Cour d’appel administrative de Paris, le 3 juillet 2025, n°24PA00738

Par un arrêt rendu le 3 juillet 2025, la Cour administrative d’appel de Paris précise les conditions de calcul des redevances d’occupation du domaine public. Une société de travaux a installé des bungalows sur une dépendance domaniale communale afin de réaliser la réhabilitation complète de plusieurs immeubles d’habitation collective. La collectivité territoriale a émis divers titres de recettes correspondant à l’occupation effective de cet espace par les installations de vie nécessaires au chantier. La requérante a contesté la validité de ces titres devant le Tribunal administratif de Melun qui a partiellement fait droit à sa demande d’annulation contentieuse. Le litige porte principalement sur le montant des redevances ainsi que sur la qualification juridique d’un escalier permettant l’accès sécurisé aux modules en étage. Les juges d’appel doivent déterminer si le tarif appliqué respecte le principe de proportionnalité au regard des avantages procurés par l’usage privatif du domaine. La juridiction administrative confirme la régularité du calcul et rejette les prétentions de l’occupant tendant à une décharge totale des sommes réclamées par la collectivité. L’analyse de cette solution implique d’étudier l’encadrement du montant de la redevance avant d’examiner l’extension de l’emprise taxable aux éléments accessoires de l’installation.

I. L’encadrement du montant de la redevance par les avantages de l’occupation

La fixation du montant de la redevance domaniale repose sur une évaluation globale des bénéfices que l’occupant retire de l’usage exclusif d’une dépendance publique. Le juge administratif vérifie la proportionnalité du tarif appliqué au regard des avantages de toute nature procurés au titulaire avant d’apprécier la réalité des gains financiers.

A. La validation du principe de proportionnalité du tarif domanial

Le code général de la propriété des personnes publiques prévoit que toute occupation du domaine public donne lieu au paiement d’une redevance spécifique et obligatoire. La Cour rappelle que « la redevance due pour l’occupation ou l’utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire ». Cette évaluation ne doit pas aboutir à un montant manifestement disproportionné par rapport à la valeur locative ou aux avantages économiques, juridiques et opérationnels identifiés. L’administration dispose d’un pouvoir d’appréciation pour fixer un tarif qui reflète l’utilité réelle de la dépendance domaniale pour l’entreprise chargée de l’exécution des travaux.

B. L’appréciation concrète des bénéfices économiques de l’occupant

Les gains financiers résultant de l’occupation à proximité immédiate du lieu d’intervention constituent un critère déterminant pour justifier le niveau de la redevance exigée. La juridiction souligne que « les gains financiers que la société tire de son occupation sont réels » grâce à l’optimisation logistique du stockage des matériaux. Par ailleurs, la prise en compte de la valeur locative de biens privés comparables demeure un élément purement indicatif qui ne saurait garantir une marge bénéficiaire. L’occupation effective durant les périodes de restrictions sanitaires oblige également le permissionnaire au paiement intégral des droits de voirie conformément aux autorisations municipales délivrées.

L’étude du régime financier de l’occupation permet désormais d’aborder la question de la définition matérielle des installations soumises au pouvoir de taxation de l’administration.

II. L’extension de l’emprise taxable aux installations accessoires du chantier

La détermination de la surface occupée inclut non seulement les structures principales mais aussi les ouvrages techniques indispensables à leur utilisation normale et sécurisée. Le juge confirme la qualification d’accessoire indissociable pour certains éléments avant de valider la régularité formelle des procédures de recouvrement engagées par la commune.

A. La qualification juridique de l’escalier comme accessoire indissociable

La requérante soutient qu’un escalier permettant l’accès aux bungalows situés en étage ne devrait pas faire l’objet d’une facturation identique aux modules de vie. La Cour administrative d’appel de Paris considère que « cet escalier, indissociable du bâtiment, devait être regardé comme un accessoire des bungalows » sans lequel leur usage serait impossible. Cette intégration juridique justifie l’application du tarif de base à l’ensemble de la surface au sol mesurée pour le fonctionnement global de la base de vie. L’approche fonctionnelle retenue par les juges sécurise les recettes domaniales en évitant une fragmentation artificielle des installations nécessaires à la réalisation des opérations de construction.

B. Le rejet des critiques formelles dirigées contre les actes administratifs

En dernier lieu, les moyens relatifs à la régularité du jugement initial et à la légalité externe des titres exécutoires sont écartés par la juridiction. La Cour précise que les conclusions dirigées contre les seuls motifs d’une décision ayant fait droit aux demandes au fond ne sont pas recevables en appel. La délégation de compétence accordée au maire pour fixer les tarifs des droits de voirie est reconnue régulière malgré le dépassement des seuils financiers invoqués. Enfin, l’obligation de motivation du Tribunal administratif de Melun est respectée dès lors que les premiers juges ont répondu de façon suffisamment précise aux arguments de la société.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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