Tribunal judiciaire de Paris, le 16 juin 2025, n°25/00190

Par un jugement rendu le 16 juin 2025, le tribunal judiciaire de Paris a statué sur un litige opposant une copropriétaire à son syndicat des copropriétaires au sujet de la prise en charge de travaux de remise en état consécutifs à une intervention sur une partie commune de l’immeuble.

Une copropriétaire est propriétaire d’un appartement situé dans un immeuble parisien. Au mois de mars 2024, une fuite est apparue dans un appartement situé à l’étage inférieur, rendant nécessaire le remplacement d’une colonne d’eau commune. Cette intervention a requis un accès à la salle d’eau de la copropriétaire concernée. L’assemblée générale du 11 avril 2024 a voté le refus de prendre en charge la remise en état de cette salle d’eau pour un montant de 1281,36 euros, la copropriétaire ayant donné procuration au président du conseil syndical en son absence. Celle-ci a néanmoins été contrainte de régler la facture de 1260,94 euros correspondant à ces travaux, effectués par une société missionnée par le syndic.

Par requête enregistrée le 13 janvier 2025, la copropriétaire a saisi le tribunal judiciaire de Paris aux fins d’obtenir la condamnation du syndicat des copropriétaires et de son syndic au paiement de la somme de 1260,94 euros à titre principal et de 1000 euros à titre de dommages-intérêts. Le syndicat des copropriétaires a sollicité le rejet des demandes, invoquant la décision de l’assemblée générale et les stipulations du règlement de copropriété excluant les enduits et revêtements intérieurs des parties communes. Le syndic a demandé sa mise hors de cause.

Il convenait dès lors de déterminer si le syndicat des copropriétaires était tenu de réparer les dommages causés à un lot privatif par des travaux réalisés sur une partie commune de l’immeuble, nonobstant une décision contraire de l’assemblée générale.

Le tribunal a fait droit aux demandes de la copropriétaire en condamnant le syndicat des copropriétaires au paiement de la somme de 1260,94 euros au titre des travaux et de 300 euros à titre de dommages-intérêts, tout en mettant le syndic hors de cause.

Cette décision mérite examen tant au regard de la responsabilité du syndicat des copropriétaires pour les dommages causés aux parties privatives (I) que des conséquences procédurales attachées aux décisions d’assemblée générale (II).

I. La responsabilité du syndicat des copropriétaires pour les dommages aux parties privatives

A. Le fondement légal de la responsabilité du syndicat

Le tribunal fonde sa décision sur l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, aux termes duquel le syndicat des copropriétaires « est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes ». Ce texte institue une responsabilité de plein droit du syndicat, indépendante de toute faute, dès lors que le dommage trouve son origine dans les parties communes.

En l’espèce, le tribunal constate qu’il « est établi par les pièces versées au débat que le Syndicat des copropriétaires […] et, alors que le sinistre provenait d’un sinistre sur une colonne d’eau commune, a refusé la prise en charge des désordres causés par la reprise de ce sinistre dans l’appartement ». La colonne d’eau constitue incontestablement une partie commune au sens du règlement de copropriété et de l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965. Les dommages subis par la copropriétaire, à savoir la destruction de la faïence de sa salle de bain, résultent directement de l’intervention sur cette partie commune.

Cette analyse s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation qui retient une conception extensive de la responsabilité du syndicat. Le lien de causalité entre l’origine du dommage, située dans les parties communes, et le préjudice subi dans les parties privatives suffit à engager la responsabilité du syndicat.

B. L’indifférence de la qualification des travaux de remise en état

Le syndicat des copropriétaires soutenait que les travaux litigieux constituaient des « embellissements » exclus par le règlement de copropriété des parties communes. Cette argumentation a été écartée par le tribunal, qui distingue implicitement la nature des travaux de réparation de leur qualification comptable.

La remise en état de la faïence détruite ne saurait être assimilée à de simples travaux d’embellissement dès lors qu’elle vise à réparer un préjudice causé par l’intervention sur la partie commune. La jurisprudence considère que la notion de dommage au sens de l’article 14 englobe toute atteinte à l’intégrité des parties privatives, y compris les revêtements et finitions qui devaient être déposés pour permettre l’accès aux parties communes.

Le tribunal refuse ainsi de laisser le copropriétaire supporter les conséquences financières de travaux rendus nécessaires par l’entretien des parties communes, ce qui reviendrait à lui faire assumer une charge qui incombe à la collectivité des copropriétaires.

II. L’articulation entre décision d’assemblée générale et responsabilité légale

A. L’inopposabilité de la décision d’assemblée générale au copropriétaire lésé

Le syndicat des copropriétaires invoquait la décision de l’assemblée générale du 11 avril 2024 qui avait refusé la prise en charge des travaux de remise en état. Il soutenait que cette décision, non contestée dans le délai de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, s’imposait à la copropriétaire.

Le tribunal écarte cet argument en appliquant l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965. Ce texte d’ordre public institue une responsabilité légale du syndicat que ne saurait écarter une décision d’assemblée générale, fût-elle devenue définitive. La décision de l’assemblée générale ne peut avoir pour effet de priver un copropriétaire de son droit à réparation lorsque les conditions de l’article 14 sont réunies.

Cette solution préserve la cohérence du régime de responsabilité du syndicat. Admettre qu’une simple décision d’assemblée générale puisse exonérer le syndicat de sa responsabilité légale reviendrait à permettre à la majorité des copropriétaires de faire supporter à un seul les conséquences de l’entretien des parties communes.

B. La distinction entre contestation des charges et action en responsabilité

Le tribunal opère une distinction entre l’action en contestation des charges et l’action en responsabilité. Il relève que « la facturation en cause ne concerne pas des charges collectives, dont la répartition aurait été erronée à son égard, mais une charge à caractère privatif restée à sa charge sans que la demanderesse ait donné préalablement son accord sur la prestation et le coût de cette dernière ».

Cette distinction est fondamentale. L’action en contestation de la répartition des charges, soumise aux dispositions des articles 10 et suivants de la loi du 10 juillet 1965, suppose une erreur dans l’application des tantièmes ou des critères de répartition. L’action en responsabilité fondée sur l’article 14 relève d’une logique différente. Elle vise à obtenir réparation d’un préjudice et n’est pas subordonnée à la contestation préalable d’une décision d’assemblée générale.

Le tribunal alloue en outre à la copropriétaire une somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts, estimant que « la situation a forcément généré différents tracas ». Cette indemnisation complémentaire sanctionne le trouble de jouissance et les désagréments subis du fait du refus initial du syndicat de prendre en charge les travaux. La réduction du montant demandé, de 1000 à 300 euros, traduit une appréciation souveraine du préjudice moral par le tribunal, en l’absence d’éléments probants sur son étendue réelle.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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