Cour d’appel administrative de Marseille, le 5 mai 2025, n°25MA01012

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 5 mai 2025, une ordonnance précisant les modalités de computation des délais de recours du contrôle de légalité.

Le litige trouve son origine dans la délivrance d’un permis de construire pour une maison individuelle et une piscine sur le territoire d’une commune corse.

Le pétitionnaire a déposé une demande complète le 17 juin 2024, laquelle a généré une autorisation tacite le 17 août suivant, faute de réponse explicite.

Le représentant de l’Etat avait préalablement reçu l’entier dossier le 19 juin 2024 pour émettre l’avis conforme requis par les dispositions du code de l’urbanisme.

L’autorité municipale a néanmoins pris un arrêté de délivrance explicite le 12 novembre 2024, transmis officiellement aux services préfectoraux au titre du contrôle de légalité administratif.

Le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de suspension de cet acte pour tardiveté par une décision juridictionnelle datée du 10 avril 2025.

L’appelant soutient devant la juridiction de second degré que la réception du dossier pour avis conforme ne constitue pas le point de départ du délai contentieux.

La question de droit porte sur l’assimilation de la consultation pour avis conforme à la transmission obligatoire prévue par le code général des collectivités territoriales pour le déféré.

La juridiction d’appel censure l’ordonnance de première instance en jugeant que la transmission nécessaire au contrôle de légalité n’avait pas encore eu lieu lors de l’instruction.

L’analyse de la solution met en lumière l’autonomie de la transmission préfectorale tout en soulignant les limites de l’urgence lors de l’examen de la légalité au fond.

I. L’autonomie de la transmission au titre du contrôle de légalité

A. La distinction entre consultation obligatoire et transmission pour contrôle

Le juge souligne que la consultation des services de l’Etat pour recueillir un avis conforme ne constitue pas l’exercice du contrôle de légalité administratif.

L’ordonnance précise que « cette demande ne constitue ni une transmission faite aux services de l’Etat » au titre du code général des collectivités territoriales.

Il existe une séparation stricte entre la phase d’instruction technique du permis et la procédure ultérieure de surveillance de la régularité des actes communaux.

L’avis négatif émis le 12 juillet 2024 par le représentant de l’Etat démontre une connaissance du projet sans pour autant valider le cadre du déféré.

B. Le point de départ différé du délai de recours préfectoral

Le délai de deux mois pour contester l’autorisation tacite commence seulement à courir à compter de la transmission officielle effectuée par les services de la mairie.

La cour retient que la saisine de la commune par le représentant de l’Etat le 11 décembre 2024 a interrompu valablement le délai de recours contentieux.

Cette solution protège les prérogatives de l’Etat en évitant que l’instruction préalable des dossiers d’urbanisme ne réduise artificiellement le temps nécessaire à l’analyse juridique.

L’ordonnance du premier juge est donc annulée puisque la requête préfectorale ne présentait aucun caractère tardif au regard des dates de transmission du dossier.

La reconnaissance de la recevabilité du déféré permet au juge d’évoquer l’affaire afin de se prononcer sur la demande de suspension du permis de construire.

II. Les limites de l’urgence dans le cadre du contrôle juridictionnel

A. La recevabilité admise des conclusions contre les décisions d’urbanisme

L’administration conteste la nature de l’arrêté du 12 novembre 2024 en prétendant qu’il s’agirait d’un acte purement confirmatif de l’autorisation tacite née en août.

La Cour administrative d’appel de Marseille rejette cette fin de non-recevoir en considérant que la demande d’annulation visait globalement l’ensemble des décisions accordant le permis.

Les magistrats estiment que l’acte explicite pris par le maire après la naissance du droit tacite fait grief et peut donc être déféré au juge administratif.

Le recours préfectoral contre la décision de rejet du recours gracieux était également recevable car il s’inscrivait dans le cadre de la procédure de contrôle légal.

B. Le rejet de la suspension pour absence de doute sérieux

Le rejet de la suspension s’explique par l’absence de moyens juridiques susceptibles de créer un doute sérieux quant à la régularité de l’autorisation d’urbanisme contestée.

L’ordonnance indique qu’ « aucun des moyens invoqués (…) ne paraissent propres à créer un doute sérieux quant à la légalité des actes attaqués » dans cette affaire.

Le juge des référés d’appel refuse ainsi d’interrompre les travaux malgré l’annulation de la décision de première instance pour une erreur de procédure sur les délais.

Cette décision illustre la distinction entre la validation de la recevabilité formelle d’un déféré et l’appréciation concrète de la validité du projet de construction immobilière.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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