Le Conseil constitutionnel a rendu, le 2 juillet 1990, la décision n° 90-274 DC relative à la loi sur la révision des évaluations des immeubles. Le texte initial visait à réformer les bases d’imposition directes locales par l’instauration d’une taxe départementale sur le revenu et diverses mesures d’urbanisme. Soixante députés et soixante sénateurs ont déféré cette loi au juge constitutionnel sitôt son adoption définitive par le Parlement français lors de la session. Les requérants soutenaient l’irrégularité de la procédure d’amendement et la violation des principes de libre administration des collectivités territoriales ainsi que d’égalité devant l’impôt. La juridiction devait déterminer si l’introduction de dispositions étrangères au projet initial et l’encadrement des ressources locales respectaient les exigences fondamentales de la Constitution. Le juge censure l’amendement relatif à l’urbanisme mais valide l’encadrement fiscal temporaire sous réserve d’une définition législative précise des délais d’application dans l’espace. L’étude de cette décision permet d’analyser la rigueur procédurale de l’élaboration législative avant d’aborder l’encadrement des garanties matérielles de la décentralisation par le pouvoir législatif.
I. La rigueur procédurale de l’élaboration législative
A. L’exigence d’un lien suffisant pour l’exercice du droit d’amendement
Le juge constitutionnel rappelle que le droit d’amendement constitue le corollaire nécessaire de l’initiative législative garantie par les articles trente-neuf et quarante-quatre de la Constitution. Toutefois, les modifications apportées au texte en cours de discussion ne sauraient « ni être sans lien avec ce dernier ni dépasser par leur objet » ses limites. En l’espèce, l’article cinquante-six relatif à la fiscalité directe locale présente un rapport suffisant avec un projet de loi traitant initialement des bases d’imposition foncière. L’article seize modifiant le code de l’urbanisme en zone de montagne est déclaré contraire à la Constitution pour défaut manifeste de lien avec l’objet principal. Cette solution consacre la théorie des cavaliers législatifs afin de protéger la clarté et la sincérité des débats parlementaires lors du vote des textes.
B. L’interdiction d’une délégation législative indéterminée sur la mise en vigueur
La décision précise également l’étendue de la compétence législative en matière de fixation des règles d’entrée en vigueur des textes de loi sur le territoire. Le législateur ne peut conférer au Gouvernement le soin de fixer une date d’application sans assortir ce pouvoir d’aucune limite temporelle ou matérielle précise. Le Conseil affirme qu’une telle délégation méconnaîtrait les prérogatives fixées par l’article trente-quatre de la Constitution sans un encadrement strict de la part du Parlement. Néanmoins, le renvoi à un décret pour fixer les simples conditions d’application demeure conforme à la répartition des compétences entre le domaine de la loi. Cette distinction protège la hiérarchie des normes tout en permettant une souplesse administrative nécessaire à la mise en œuvre technique des réformes fiscales complexes.
II. L’encadrement des garanties matérielles de la décentralisation
A. La conciliation entre le plafonnement fiscal et la libre administration
Le juge examine ensuite si le plafonnement de la nouvelle taxe départementale sur le revenu porte atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités. Il estime que les règles législatives ne doivent pas « restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d’entraver leur libre administration » de façon excessive. La mesure critiquée présente un caractère temporaire et limité à une seule année, ce qui préserve l’autonomie financière globale de l’échelon départemental pour l’avenir. L’objectif de prévenir une hausse excessive de la charge fiscale pour les contribuables justifie cette limitation exceptionnelle des facultés de vote des conseils généraux élus.
B. La légitimité des critères objectifs dans l’application du principe d’égalité
Enfin, le principe d’égalité est invoqué contre la majoration des frais de recouvrement perçus par l’État sur les impositions directes locales dues par les citoyens. Le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels afin d’assurer le respect effectif de ce principe fondamental de valeur constitutionnelle. Le choix du montant des impôts acquittés comme assiette de la majoration est jugé conforme car il répond à une finalité de couverture globale. Ainsi, le Conseil constitutionnel valide la méthode de calcul uniforme malgré la diversité des taux votés par les différentes collectivités territoriales sur le territoire national. Cette solution confirme la large liberté du législateur dans la détermination de l’assiette fiscale sous réserve de l’absence de toute discrimination manifeste.