Par un arrêt rendu le 12 juin 2025, la Cour administrative d’appel de Nancy s’est prononcée sur la légalité d’une décision tacite de non-opposition à une déclaration de travaux. Un propriétaire avait déposé une demande pour la construction d’une terrasse en bois surélevée, laquelle a fait l’objet d’une contestation par ses voisins immédiats.
Les requérants ont initialement saisi le tribunal administratif de Strasbourg afin d’obtenir l’annulation de cet acte né du silence de l’administration communale. Par un jugement du 3 février 2022, les premiers juges ont rejeté leur demande, considérant que les moyens soulevés n’étaient pas de nature à l’entacher d’illégalité. Les voisins ont alors interjeté appel, soutenant que le dossier était incomplet, qu’un permis de construire était exigé et que le règlement local d’urbanisme était méconnu.
Le litige soulève la question de savoir si des omissions dans un dossier de déclaration préalable ou la nature surélevée d’une terrasse imposent nécessairement une procédure d’autorisation plus contraignante. La juridiction d’appel doit également déterminer si les nuisances visuelles et les discordances entre le projet et sa réalisation finale affectent la validité de l’autorisation d’urbanisme initiale.
La Cour administrative d’appel de Nancy confirme le rejet de la requête en précisant les conditions de régularité du dossier et les critères de soumission au permis de construire. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la validation de la procédure d’instruction avant d’examiner l’appréciation de la conformité du projet aux règles de fond.
**I. La validation de la procédure d’instruction de la déclaration préalable**
**A. La portée limitée des insuffisances du dossier de déclaration**
Les requérants soutenaient que l’absence de plan de masse coté dans les trois dimensions et de certains documents graphiques rendait le dossier de déclaration préalable irrégulier. La juridiction rappelle toutefois une jurisprudence constante selon laquelle l’insuffisance de pièces n’entraîne l’illégalité que si elle a été « de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative ».
En l’espèce, les juges d’appel relèvent que les documents produits permettaient au service instructeur de connaître précisément les caractéristiques et les dimensions de la construction envisagée. La configuration des lieux et les dimensions modestes du projet rendaient l’absence de représentation de l’environnement lointain sans influence sur la validité de la décision. L’administration disposait d’éléments suffisants, complétés par l’avis de l’architecte des bâtiments de France, pour se prononcer sur la conformité de la terrasse à la réglementation applicable.
**B. La confirmation du régime déclaratif pour la création d’une terrasse**
Le passage d’un régime de déclaration préalable à celui du permis de construire dépend de seuils de surface de plancher ou d’emprise au sol strictement définis. Les requérants arguaient de la nécessité d’un permis de construire en raison de la surface totale de l’habitation existante et de la nature de l’ouvrage projeté. La Cour rejette cette argumentation en s’appuyant sur les dispositions de l’article R. 431-2 du code de l’urbanisme relatives aux seuils de recours obligatoire à l’architecte.
Elle souligne surtout que le seuil de dispense n’est pas applicable puisque la construction d’une terrasse « ne comporte pas de création de surface de plancher supplémentaire ». Dès lors que le projet ne dépasse pas les limites fixées par le code, l’autorité municipale pouvait régulièrement statuer par une simple décision de non-opposition. La qualification juridique de l’ouvrage comme terrasse exclut ainsi l’application des règles relatives à l’extension substantielle des structures porteuses ou des surfaces habitables.
**II. L’appréciation de la conformité du projet aux règles d’urbanisme**
**A. Le contrôle restreint de l’insertion paysagère de la construction**
Le règlement du plan local d’urbanisme permet de refuser un projet s’il porte atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants ou aux paysages. Pour appliquer cette règle, l’autorité administrative doit « apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel » puis évaluer l’impact que la construction pourrait avoir. Les requérants invoquaient une vue plongeante sur leur propriété et une atteinte aux perspectives monumentales à proximité d’une ancienne synagogue classée.
L’arrêt écarte ce moyen en constatant l’absence de toute covisibilité entre la terrasse et les éléments du patrimoine remarquable situés sur le territoire de la commune. Les lieux avoisinants ne présentent pas un intérêt architectural particulier et l’ouvrage, situé à l’arrière du bâtiment, n’est pas visible depuis la voie publique. La Cour considère ainsi que le maire n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en ne s’opposant pas aux travaux au regard de l’insertion paysagère.
**B. L’indifférence des vices d’exécution sur la légalité de l’acte**
Une partie de l’argumentation des voisins reposait sur la discordance constatée entre les photographies de la construction achevée et les plans initialement fournis par le pétitionnaire. Les juges rappellent avec fermeté que la légalité d’un acte administratif s’apprécie à la date de son édiction et non au regard d’éléments postérieurs. Une autorisation d’urbanisme a pour seul objet d’autoriser une construction conforme aux indications du dossier, indépendamment de la réalité physique des travaux futurs.
La circonstance que les plans ne soient pas respectés lors du chantier « n’est pas de nature à affecter la légalité de la décision de non-opposition ». Un tel manquement constitue un vice d’exécution qui relève, le cas échéant, d’une action pénale ou civile mais demeure sans incidence sur l’acte administratif. En confirmant la solution des premiers juges, la Cour réaffirme le principe selon lequel l’autorisation est délivrée sous réserve des droits des tiers.