mécanisme de taxation de l’usage privé. Cette interprétation permet d’assurer une parfaite neutralité fiscale entre les différentes structures d’exploitation choisies par les opérateurs économiques au sein du marché commun.
B. L’indifférence de la forme juridique sur la qualité d’assujetti La Cour rappelle que la notion d’assujetti est strictement liée à l’accomplissement d’une activité économique indépendante quels que soient les buts ou les résultats poursuivis. La forme juridique de l’opérateur ne doit pas influencer le traitement fiscal des opérations de mise à disposition de biens immobiliers au profit de son personnel. L’arrêt souligne que la directive n’opère aucune distinction entre les personnes physiques et les personnes morales pour définir le régime des prestations de services. Les objectifs d’harmonisation des législations imposent une application uniforme des règles de taxation sans égard pour le statut de l’entité juridique qui réalise l’investissement. L’usage d’un immeuble par le dirigeant d’une société est ainsi soumis au même régime que celui applicable à un commerçant exploitant en nom propre. La reconnaissance de cette opération comme une prestation imposable constitue le fondement indispensable au maintien de l’intégralité du droit à déduction exercé en amont.
II. La stricte délimitation de la notion de location immobilière exonérée
A. L’exigence de critères contractuels pour la qualification de location L’exonération prévue pour l’affermage ou la location de biens immeubles ne peut s’appliquer de manière automatique à la simple mise à disposition d’un logement. Le juge européen précise que cette qualification exige la réunion de caractéristiques précises telles que le paiement d’un loyer et la durée de la jouissance. Une occupation caractérisée par «l’absence tant de paiement d’un loyer que d’un accord sur la durée» ne saurait être qualifiée de location immobilière exonérée. L’administration ne peut transformer un avantage en nature accordé sans contrat spécifique en une prestation exonérée par le seul effet d’une disposition de droit national. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les éléments constitutifs du bail sont effectivement réunis dans les relations entre la société et l’occupant. Cette rigueur dans la définition des exceptions garantit que les exonérations restent limitées aux situations juridiques correspondant réellement à la volonté des parties.
B. La préservation du droit à déduction de la taxe en amont La Cour conclut que les dispositions communautaires «s’opposent à une réglementation nationale qui […] traite comme une prestation de services exonérée» l’usage privé du personnel d’une société. Cette solution permet à l’assujetti de conserver son droit à déduction pour la totalité de la taxe ayant grevé les travaux de construction ou d’acquisition. Le système évite ainsi la création d’une taxe résiduelle occulte qui pèserait sur l’entreprise lorsque le bien est affecté au patrimoine professionnel de l’entité. L’imposition de l’usage privé au fur et à mesure de l’utilisation remplace avantageusement la limitation immédiate et définitive de la déduction de la taxe initiale. Cette méthode assure que la charge fiscale finale repose exclusivement sur le consommateur sans entraver les capacités d’investissement des acteurs économiques au moment de l’achat. Le droit à déduction demeure un élément essentiel du mécanisme de la taxe dont l’exercice doit être protégé contre les restrictions nationales non justifiées.