Cour d’appel de Saint-Denis, le 29 août 2025, n°23/01694
Par un arrêt du 29 août 2025, la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a statué sur un litige opposant un locataire à un bailleur social au sujet d’impayés de loyers et de la demande de délais de paiement formée par le preneur.
Un appartement situé à la Réunion avait été donné à bail à usage d’habitation le 4 septembre 2014, moyennant un loyer mensuel de 506 euros charges comprises. La société bailleresse, devenue propriétaire du bien par acte du 10 juillet 2020, a adressé au locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire le 7 juillet 2021 pour une somme de 5 893,68 euros. Par assignation du 25 avril 2023, elle a saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion aux fins de constater la résiliation du bail et d’obtenir l’expulsion du locataire ainsi que sa condamnation au paiement des arriérés. Le locataire a reconnu la dette mais invoqué des difficultés de santé et personnelles pour solliciter des délais de paiement. Par jugement du 6 novembre 2023, le tribunal a constaté l’acquisition de la clause résolutoire, condamné le locataire au paiement de 17 849,18 euros, rejeté sa demande de délais et ordonné son expulsion. Le locataire a interjeté appel le 5 décembre 2023.
Devant la Cour, le locataire demandait la suspension des effets de la clause résolutoire et l’autorisation de régler ses arriérés sur trente-six mois. La bailleresse sollicitait la confirmation du jugement avec actualisation de la créance et prononcé d’une astreinte.
La question posée à la Cour était de déterminer si un locataire peut obtenir des délais de paiement au titre de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 lorsqu’il ne justifie pas de sa situation financière actualisée et n’a entrepris aucune démarche pour régulariser sa dette.
La Cour d’appel de Saint-Denis confirme le jugement en toutes ses dispositions, actualise la créance à 22 986,47 euros et ordonne l’expulsion sous astreinte de 30 euros par jour de retard. Elle relève que le locataire « ne verse aux débats aucune pièce relative à ses ressources et charges actualisée », qu’il « n’a jamais repris le paiement de ses loyers courants et encore moins des arriérés » et ne justifie d’aucune démarche auprès des services sociaux ou de surendettement.
Cette décision illustre les conditions strictes d’octroi des délais de paiement en matière locative (I) tout en précisant le régime de l’astreinte comme instrument de contrainte à l’exécution (II).
I. L’exigence probatoire renforcée pour l’octroi de délais de paiement
La Cour subordonne les délais de paiement à une démonstration rigoureuse de la capacité du débiteur (A), tout en sanctionnant l’inertie caractérisée du locataire (B).
A. La charge probatoire pesant sur le locataire demandeur
L’article 1343-5 du code civil permet au juge, « compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier », de reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite de deux années. L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 porte ce délai à trois années en matière locative.
La Cour rappelle que cette faculté n’est pas un droit automatique mais une mesure de faveur dont le bénéfice suppose que le débiteur établisse sa capacité à honorer l’échéancier sollicité. En l’espèce, le locataire produisait un contrat de travail de 2019, un bulletin de paie de mai 2023 et un avis d’imposition sur les revenus 2021. La Cour juge ces éléments insuffisants car non actualisés au moment où elle statue.
Cette exigence d’actualisation répond à une logique de prudence. Le créancier ne saurait voir sa créance différée sur le fondement d’une situation financière qui n’est plus celle du débiteur au jour où le juge statue. Le locataire évoquait par ailleurs un emprunt en cours de négociation mais n’en justifiait nullement.
B. La sanction de l’absence de diligence du débiteur
Au-delà de la carence probatoire, la Cour relève l’absence totale de démarches entreprises par le locataire pour régulariser sa situation. Elle constate qu’il n’est « fait mention, ni d’une demande de logement social, ni d’aucune démarche auprès des services du conseil départemental, de la commission de médiation du droit au logement opposable ou encore auprès de la commission de surendettement ».
Cette observation revêt une importance particulière. Le dispositif de l’article 24 de la loi de 1989 s’inscrit dans un ensemble de mesures préventives de l’expulsion incluant le signalement préfectoral et l’intervention des services sociaux. La lettre du Département du 31 mai 2023 proposait un rendez-vous au locataire « afin d’étudier les aides éventuelles ». Le courrier préfectoral du 13 juin 2023 détaillait les différentes voies à sa disposition. Le locataire n’établit pas avoir donné suite à ces sollicitations.
La Cour souligne encore qu’il « n’a jamais repris le paiement de ses loyers courants et encore moins des arriérés bien qu’arguant d’une situation stable personnelle et professionnelle retrouvée ». Cette contradiction entre les affirmations du locataire et son comportement effectif justifie le refus de tout délai. Le juge ne peut accorder sa confiance à un débiteur dont la bonne foi n’est pas caractérisée par des actes positifs.
II. L’astreinte comme instrument de contrainte à l’exécution
La Cour prononce une astreinte là où le premier juge l’avait refusée, marquant une appréciation renouvelée de la nécessité de ce mécanisme (A) dans un cadre juridique précisément délimité (B).
A. L’appréciation souveraine de l’opportunité de l’astreinte
Le tribunal avait rejeté la demande d’astreinte au motif que « la bailleresse disposait déjà en droit de voies d’exécution suffisantes ». La Cour d’appel adopte une position différente.
Elle relève que « compte tenu de l’absence totale de diligence de la part du locataire et de l’ancienneté du litige », l’astreinte se justifie. Le locataire persistait à se maintenir dans les lieux « sans droit ni titre et sans verser aucune contrepartie » depuis le jugement de novembre 2023, soit près de deux années. Cette durée caractérise une résistance délibérée qui légitime le recours à une mesure comminatoire.
L’astreinte répond ainsi à une finalité distincte des voies d’exécution ordinaires. Elle vise à inciter le débiteur récalcitrant à s’exécuter spontanément plutôt qu’à subir une exécution forcée. Le juge dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier si les circonstances de l’espèce justifient son prononcé.
B. L’encadrement rigoureux du prononcé de l’astreinte
La Cour fixe l’astreinte à 30 euros par jour de retard, là où la bailleresse sollicitait 50 euros. Elle précise que celle-ci court « à compter d’un délai de deux mois à compter de la signification » de l’arrêt et « pour une durée maximale de trois mois ».
Ce triple encadrement quantitatif, temporel quant au point de départ et temporel quant à la durée répond aux exigences des articles L.131-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution. L’astreinte ne peut prendre effet avant que la décision qui la prononce ne soit devenue exécutoire. Le délai de deux mois accordé au locataire lui permet de prendre ses dispositions pour quitter les lieux. La limitation à trois mois évite que l’astreinte ne devienne un instrument de ruine du débiteur.
La Cour précise que l’astreinte est provisoire et qu’il appartiendra à la bailleresse, le cas échéant, de saisir le juge de l’exécution pour en obtenir la liquidation et solliciter le prononcé d’une astreinte définitive. Cette articulation entre astreinte provisoire et définitive respecte la règle selon laquelle « une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire ».
Par un arrêt du 29 août 2025, la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a statué sur un litige opposant un locataire à un bailleur social au sujet d’impayés de loyers et de la demande de délais de paiement formée par le preneur.
Un appartement situé à la Réunion avait été donné à bail à usage d’habitation le 4 septembre 2014, moyennant un loyer mensuel de 506 euros charges comprises. La société bailleresse, devenue propriétaire du bien par acte du 10 juillet 2020, a adressé au locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire le 7 juillet 2021 pour une somme de 5 893,68 euros. Par assignation du 25 avril 2023, elle a saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion aux fins de constater la résiliation du bail et d’obtenir l’expulsion du locataire ainsi que sa condamnation au paiement des arriérés. Le locataire a reconnu la dette mais invoqué des difficultés de santé et personnelles pour solliciter des délais de paiement. Par jugement du 6 novembre 2023, le tribunal a constaté l’acquisition de la clause résolutoire, condamné le locataire au paiement de 17 849,18 euros, rejeté sa demande de délais et ordonné son expulsion. Le locataire a interjeté appel le 5 décembre 2023.
Devant la Cour, le locataire demandait la suspension des effets de la clause résolutoire et l’autorisation de régler ses arriérés sur trente-six mois. La bailleresse sollicitait la confirmation du jugement avec actualisation de la créance et prononcé d’une astreinte.
La question posée à la Cour était de déterminer si un locataire peut obtenir des délais de paiement au titre de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 lorsqu’il ne justifie pas de sa situation financière actualisée et n’a entrepris aucune démarche pour régulariser sa dette.
La Cour d’appel de Saint-Denis confirme le jugement en toutes ses dispositions, actualise la créance à 22 986,47 euros et ordonne l’expulsion sous astreinte de 30 euros par jour de retard. Elle relève que le locataire « ne verse aux débats aucune pièce relative à ses ressources et charges actualisée », qu’il « n’a jamais repris le paiement de ses loyers courants et encore moins des arriérés » et ne justifie d’aucune démarche auprès des services sociaux ou de surendettement.
Cette décision illustre les conditions strictes d’octroi des délais de paiement en matière locative (I) tout en précisant le régime de l’astreinte comme instrument de contrainte à l’exécution (II).
I. L’exigence probatoire renforcée pour l’octroi de délais de paiement
La Cour subordonne les délais de paiement à une démonstration rigoureuse de la capacité du débiteur (A), tout en sanctionnant l’inertie caractérisée du locataire (B).
A. La charge probatoire pesant sur le locataire demandeur
L’article 1343-5 du code civil permet au juge, « compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier », de reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite de deux années. L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 porte ce délai à trois années en matière locative.
La Cour rappelle que cette faculté n’est pas un droit automatique mais une mesure de faveur dont le bénéfice suppose que le débiteur établisse sa capacité à honorer l’échéancier sollicité. En l’espèce, le locataire produisait un contrat de travail de 2019, un bulletin de paie de mai 2023 et un avis d’imposition sur les revenus 2021. La Cour juge ces éléments insuffisants car non actualisés au moment où elle statue.
Cette exigence d’actualisation répond à une logique de prudence. Le créancier ne saurait voir sa créance différée sur le fondement d’une situation financière qui n’est plus celle du débiteur au jour où le juge statue. Le locataire évoquait par ailleurs un emprunt en cours de négociation mais n’en justifiait nullement.
B. La sanction de l’absence de diligence du débiteur
Au-delà de la carence probatoire, la Cour relève l’absence totale de démarches entreprises par le locataire pour régulariser sa situation. Elle constate qu’il n’est « fait mention, ni d’une demande de logement social, ni d’aucune démarche auprès des services du conseil départemental, de la commission de médiation du droit au logement opposable ou encore auprès de la commission de surendettement ».
Cette observation revêt une importance particulière. Le dispositif de l’article 24 de la loi de 1989 s’inscrit dans un ensemble de mesures préventives de l’expulsion incluant le signalement préfectoral et l’intervention des services sociaux. La lettre du Département du 31 mai 2023 proposait un rendez-vous au locataire « afin d’étudier les aides éventuelles ». Le courrier préfectoral du 13 juin 2023 détaillait les différentes voies à sa disposition. Le locataire n’établit pas avoir donné suite à ces sollicitations.
La Cour souligne encore qu’il « n’a jamais repris le paiement de ses loyers courants et encore moins des arriérés bien qu’arguant d’une situation stable personnelle et professionnelle retrouvée ». Cette contradiction entre les affirmations du locataire et son comportement effectif justifie le refus de tout délai. Le juge ne peut accorder sa confiance à un débiteur dont la bonne foi n’est pas caractérisée par des actes positifs.
II. L’astreinte comme instrument de contrainte à l’exécution
La Cour prononce une astreinte là où le premier juge l’avait refusée, marquant une appréciation renouvelée de la nécessité de ce mécanisme (A) dans un cadre juridique précisément délimité (B).
A. L’appréciation souveraine de l’opportunité de l’astreinte
Le tribunal avait rejeté la demande d’astreinte au motif que « la bailleresse disposait déjà en droit de voies d’exécution suffisantes ». La Cour d’appel adopte une position différente.
Elle relève que « compte tenu de l’absence totale de diligence de la part du locataire et de l’ancienneté du litige », l’astreinte se justifie. Le locataire persistait à se maintenir dans les lieux « sans droit ni titre et sans verser aucune contrepartie » depuis le jugement de novembre 2023, soit près de deux années. Cette durée caractérise une résistance délibérée qui légitime le recours à une mesure comminatoire.
L’astreinte répond ainsi à une finalité distincte des voies d’exécution ordinaires. Elle vise à inciter le débiteur récalcitrant à s’exécuter spontanément plutôt qu’à subir une exécution forcée. Le juge dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier si les circonstances de l’espèce justifient son prononcé.
B. L’encadrement rigoureux du prononcé de l’astreinte
La Cour fixe l’astreinte à 30 euros par jour de retard, là où la bailleresse sollicitait 50 euros. Elle précise que celle-ci court « à compter d’un délai de deux mois à compter de la signification » de l’arrêt et « pour une durée maximale de trois mois ».
Ce triple encadrement quantitatif, temporel quant au point de départ et temporel quant à la durée répond aux exigences des articles L.131-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution. L’astreinte ne peut prendre effet avant que la décision qui la prononce ne soit devenue exécutoire. Le délai de deux mois accordé au locataire lui permet de prendre ses dispositions pour quitter les lieux. La limitation à trois mois évite que l’astreinte ne devienne un instrument de ruine du débiteur.
La Cour précise que l’astreinte est provisoire et qu’il appartiendra à la bailleresse, le cas échéant, de saisir le juge de l’exécution pour en obtenir la liquidation et solliciter le prononcé d’une astreinte définitive. Cette articulation entre astreinte provisoire et définitive respecte la règle selon laquelle « une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire ».