Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 19 juin 2025, n°22/00359

Par un arrêt rendu le 19 juin 2025, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre 1-7, s’est prononcée sur les conditions de mise en œuvre de l’obligation du syndic de copropriété d’inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale une question notifiée par un copropriétaire.

Un particulier avait acquis le 6 avril 2012 deux lots au sein d’une copropriété, moyennant un prix converti en obligation d’aménagement et de participation aux travaux de réfection de l’immeuble. Par courrier du 8 août 2014, il sollicitait du syndic professionnel l’autorisation de poser un compteur électrique. Ce n’est qu’à la suite d’une mise en demeure adressée le 27 juin 2016 par son conseil que l’autorisation lui était finalement délivrée le 13 juillet 2016.

Par acte des 12 et 13 septembre 2018, le copropriétaire assignait le syndic et son assureur de responsabilité civile professionnelle devant le tribunal judiciaire de Toulon, invoquant une faute dans l’accomplissement du mandat et sollicitant réparation de son préjudice de jouissance ainsi que la pose d’un interphone. Par jugement du 1er décembre 2021, le tribunal déboutait le demandeur de l’ensemble de ses prétentions et prononçait la mise hors de cause de l’assureur. Le copropriétaire interjetait appel le 10 janvier 2022.

Devant la cour, l’appelant soutenait que le syndic avait commis une faute de gestion en ne portant pas à l’ordre du jour de l’assemblée générale sa demande d’autorisation, le privant ainsi de la possibilité de mettre son logement en location pendant près de deux années. Le syndic et son assureur contestaient l’existence de toute faute, relevant que la demande du copropriétaire ne respectait pas le formalisme exigé par l’article 10 du décret du 17 mars 1967.

La question posée à la cour était de savoir si le syndic commet une faute en ne portant pas à l’ordre du jour d’une assemblée générale une demande de copropriétaire qui n’est pas accompagnée d’un projet de résolution ni des documents précisant l’implantation et la consistance des travaux envisagés.

La cour confirme le jugement entrepris, retenant que le syndic n’a commis aucune faute dès lors que le copropriétaire n’avait pas respecté le formalisme prévu par le décret du 17 mars 1967. Elle relève que le courrier du 8 août 2014 exprimait un simple « souhait » sans projet de résolution ni document précisant l’implantation du compteur. Elle en déduit que « c’est à bon droit que le syndic n’a pas inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale la question de Monsieur [H] tenant le non respect du formalisme prévu par le décret du 17 mars 1967 ».

Le formalisme de la notification au syndic constitue une condition préalable à l’obligation d’inscription (I), dont le non-respect neutralise toute imputation de faute au mandataire (II).

I. Le formalisme de l’article 10 du décret du 17 mars 1967, condition préalable à l’obligation d’inscription

L’exigence d’un projet de résolution joint à la demande du copropriétaire (A) se double de l’obligation de fournir les documents techniques nécessaires à l’information de l’assemblée (B).

A. L’exigence d’un projet de résolution accompagnant la notification

La cour rappelle les dispositions de l’article 10 du décret du 17 mars 1967 selon lesquelles le copropriétaire « qui demande l’inscription d’une question à l’ordre du jour notifie au syndic, avec sa demande, le projet de résolution lorsque cette notification est requise ». Ce texte impose ainsi une formalisation minimale de la demande, laquelle ne saurait se réduire à l’expression d’une simple intention.

En l’espèce, la cour relève que le courrier du 8 août 2014 comportait cinq paragraphes portant principalement sur des désordres structurels et mentionnait seulement, en quatrième position, le « souhait » du copropriétaire de voir signée l’autorisation de pose du compteur lors de la prochaine assemblée. La juridiction observe que « le projet de résolution n’est pas indiqué », ce qui rendait la demande impropre à fonder une obligation d’inscription.

Cette exigence formelle répond à une double finalité. Elle permet au syndic de rédiger l’ordre du jour de manière intelligible pour l’ensemble des copropriétaires. Elle garantit également que l’assemblée dispose d’un texte sur lequel exercer son vote. Le simple souhait, dépourvu de formulation précise, ne satisfait pas à cette condition.

B. L’obligation de joindre un document précisant l’implantation des travaux

La cour souligne que lorsque la demande porte sur des travaux affectant les parties communes, elle doit être « accompagnée d’un document précisant l’implantation et la consistance des travaux ». Cette exigence complémentaire vise à permettre aux copropriétaires de se prononcer en pleine connaissance de cause sur l’autorisation sollicitée.

En l’occurrence, la cour constate que « ce courrier n’est pas plus accompagné d’un document précisant notamment l’implantation de ce compteur et les modalités de son installation ». Ce n’est qu’à la suite de la mise en demeure du 27 juin 2016, qui « précisait notamment l’endroit où serait posé le compteur électrique, à savoir dans les parties communes à côté des compteurs électriques des autres copropriétaires », que le syndic a pu délivrer l’autorisation.

Cette seconde condition de forme revêt une importance pratique considérable. Sans indication précise de l’emplacement envisagé, l’assemblée générale ne pourrait apprécier les incidences du projet sur les parties communes ni vérifier sa conformité aux règles d’urbanisme ou de sécurité applicables.

Le non-respect de ce double formalisme entraîne des conséquences juridiques précises sur la responsabilité du syndic.

II. La neutralisation de la faute du syndic par le défaut de formalisme

L’absence de faute du syndic en cas de notification irrégulière (A) s’accompagne de l’impossibilité pour le copropriétaire d’obtenir réparation de son préjudice (B).

A. L’absence de faute du syndic face à une demande informelle

La cour qualifie juridiquement la demande du copropriétaire en relevant que « ce souhait ne saurait être considéré comme une demande en l’absence des exigences de clarté et de précisions requises ». Cette qualification emporte des conséquences directes sur l’appréciation de la responsabilité du mandataire.

En effet, l’obligation d’inscription à l’ordre du jour prévue par l’article 10 du décret suppose que la notification qui en est le fait générateur soit elle-même régulière. À défaut, le syndic ne peut être tenu pour fautif de n’avoir pas déféré à une demande qui ne répond pas aux conditions légales. La cour en déduit que « c’est à bon droit que le syndic n’a pas inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale la question » du copropriétaire.

La juridiction écarte également l’argument tiré du silence prolongé du syndic. Elle observe que « le silence du syndic, en l’absence de précision apportée par ce dernier et en l’absence de preuve que ses courriels/courrier avaient bien été reçus, ne saurait s’analyser comme une carence fautive ». Le copropriétaire supporte ainsi la charge de la preuve tant du contenu de ses demandes que de leur réception effective.

B. L’exclusion de toute réparation en l’absence de faute caractérisée

Le copropriétaire sollicitait la réparation d’un préjudice de jouissance évalué à 10 800 euros, correspondant aux loyers prétendument perdus pendant la période d’attente de l’autorisation. Il invoquait également une résistance abusive du syndic justifiant l’allocation de 3 000 euros de dommages et intérêts.

La cour rejette ces prétentions en relevant qu’il convient de « débouter Monsieur [H] de cette demande en l’absence de preuve d’une faute commise par l’EURL SABL’IMMO ». Le raisonnement est identique pour la demande fondée sur la résistance abusive. La mise hors de cause de l’assureur de responsabilité civile professionnelle en découle logiquement.

Cette solution illustre le caractère impératif du formalisme prévu par le décret du 17 mars 1967. Le copropriétaire qui néglige de se conformer aux exigences textuelles ne peut ensuite reprocher au syndic de n’avoir pas satisfait à une obligation dont les conditions de déclenchement n’étaient pas réunies. La rigueur procédurale imposée par les textes protège ainsi le syndic contre les demandes imprécises ou mal documentées. Elle invite corrélativement les copropriétaires à formaliser leurs demandes avec le soin nécessaire pour en garantir l’efficacité.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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