La Cour administrative d’appel de Versailles a rendu, le 29 avril 2025, un arrêt précisant les conditions d’assujettissement d’une société civile à l’impôt sur les sociétés.
Une société civile immobilière a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos entre deux mille treize et deux mille quinze.
Le service fiscal a mis en œuvre une procédure de taxation d’office afin de réclamer des rappels de droits ainsi que des pénalités à ce contribuable.
Le tribunal administratif d’Orléans a, par un jugement du 14 octobre 2022, accordé une décharge partielle des impositions tout en procédant à des substitutions de sanctions.
La société demande l’annulation de ce jugement pour obtenir la décharge totale, tandis que l’administration sollicite le rétablissement des impositions initiales devant le juge d’appel.
Le litige porte principalement sur la qualification commerciale de l’activité exercée et sur la régularité d’une mise en demeure dépourvue de mention de délai légal.
La Cour administrative d’appel de Versailles confirme l’irrégularité procédurale de l’imposition tout en maintenant les redressements relatifs à la taxe sur la valeur ajoutée et les amendes.
I. L’assujettissement impératif à l’impôt sur les sociétés par le caractère commercial de l’objet
A. La prédominance de l’objet social lucratif sur la nature civile de la structure
La société conteste son assujettissement à l’impôt sur les sociétés en revendiquant le régime de transparence fiscale propre aux structures civiles de construction-vente immobilière. L’objet social prévoyait explicitement « l’acquisition et la revente de tous biens immobiliers même en qualité de marchand de biens » au sein des statuts modifiés de l’entreprise. Cette rédaction confère un caractère commercial et lucratif à l’activité, excluant ainsi le bénéfice de l’exception prévue pour les sociétés civiles de construction-vente. Par conséquent, l’administration fiscale a pu légalement soumettre cette entité à l’impôt sur les sociétés en raison de la nature réelle de ses opérations statutaires.
B. L’annulation de la procédure de taxation d’office pour vice de forme substantiel
Le juge d’appel relève que la mise en demeure de produire les déclarations ne mentionnait pas le délai de trente jours imparti au contribuable pour régulariser. Cette lacune a « privé cette société d’une garantie et entaché d’irrégularité la procédure de taxation d’office suivie par l’administration » pour l’établissement de l’impôt. La substitution de base légale vers la procédure contradictoire est refusée car un désaccord persistant portait sur une question de fait relative à l’actif net. Dès lors, l’impossibilité de saisir la commission départementale des impôts directs constitue une privation de garantie interdisant toute substitution de procédure en phase contentieuse.
II. L’exigence probatoire en matière de déduction et l’encadrement des sanctions pécuniaires
A. Le maintien des rappels de taxe sur la valeur ajoutée faute de preuve du paiement
Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultent du rejet de déductions afférentes à des factures de prestataires dont le règlement effectif n’est pas démontré. La requérante ne prouve pas avoir payé ces factures et ne se prévaut pas utilement de la jurisprudence européenne relative aux conditions formelles de déduction. En effet, la charge de la preuve du caractère déductible de la taxe incombe au contribuable qui doit justifier de la réalité des décaissements correspondants. La Cour administrative d’appel de Versailles confirme ainsi les rappels de taxe sur le chiffre d’affaires en adoptant les motifs précis retenus par les premiers juges.
B. L’exercice du pouvoir de substitution du juge et la sévérité des amendes professionnelles
Le juge valide la substitution de la majoration de quarante pour cent par celle de dix pour cent car l’absence de mise en demeure régulière l’imposait. L’arrêt souligne qu’« il appartient au juge, alors même qu’il n’aurait pas été saisi d’une demande en ce sens, d’appliquer cette dernière majoration de 10 % ». Par ailleurs, l’amende pour défaut de présentation de la comptabilité sous format informatisé est maintenue en raison de l’absence totale de documents comptables réguliers. Enfin, l’amende pour distribution occulte est justifiée puisque la société n’a pas révélé l’identité des bénéficiaires des revenus réputés distribués après mise en demeure.