Conseil constitutionnel, Décision n° 2016-553 QPC du 8 juillet 2016

Le Conseil constitutionnel a rendu le 8 juillet 2016 une décision fondamentale relative au régime fiscal applicable aux sociétés mères et à leurs filiales. L’affaire trouve son origine dans l’impossibilité pour une société de déduire de son bénéfice net les produits de certains titres de participation. Cette exclusion concerne les titres auxquels ne sont pas attachés des droits de vote lorsque la détention du capital demeure inférieure à cinq pour cent. Le Conseil d’État a transmis cette question prioritaire de constitutionnalité le 18 mai 2016 afin de vérifier la validité de la règle législative. La requérante soutient que les dispositions contestées instaurent une différence de traitement injustifiée entre les filiales françaises et celles situées dans l’Union européenne. Elle invoque une violation des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques garantis par la Déclaration des droits de l’homme de 1789. Le litige repose sur l’interprétation d’un dispositif fiscal dont le bénéfice varie selon l’origine géographique des dividendes perçus par l’entité mère. Les juges doivent déterminer si la restriction du régime fiscal aux seules filiales européennes constitue une rupture d’égalité prohibée par le bloc de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel déclare les dispositions contraires à la Constitution en raison de l’absence de motif d’intérêt général justifiant une telle disparité de traitement. L’analyse portera d’abord sur la reconnaissance d’une rupture caractérisée de l’égalité fiscale avant d’envisager la portée de cette censure immédiate.

I. L’affirmation d’une rupture caractérisée de l’égalité fiscale

A. Le constat d’une disparité de traitement injustifiée Les dispositions litigieuses excluent du régime des sociétés mères les « produits des titres auxquels ne sont pas attachés des droits de vote ». Cette règle s’applique sauf si la société détient au moins cinq pour cent du capital et des droits de vote de la filiale émettrice. Le juge administratif considère que cette restriction concerne uniquement les produits provenant de filiales établies en France ou hors de l’Espace économique européen. Les produits versés par des filiales situées dans un autre État membre de l’Union européenne bénéficient de l’exonération sans condition de droits de vote. Le Conseil constitutionnel relève que cette distinction entraîne une différence de traitement pour les sociétés mères selon le lieu d’établissement de leur filiale. Cette disparité ne repose sur aucun critère objectif et rationnel en rapport direct avec l’objet de la loi fiscale qui l’établit.

B. La sanction de la méconnaissance des principes de la Déclaration de 1789 Le principe d’égalité devant la loi impose au législateur de traiter de manière identique des situations similaires sans motif d’intérêt général suffisant. L’exigence constitutionnelle de répartition égale des charges publiques interdit de faire peser sur une catégorie de contribuables un poids fiscal disproportionné par rapport aux autres. En l’espèce, les dispositions contestées « méconnaissent les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques » par leur caractère discriminatoire. Le juge constitutionnel estime que la différence de régime entre les filiales nationales et européennes ne peut être justifiée par la seule origine des revenus. Cette rupture d’égalité entraîne l’invalidation de la norme car elle affecte les facultés contributives des entreprises françaises de manière incohérente avec l’objectif législatif.

II. La portée d’une censure prévisible et immédiate

A. La cohérence avec la jurisprudence constitutionnelle antérieure La décision du 8 juillet 2016 s’inscrit dans le prolongement d’une précédente censure intervenue quelques mois auparavant sur le même fondement juridique. Le Conseil rappelle avoir déjà examiné des dispositions analogues « dans les considérants 4 à 10 de sa décision du 3 février 2016 ». La modification législative de 2005 n’avait pas suffi à corriger totalement l’atteinte aux principes constitutionnels identifiée par les membres du Conseil. La juridiction confirme sa volonté d’assurer une neutralité fiscale entre les investissements réalisés en France et ceux effectués au sein de l’Union européenne. Cette position constante renforce la protection des sociétés mères contre les segmentations injustifiées du marché intérieur opérées par des règles fiscales discriminatoires.

B. Les effets temporels de la déclaration d’inconstitutionnalité Le Conseil constitutionnel dispose du pouvoir de fixer la date de l’abrogation d’une loi déclarée non conforme pour préserver la sécurité juridique. L’article 62 de la Constitution permet d’aménager les conséquences de la décision afin de ne pas perturber excessivement l’équilibre budgétaire de l’État. La déclaration d’inconstitutionnalité « prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision » au Journal officiel de la République. Cette abrogation immédiate permet à la société requérante d’écarter l’application de la règle censurée dans le cadre de son litige devant le juge administratif. La décision peut également être invoquée dans toutes les instances en cours qui n’ont pas encore fait l’objet d’un jugement définitif à cette date.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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