La Cour administrative d’appel de Versailles, dans sa décision du 13 février 2025, statue sur la légalité d’un arrêté municipal restreignant la circulation routière.
Un propriétaire foncier projetait la construction de plusieurs habitations et souhaitait utiliser une voie étroite pour l’accès des engins de son chantier immobilier.
Le maire a toutefois interdit le passage des véhicules dépassant trois tonnes et demie afin de prévenir l’effondrement des trottoirs et des structures de chaussée.
Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ayant fait droit à la demande d’annulation de cet acte, la collectivité publique a formé un recours devant la juridiction supérieure.
La question posée aux juges concerne l’étendue des pouvoirs de police administrative dont dispose l’autorité municipale pour assurer la conservation du domaine public routier.
La juridiction d’appel infirme le jugement de première instance en estimant que la protection physique de la voirie justifiait légalement l’interdiction temporaire de circulation édictée.
La protection de l’intégrité physique du domaine public constitue le fondement de la décision avant que ne soit examinée la proportionnalité de l’atteinte aux libertés économiques.
I. La justification de la mesure par la protection de l’intégrité du domaine
A. La constatation matérielle des dégradations de la voirie
L’autorité de police se fonde sur l’incompatibilité manifeste entre le gabarit des engins de chantier et la résistance technique de la portion de rue concernée.
La juridiction souligne que « la circulation répétée de véhicules de plus de 3,5 tonnes » a engendré une « dégradation importante du trottoir » sur le site.
L’existence de larges ornières et la destruction de l’enrobé attestent de l’inadaptation de la structure routière au trafic lourd généré par les travaux de construction.
Les juges valident ainsi l’exactitude matérielle des motifs en s’appuyant sur des photographies probantes annexées aux procès-verbaux établis par les services de la commune.
La réalité des dommages ayant été établie, il convient d’apprécier le fondement juridique permettant au maire d’intervenir pour préserver le patrimoine routier communal.
B. L’autonomie du pouvoir de police de conservation
Le juge rappelle que le maire peut légalement « limiter le tonnage des véhicules dès lors que cette mesure est rendue nécessaire par les risques de dégradation ».
Cette compétence s’exerce indépendamment de la possibilité d’imposer ultérieurement des contributions financières aux usagers responsables des dommages causés à la surface de la chaussée.
L’existence de sanctions pénales réprimant les atteintes à l’intégrité du domaine public ne fait pas obstacle à l’adoption préventive d’une mesure de police administrative.
La protection physique du patrimoine routier constitue une finalité légitime permettant d’écarter le grief d’erreur d’appréciation initialement retenu par les premiers juges de Cergy-Pontoise.
II. Le contrôle de la proportionnalité et de la finalité de l’acte
A. L’adéquation de la restriction à la liberté d’aller et venir
La mesure n’apparaît pas disproportionnée car « l’accès au chantier restait possible, y compris par d’autres voies » de moindre tonnage pour l’achèvement des travaux.
Le juge administratif vérifie que l’interdiction ne porte pas une atteinte excessive au droit de propriété ou à la liberté d’entreprendre de la société immobilière.
Si l’utilisation de véhicules plus petits augmente la durée du chantier, cette contrainte ne suffit pas à rendre illégale une mesure nécessaire à la sécurité.
La tranquillité publique des riverains et la préservation de la sécurité des usagers complètent la base légale de l’acte sans altérer sa proportionnalité globale exigée.
Au-delà de l’analyse de la proportionnalité, la juridiction administrative doit également écarter l’existence d’une intention malveillante de l’autorité municipale à l’égard de l’aménageur privé.
B. L’absence de détournement de procédure ou de pouvoir
Le requérant alléguait que l’autorité municipale cherchait uniquement à entraver la réalisation du projet immobilier par une décision ciblée et arbitraire dans sa durée.
La juridiction observe cependant que « l’arrêté litigieux ne poursuit pas d’autre finalité que celle de préserver la voie en cause » dont la configuration est inadaptée.
L’interdiction s’applique d’ailleurs de manière impersonnelle à « tous les véhicules de plus de 3,5 tonnes », à l’exception notable des camions affectés au service public.
La limitation temporelle correspondant à la phase critique des travaux ne révèle aucun détournement car elle s’ajuste précisément à la période de risque accru identifiée.