Cour d’appel de Nîmes, le 4 septembre 2025, n°24/01287
Par arrêt du 4 septembre 2025, la première chambre civile de la cour d’appel de Nîmes a statué sur la question de la garantie des vices cachés dans le cadre d’une vente immobilière, en précisant les conditions d’application de la clause d’exclusion de garantie stipulée au profit du vendeur.
Un particulier a vendu par acte authentique du 23 décembre 2020 une maison d’habitation à des acquéreurs. Sept mois après la vente, ces derniers ont constaté une fuite au niveau de la canalisation d’arrivée d’eau. Ils ont alors assigné le vendeur en garantie des vices cachés devant le tribunal judiciaire de Nîmes.
Le tribunal judiciaire de Nîmes, par jugement du 13 février 2024, a condamné le vendeur à payer aux acquéreurs la somme de 13 103,73 euros au titre des travaux de réparation de la canalisation fuyarde. Le vendeur a interjeté appel de cette décision. Devant la cour d’appel, il soutenait que la preuve de l’existence d’un vice caché et de sa connaissance n’était pas rapportée. Il reconnaissait avoir fait procéder à une réparation avant la vente mais affirmait n’avoir pu prévoir que la canalisation fuirait à nouveau. Les acquéreurs, intimés, sollicitaient la confirmation du jugement en faisant valoir que le vendeur avait été informé par l’artisan de la nécessité de remplacer la totalité de la conduite.
La cour d’appel devait déterminer si le vendeur, informé avant la vente d’une fuite affectant la canalisation et de son état de détérioration, pouvait se prévaloir de la clause d’exclusion de garantie des vices cachés stipulée dans l’acte de vente.
La cour d’appel de Nîmes a confirmé le jugement entrepris. Elle a retenu que la fuite sérieuse survenue trois mois avant la vente avait révélé au vendeur la défectuosité de la canalisation. Elle a jugé que ce dernier « avait pleinement conscience au moment de la vente de la fragilité intrinsèque de la canalisation et du risque potentiel de nouvelle déperdition d’eau », de sorte qu’il ne pouvait être exonéré de son obligation de garantie.
La décision de la cour d’appel de Nîmes invite à examiner les conditions de mise en œuvre de la garantie des vices cachés en matière immobilière (I), avant d’analyser les limites de l’efficacité de la clause d’exclusion de garantie stipulée au profit du vendeur (II).
I. La caractérisation du vice caché affectant le bien immobilier vendu
La cour d’appel procède à une analyse rigoureuse des conditions du vice caché (A), pour établir ensuite sa gravité au regard de l’usage attendu du bien (B).
A. La réunion des conditions légales du vice caché
La cour d’appel rappelle les termes des articles 1641 et 1642 du code civil selon lesquels le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise s’il les avait connus. Elle énonce que la mise en œuvre de cette garantie suppose que la chose vendue soit atteinte d’un défaut « revêtant une certaine gravité, caché et antérieur ou concomitant à la vente ».
La cour relève que la canalisation d’arrivée d’eau était constituée d’un tuyau en polyéthylène très endommagé qui ne pouvait plus supporter la pression de l’eau. Cette constatation résultait du courrier de l’artisan intervenu en septembre 2020, des attestations des voisins, du courrier du fournisseur d’eau signalant une consommation inhabituelle et des photographies montrant la canalisation percée en plusieurs endroits. Le caractère caché du vice est établi par le fait que la canalisation était enterrée. Les acquéreurs ne pouvaient donc déceler lors de la vente qu’elle était défectueuse. L’acte de vente ne contenait aucune mention à ce sujet.
B. L’incidence du vice sur l’usage attendu du bien
La cour d’appel caractérise la gravité du vice au regard de ses conséquences sur l’usage du bien vendu. Elle retient que le défaut d’étanchéité de la canalisation d’arrivée d’eau, à l’origine de fuites importantes entraînant une consommation d’eau inhabituelle, « affecte considérablement l’usage attendu du bien vendu ».
La cour énonce que si les acquéreurs avaient connu l’existence de ce vice avant la vente, ils n’auraient pas acquis le bien ou en auraient donné un moindre prix. Cette formulation reprend les termes mêmes de l’article 1641 du code civil. Elle caractérise l’alternative posée par le texte entre l’absence d’acquisition et la réduction du prix. La jurisprudence exige en effet que le vice affecte l’usage de la chose de manière suffisamment significative pour altérer le consentement de l’acquéreur. Cette condition est distincte du caractère caché du vice. Elle permet d’écarter de la garantie légale les défauts mineurs qui n’auraient pas eu d’incidence sur la décision d’achat.
II. L’inefficacité de la clause d’exclusion de garantie en raison de la connaissance du vice par le vendeur
La cour d’appel rappelle les conditions d’application de la clause d’exclusion de garantie (A), avant de caractériser la mauvaise foi du vendeur justifiant son inapplicabilité (B).
A. Le rappel du régime de la clause d’exclusion de garantie
La cour d’appel vise l’article 1643 du code civil selon lequel le vendeur est tenu de la garantie des vices cachés quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins qu’il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie. Elle reproduit la clause insérée à l’acte de vente qui prévoyait que l’acquéreur prendrait le bien dans son état sans recours contre le vendeur, notamment en raison des vices cachés, tout en précisant que cette exonération ne s’appliquait pas s’il était prouvé que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur.
La cour énonce le principe selon lequel l’exonération de garantie ne peut recevoir application « qu’à la condition que le vendeur n’ait pas eu connaissance au moment de la vente du vice caché allégué ». Cette formulation traduit la règle constamment affirmée par la Cour de cassation selon laquelle le vendeur de mauvaise foi ne peut se prévaloir de la clause d’exclusion de garantie.
B. La caractérisation de la connaissance du vice par le vendeur
La cour d’appel retient que le vendeur savait au moment de la vente que la canalisation d’arrivée d’eau avait fui trois mois auparavant et que cette fuite était sérieuse. Une grande quantité d’eau s’écoulait sur le chemin goudronné et le compteur d’eau tournait de manière accélérée. La cour juge que cette fuite sérieuse survenue avant la vente avait révélé au propriétaire la défectuosité de la canalisation. En l’absence de toute cause extérieure, cette fuite avait nécessairement pour origine la défectuosité de la canalisation elle-même.
La cour relève que la canalisation n’avait été que partiellement réparée, l’artisan étant seulement intervenu au niveau de la fuite localisée. Elle en déduit que le vendeur « avait pleinement conscience au moment de la vente de la fragilité intrinsèque de la canalisation et du risque potentiel de nouvelle déperdition d’eau ». Cette motivation retient une conception large de la connaissance du vice. Elle ne se limite pas à la connaissance effective du défaut précis qui s’est manifesté après la vente. Elle englobe la conscience du risque de survenance de nouveaux désordres liés à l’état général de l’installation. Cette approche renforce la protection des acquéreurs en empêchant le vendeur de se retrancher derrière une réparation partielle pour échapper à son obligation de garantie.
Par arrêt du 4 septembre 2025, la première chambre civile de la cour d’appel de Nîmes a statué sur la question de la garantie des vices cachés dans le cadre d’une vente immobilière, en précisant les conditions d’application de la clause d’exclusion de garantie stipulée au profit du vendeur.
Un particulier a vendu par acte authentique du 23 décembre 2020 une maison d’habitation à des acquéreurs. Sept mois après la vente, ces derniers ont constaté une fuite au niveau de la canalisation d’arrivée d’eau. Ils ont alors assigné le vendeur en garantie des vices cachés devant le tribunal judiciaire de Nîmes.
Le tribunal judiciaire de Nîmes, par jugement du 13 février 2024, a condamné le vendeur à payer aux acquéreurs la somme de 13 103,73 euros au titre des travaux de réparation de la canalisation fuyarde. Le vendeur a interjeté appel de cette décision. Devant la cour d’appel, il soutenait que la preuve de l’existence d’un vice caché et de sa connaissance n’était pas rapportée. Il reconnaissait avoir fait procéder à une réparation avant la vente mais affirmait n’avoir pu prévoir que la canalisation fuirait à nouveau. Les acquéreurs, intimés, sollicitaient la confirmation du jugement en faisant valoir que le vendeur avait été informé par l’artisan de la nécessité de remplacer la totalité de la conduite.
La cour d’appel devait déterminer si le vendeur, informé avant la vente d’une fuite affectant la canalisation et de son état de détérioration, pouvait se prévaloir de la clause d’exclusion de garantie des vices cachés stipulée dans l’acte de vente.
La cour d’appel de Nîmes a confirmé le jugement entrepris. Elle a retenu que la fuite sérieuse survenue trois mois avant la vente avait révélé au vendeur la défectuosité de la canalisation. Elle a jugé que ce dernier « avait pleinement conscience au moment de la vente de la fragilité intrinsèque de la canalisation et du risque potentiel de nouvelle déperdition d’eau », de sorte qu’il ne pouvait être exonéré de son obligation de garantie.
La décision de la cour d’appel de Nîmes invite à examiner les conditions de mise en œuvre de la garantie des vices cachés en matière immobilière (I), avant d’analyser les limites de l’efficacité de la clause d’exclusion de garantie stipulée au profit du vendeur (II).
I. La caractérisation du vice caché affectant le bien immobilier vendu
La cour d’appel procède à une analyse rigoureuse des conditions du vice caché (A), pour établir ensuite sa gravité au regard de l’usage attendu du bien (B).
A. La réunion des conditions légales du vice caché
La cour d’appel rappelle les termes des articles 1641 et 1642 du code civil selon lesquels le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise s’il les avait connus. Elle énonce que la mise en œuvre de cette garantie suppose que la chose vendue soit atteinte d’un défaut « revêtant une certaine gravité, caché et antérieur ou concomitant à la vente ».
La cour relève que la canalisation d’arrivée d’eau était constituée d’un tuyau en polyéthylène très endommagé qui ne pouvait plus supporter la pression de l’eau. Cette constatation résultait du courrier de l’artisan intervenu en septembre 2020, des attestations des voisins, du courrier du fournisseur d’eau signalant une consommation inhabituelle et des photographies montrant la canalisation percée en plusieurs endroits. Le caractère caché du vice est établi par le fait que la canalisation était enterrée. Les acquéreurs ne pouvaient donc déceler lors de la vente qu’elle était défectueuse. L’acte de vente ne contenait aucune mention à ce sujet.
B. L’incidence du vice sur l’usage attendu du bien
La cour d’appel caractérise la gravité du vice au regard de ses conséquences sur l’usage du bien vendu. Elle retient que le défaut d’étanchéité de la canalisation d’arrivée d’eau, à l’origine de fuites importantes entraînant une consommation d’eau inhabituelle, « affecte considérablement l’usage attendu du bien vendu ».
La cour énonce que si les acquéreurs avaient connu l’existence de ce vice avant la vente, ils n’auraient pas acquis le bien ou en auraient donné un moindre prix. Cette formulation reprend les termes mêmes de l’article 1641 du code civil. Elle caractérise l’alternative posée par le texte entre l’absence d’acquisition et la réduction du prix. La jurisprudence exige en effet que le vice affecte l’usage de la chose de manière suffisamment significative pour altérer le consentement de l’acquéreur. Cette condition est distincte du caractère caché du vice. Elle permet d’écarter de la garantie légale les défauts mineurs qui n’auraient pas eu d’incidence sur la décision d’achat.
II. L’inefficacité de la clause d’exclusion de garantie en raison de la connaissance du vice par le vendeur
La cour d’appel rappelle les conditions d’application de la clause d’exclusion de garantie (A), avant de caractériser la mauvaise foi du vendeur justifiant son inapplicabilité (B).
A. Le rappel du régime de la clause d’exclusion de garantie
La cour d’appel vise l’article 1643 du code civil selon lequel le vendeur est tenu de la garantie des vices cachés quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins qu’il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie. Elle reproduit la clause insérée à l’acte de vente qui prévoyait que l’acquéreur prendrait le bien dans son état sans recours contre le vendeur, notamment en raison des vices cachés, tout en précisant que cette exonération ne s’appliquait pas s’il était prouvé que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur.
La cour énonce le principe selon lequel l’exonération de garantie ne peut recevoir application « qu’à la condition que le vendeur n’ait pas eu connaissance au moment de la vente du vice caché allégué ». Cette formulation traduit la règle constamment affirmée par la Cour de cassation selon laquelle le vendeur de mauvaise foi ne peut se prévaloir de la clause d’exclusion de garantie.
B. La caractérisation de la connaissance du vice par le vendeur
La cour d’appel retient que le vendeur savait au moment de la vente que la canalisation d’arrivée d’eau avait fui trois mois auparavant et que cette fuite était sérieuse. Une grande quantité d’eau s’écoulait sur le chemin goudronné et le compteur d’eau tournait de manière accélérée. La cour juge que cette fuite sérieuse survenue avant la vente avait révélé au propriétaire la défectuosité de la canalisation. En l’absence de toute cause extérieure, cette fuite avait nécessairement pour origine la défectuosité de la canalisation elle-même.
La cour relève que la canalisation n’avait été que partiellement réparée, l’artisan étant seulement intervenu au niveau de la fuite localisée. Elle en déduit que le vendeur « avait pleinement conscience au moment de la vente de la fragilité intrinsèque de la canalisation et du risque potentiel de nouvelle déperdition d’eau ». Cette motivation retient une conception large de la connaissance du vice. Elle ne se limite pas à la connaissance effective du défaut précis qui s’est manifesté après la vente. Elle englobe la conscience du risque de survenance de nouveaux désordres liés à l’état général de l’installation. Cette approche renforce la protection des acquéreurs en empêchant le vendeur de se retrancher derrière une réparation partielle pour échapper à son obligation de garantie.