Par un arrêt rendu le 27 février 2025, la Cour de justice de l’Union européenne précise les conditions de validité d’un plafonnement national des commissions immobilières. La juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité d’une loi limitant la rémunération des agents immobiliers avec la liberté d’établissement et d’entreprise. Des sociétés de services immobiliers contestent devant une juridiction constitutionnelle nationale la légalité des plafonds fixés à quatre pour cent du prix pour les transactions de vente. Pour les locations conclues avec des personnes physiques, la commission maximale est limitée à un mois de loyer selon la réglementation nationale litigieuse. Les requérantes soutiennent que ces restrictions tarifaires portent atteinte à leur liberté d’entreprise garantie par l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux.
Un conseil national de l’État membre intervient également dans la procédure pour défendre la conformité de ces limites tarifaires avec les objectifs de politique sociale. Les autorités nationales justifient cette mesure par la nécessité d’assurer l’accessibilité au logement pour les jeunes et les personnes âgées vulnérables. Elles estiment que l’encadrement des prix permet de protéger les consommateurs dans un marché immobilier marqué par une offre insuffisante. La juridiction constitutionnelle a sursis à statuer pour interroger la Cour de justice sur l’interprétation de l’article 15 de la directive relative aux services. La question posée vise à déterminer si le droit de l’Union s’oppose à un plafonnement tarifaire protégeant les particuliers lors de transactions résidentielles.
La Cour de justice de l’Union européenne du 27 février 2025 énonce que l’article 15 ne s’oppose pas à une telle réglementation nationale. Cette validité reste toutefois subordonnée à la preuve que la mesure n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de protection poursuivis. L’analyse de cette décision porte d’abord sur la validité du principe de l’encadrement tarifaire avant d’aborder les exigences de proportionnalité imposées au législateur national.
I. L’admission d’un encadrement tarifaire fondé sur l’intérêt général
A. La qualification des plafonds comme restrictions à la liberté d’établissement
L’article 15 de la directive 2006/123 soumet les régimes tarifaires à un examen de compatibilité avec les libertés fondamentales du marché intérieur. La Cour considère que le plafonnement des commissions immobilières constitue une exigence au sens de la disposition relative aux tarifs obligatoires maximums. Cette mesure subordonne l’exercice de l’activité de service à une contrainte économique directe qui doit respecter les conditions de non-discrimination. La décision précise que « une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui limite la commission maximale autorisée pour les services d’intermédiation immobilière » doit être vérifiée. L’application uniforme de ces plafonds à tous les prestataires indépendamment de leur nationalité permet de satisfaire à l’impératif de neutralité géographique.
B. La légitimité des objectifs de protection des consommateurs vulnérables
L’admission d’une restriction à la liberté d’établissement repose sur l’existence d’une raison impérieuse d’intérêt général reconnue par le droit de l’Union. Les juges confirment que la protection des consommateurs et l’accès au logement pour les personnes vulnérables constituent des motifs de justification valables. Le texte de l’arrêt rappelle que « les États membres disposent d’une large marge d’appréciation lors du choix des mesures susceptibles de réaliser les objectifs de leur politique sociale ». Cette marge permet de privilégier la transparence tarifaire et la modération des coûts lors de l’acquisition ou de la location d’un domicile. Cette légitimité des objectifs sociaux justifie l’intervention étatique sous réserve de respecter une proportionnalité dont les modalités d’exercice doivent être précisées.
II. L’exigence d’une proportionnalité vérifiée par le juge national
A. L’aptitude de la mesure à assurer la transparence du marché
Le contrôle de proportionnalité impose que la mesure soit de nature à garantir la réalisation de l’objectif de protection des destinataires de services. Le plafonnement contribue à la transparence en permettant aux particuliers de prévoir précisément le montant de la commission appliquée lors de la transaction. L’arrêt souligne que la mesure est propre à empêcher les prestataires de pratiquer des prix excessifs dans un contexte de forte tension immobilière. En effet, il est précisé que « le montant de la commission d’intermédiation sera répercuté sur les personnes en recherche d’un logement » par les vendeurs. L’encadrement des tarifs apparaît alors comme un outil pertinent pour favoriser l’accessibilité des habitations adéquates à des prix raisonnables.
B. La nécessité d’un équilibre avec la viabilité économique des prestataires
Le juge national doit vérifier que le plafonnement ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les buts de politique sociale. Il lui appartient d’examiner si des mesures moins contraignantes comme l’information précontractuelle simplifiée suffiraient à protéger les consommateurs de manière équivalente. La juridiction doit s’assurer que le niveau de rémunération fixé permet aux professionnels de couvrir leurs frais et de réaliser un bénéfice décent. Dès lors, l’arrêt invite à rechercher « si le montant résultant du plafonnement des commissions pour les services d’intermédiation immobilière en cause au principal est fixé à un niveau trop bas ». Une atteinte disproportionnée à la rentabilité des sociétés immobilières fragiliserait la base légale du dispositif au regard du droit de l’établissement.