Par un arrêt rendu le 28 mai 2025, la Cour administrative d’appel de Toulouse précise le régime juridique des participations d’urbanisme au sein d’un programme d’aménagement d’ensemble. La juridiction administrative devait déterminer si un permis de construire modificatif peut légalement instituer une participation financière initialement omise par l’arrêté d’urbanisme d’origine.
Le maire d’une commune a délivré, le 2 septembre 2014, un permis de construire pour un bâtiment commercial situé dans un périmètre d’aménagement. Cet acte initial ne mentionnait aucune participation financière. Un permis modificatif, accordé le 28 décembre 2015, a toutefois prescrit une somme de 326 515 euros au titre du programme d’aménagement d’ensemble. En 2019, la commune a émis un titre de recettes pour recouvrer cette créance. La société bénéficiaire du permis a alors saisi le tribunal administratif de Nîmes afin d’obtenir la décharge de cette obligation de payer. Par un jugement du 31 janvier 2023, les premiers juges ont fait droit à sa demande. La commune a interjeté appel de cette décision devant la juridiction supérieure.
Le litige soulève la question de savoir si un permis de construire modificatif, autorisant des changements mineurs, peut constituer le fait générateur d’une participation d’urbanisme. La Cour administrative d’appel confirme la solution des premiers juges et rejette la requête de la collectivité. Elle juge que le permis modificatif ne peut se substituer au permis initial que s’il emporte une modification substantielle du projet. La détermination du fait générateur de la créance (I) conditionne ainsi la validité des prescriptions financières ultérieures portées par un permis modificatif (II).
**I. La consécration du permis de construire initial comme fait générateur de la créance**
Le juge administratif rappelle que la naissance de l’obligation financière est intrinsèquement liée à la délivrance de l’autorisation d’urbanisme initiale. Cette règle garantit la sécurité juridique du pétitionnaire dès le lancement de son opération de construction.
**A. Le principe de la fixation des participations à la date du permis initial**
L’article L. 332-28 du code de l’urbanisme prévoit que les contributions sont prescrites par le permis de construire, lequel en constitue le fait générateur. La Cour souligne qu’il « résulte des dispositions précitées du code de l’urbanisme que le fait générateur de la participation au coût des équipements publics […] est la délivrance du permis de construire ». Cette solution impose une cristallisation des obligations financières à la date de l’acte originel. La commune ne peut donc pas, en principe, ajouter de nouvelles charges après l’octroi de l’autorisation principale. Cette rigueur assure une visibilité économique indispensable pour les constructeurs immobiliers.
**B. L’autonomie de la contestation du bien-fondé lors du recouvrement**
La commune soutenait que la société ne pouvait plus contester la participation, faute d’avoir attaqué le permis modificatif dans les délais. La Cour écarte ce raisonnement en rappelant que le « destinataire d’un titre exécutoire est recevable à contester […] le bien-fondé de la créance correspondante ». Cette contestation reste possible même si la décision initiale constatant la créance est devenue définitive. Le juge préserve ainsi une voie de droit effective au stade du recouvrement forcé de la somme. La circonstance que les permis de 2014 et 2015 soient définitifs ne rend pas la créance incontestable. L’analyse du fait générateur conduit alors à examiner la portée réelle des modifications autorisées par l’acte ultérieur.
**II. L’inefficacité financière d’un permis modificatif dépourvu de caractère substantiel**
La substitution d’un fait générateur par un autre suppose une refonte profonde du projet architectural initialement autorisé par l’administration. En l’absence d’un tel bouleversement, le permis modificatif demeure un acte accessoire incapable de porter de nouvelles charges financières.
**A. L’exigence d’une substitution de projets pour l’établissement d’une nouvelle taxe**
La jurisprudence administrative n’admet une nouvelle participation que si le permis modificatif « emporte une modification substantielle du projet initial ». Dans ce cas précis, l’acte est regardé « comme se substituant lui-même au permis initial ». Cette substitution juridique permet alors de faire jouer un nouveau fait générateur pour la taxe. Le juge recherche donc si les changements apportés dénaturent l’économie générale de la construction autorisée. Sans cette substitution, le cadre financier fixé par le premier arrêté demeure l’unique référence légale. La qualification de la modification devient alors le pivot du raisonnement juridique suivi par la Cour.
**B. L’absence de base légale des prescriptions financières tardives**
En l’espèce, le permis modificatif portait seulement sur les ouvertures en façade et l’aménagement des espaces extérieurs. La Cour estime que ces changements « n’emportent pas une modification substantielle du projet initialement autorisé ». Par conséquent, l’acte de 2015 ne pouvait pas légalement se substituer au permis de 2014. Le titre de recettes émis par la commune se trouve ainsi « dépourvu de base légale » pour recouvrer la participation. Le juge administratif sanctionne ici une tentative de régularisation financière tardive par le biais d’une procédure de modification mineure. La protection de l’aménageur contre des charges imprévues l’emporte sur les nécessités budgétaires de la collectivité territoriale.