Cour d’appel administrative de Marseille, le 3 avril 2025, n°23MA02262

La cour administrative d’appel de Marseille, par une décision du 3 avril 2025, apporte des précisions sur le contrôle de la légalité des refus de permis de construire. Une autorité municipale avait rejeté la demande d’une société pour la réalisation de quinze villas et vingt-trois logements collectifs sur plusieurs parcelles cadastrées. L’administration invoquait une insuffisance des capacités d’assainissement, le non-respect d’une servitude de mixité sociale et l’empiètement sur des emplacements réservés par le plan local d’urbanisme. Saisi en première instance, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté de refus par un jugement rendu le 3 juillet 2023. La collectivité a alors formé un appel pour obtenir l’annulation de ce jugement et le rétablissement de la décision administrative initiale. Le litige porte principalement sur le caractère suffisant des réseaux publics et sur l’opposabilité stricte des emprises réservées à un projet de construction privée. La cour juge que si les motifs techniques et sociaux étaient infondés, l’empiètement sur les emplacements réservés imposait légalement le refus du permis de construire. Il convient d’analyser d’abord la validation des conditions de raccordement et de mixité avant d’examiner la rigueur de la protection des emplacements réservés.

I. La validation des conditions techniques et sociales du projet de construction

A. L’appréciation de la capacité suffisante des réseaux publics d’assainissement Le juge administratif exerce un contrôle sur l’application de l’article L. 111-11 du code de l’urbanisme concernant la desserte des projets par les réseaux publics. L’autorité municipale prétendait que la station d’épuration locale, alors en cours de réalisation, ne permettait pas de garantir le raccordement immédiat des nouvelles constructions. Or, le juge considère que « l’intention de les réaliser doit pouvoir être établie » dès lors que les procédures de marché public sont déjà engagées. Les pièces du dossier démontraient une capacité théorique de la station largement supérieure aux besoins actuels de la population et du projet futur. Les magistrats estiment que les doutes exprimés par le gestionnaire du réseau ne suffisent pas à démontrer une impossibilité technique de raccordement à court terme. Cette solution protège les pétitionnaires contre des refus fondés sur des incertitudes administratives non étayées par des éléments techniques probants et vérifiables.

B. La conformité du programme aux exigences de mixité sociale du règlement La collectivité invoquait également la méconnaissance des dispositions du plan local d’urbanisme relatives à la servitude de mixité sociale imposant des opérations d’ensemble. Le règlement local prévoyait que « seuls les programmes d’opération d’ensemble de logements sont autorisés » au sein des secteurs soumis à cette obligation de mixité. Le juge relève que le projet litigieux, comprenant trente-huit logements, répond parfaitement à la définition d’une opération d’ensemble fixée par les annexes réglementaires. Aucune disposition impérative n’obligeait la société pétitionnaire à inclure la totalité des parcelles du secteur concerné dans son périmètre d’aménagement ou de viabilisation. Le motif de refus tiré d’une violation de l’article 10 du règlement du plan local d’urbanisme est donc jugé illégal par la cour administrative d’appel. L’existence d’autres obstacles juridiques liés à la destination des sols paralyse toutefois la faisabilité du projet de construction.

II. L’empire contraignant des emplacements réservés sur la délivrance du permis

A. L’obligation de refuser le projet pour méconnaissance de la destination des sols La cour administrative d’appel de Marseille rappelle avec fermeté que l’autorité administrative est « tenue de refuser toute demande » non conforme à la destination d’un emplacement réservé. Le dossier de permis de construire révélait que la voie d’accès prévue empiétait de manière significative sur des terrains réservés à une voirie publique. Un second empiètement était constaté sur un emplacement destiné à la création d’un jardin et d’un parc de stationnement sur une parcelle cadastrale entière. Le juge souligne que même si les constructions ne font pas matériellement obstacle à la réalisation future des ouvrages, la non-conformité juridique demeure entière. Le maire se trouvait ainsi en situation de compétence liée pour rejeter la demande, indépendamment de la qualité architecturale ou sociale du projet immobilier. La protection de l’affectation future des sols prévaut ainsi sur les intérêts privés de l’aménageur souhaitant densifier une zone urbaine.

B. L’invocabilité limitée de l’illégalité des servitudes d’urbanisme lors du refus La société pétitionnaire tentait d’écarter l’application des servitudes en invoquant l’illégalité de l’emplacement réservé destiné au jardin et au stationnement public par voie d’exception. Cependant, le juge administratif rejette cette argumentation en raison de l’absence de précisions suffisantes permettant d’apprécier le bien-fondé d’une éventuelle méconnaissance de la sécurité juridique. Par ailleurs, la société n’avait pas contesté la légalité du premier emplacement réservé à la création d’une voie publique également impacté par le projet. « Le maire était tenu de refuser la demande » dès lors qu’un seul des motifs de non-conformité aux réserves foncières s’avérait fondé et inattaquable. Cette décision confirme la stabilité des documents d’urbanisme face aux contestations incidentes dépourvues d’une démonstration juridique rigoureuse et étayée par des éléments concrets. La cour annule par conséquent le jugement de première instance et valide la légalité du refus opposé initialement par l’autorité municipale compétente.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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