Cour d’appel de Angers, le 12 août 2025, n°21/01695

Le contentieux relatif à la vente de panneaux photovoltaïques à domicile suscite un abondant contentieux devant les juridictions civiles. La cour d’appel d’Angers, par un arrêt du 12 août 2025, s’inscrit dans cette jurisprudence protectrice du consommateur en confirmant l’annulation d’un contrat conclu hors établissement pour non-respect des prescriptions du code de la consommation.

En l’espèce, le 8 mai 2018, une cliente a conclu à son domicile avec une société spécialisée un contrat portant sur la fourniture et la pose d’une centrale photovoltaïque, d’un chauffe-eau thermodynamique et d’une batterie pour un montant de 27 000 euros. Le même jour, elle et son époux ont souscrit auprès d’un établissement de crédit un prêt affecté à cette opération. L’attestation de conformité a été visée par le Consuel le 5 juin 2018 et les fonds ont été débloqués le 12 juin suivant. Par courriers du 25 octobre 2018, les emprunteurs ont manifesté leur volonté de se rétracter, puis ont assigné le vendeur et la banque en annulation des contrats.

Le tribunal judiciaire de Saumur, par jugement du 21 juin 2021, a prononcé la nullité du contrat principal pour non-respect des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement, constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté et ordonné les restitutions réciproques. Le vendeur a interjeté appel. En cours d’instance, il a été placé en liquidation judiciaire le 8 août 2023.

Devant la cour, le vendeur soutenait que le bon de commande litigieux avait été remplacé par un autre plus complet et que les éventuels vices avaient été couverts par l’exécution volontaire du contrat. Les emprunteurs contestaient l’authenticité du second bon de commande et soutenaient que le seul document signé ne respectait pas les exigences du code de la consommation. La banque admettait l’existence de causes de nullité.

La question posée à la cour était double. Il convenait de déterminer si le bon de commande respectait les exigences formelles prescrites par les articles L. 111-1, L. 221-5, L. 221-9 et L. 242-1 du code de la consommation. Il fallait ensuite rechercher si l’exécution du contrat par les emprunteurs valait confirmation de l’acte nul.

La cour d’appel d’Angers confirme le jugement entrepris. Elle retient que le bon de commande n°4423, seul document authentique, ne mentionne ni le type d’installation de la centrale photovoltaïque, ni le prix global de l’opération, ni le prix de chaque bien vendu, ni un délai d’exécution suffisamment précis. Elle juge que ces omissions constituent des causes de nullité du contrat. Elle considère en outre que l’exécution du contrat ne vaut pas confirmation dès lors qu’il n’est pas établi que les emprunteurs avaient connaissance des vices l’affectant.

La cour se prononce ainsi sur les exigences formelles du contrat conclu hors établissement (I) avant d’examiner les conditions de la confirmation de l’acte nul (II).

I. Les exigences formelles du contrat conclu hors établissement

La cour procède à une analyse rigoureuse du bon de commande litigieux. Elle commence par trancher la question du document contractuel à retenir (A) avant d’en examiner le contenu au regard des prescriptions légales (B).

A. L’identification du support contractuel litigieux

Le vendeur produisait deux bons de commande distincts portant les numéros 4423 et 4816, prétendument signés le même jour. Il soutenait que le second avait annulé et remplacé le premier en raison d’erreurs détectées par ses services.

La cour relève que « le bon de commande n°4816 produit par le vendeur n’indique nullement qu’il annule et remplace le bon de commande n°4423 du même jour qui a, d’ailleurs, été laissé en possession de la cliente et qui est le seul à avoir été transmis à la banque ». Elle observe également que la cliente « ne reconnaît pas la signature qui lui est attribuée sur le bon de commande n°4816 versé aux débats en simple copie » et que celle-ci « présente des dissemblances d’avec celle portée sur le bon de commande n°4423 communiqué en original sur papier carbone ».

Cette motivation illustre la rigueur probatoire exigée en matière de contrats conclus hors établissement. Le professionnel qui entend se prévaloir d’un document contractuel doit en établir l’authenticité de manière certaine. La production d’un exemplaire original par le consommateur, confortée par la transmission du même document à l’organisme de crédit, constitue un élément déterminant. La cour en conclut que le bon de commande n°4423 « est le seul à pouvoir être considéré comme liant le vendeur et la cliente ».

B. Les carences du bon de commande au regard du code de la consommation

La cour procède à un examen méthodique du bon de commande au regard des exigences des articles L. 111-1, L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation.

S’agissant des caractéristiques essentielles du bien, elle constate que « les mentions qui y figurent ne permettent pas, néanmoins, de connaître le type d’installation de la centrale photovoltaïque, aucune des cases pré-imprimées ‘kit d’intégration au bâti GSE’, ‘système de surimposition GSE’ et ‘système de fixation au sol’ n’ayant été cochée ». Elle qualifie cette information de « élément essentiel, déterminant du consentement du consommateur, pour une installation au sein d’une maison d’habitation ».

Concernant le prix, la cour rappelle qu’aucune disposition n’exige la mention du prix détaillé des différents éléments, la mention du prix global étant suffisante. Elle relève cependant que « le bon de commande ne contient aucune mention relative au prix global de l’opération » et que « seul le montant du crédit est précisé ». Elle ajoute que « lorsque, comme en l’espèce, le contrat de vente porte sur plusieurs biens différents, le prix de chacun d’eux doit être mentionné ».

Quant au délai d’exécution, la cour juge que « l’indication selon laquelle l’installation interviendra au plus tard dans les quatre mois suivant la signature du bon de commande ne permet pas de connaître le délai d’accomplissement des démarches administratives ni le délai concernant le raccordement ». Elle qualifie ces imprécisions de « cause de nullité du contrat » car elles suppriment « tout engagement du vendeur à livrer les biens et/ou services à une date ou un délai précis ».

La rigueur de cette analyse s’inscrit dans la finalité protectrice du droit de la consommation. Les omissions constatées « ne permettent pas au consommateur de comparer diverses offres, ni de s’engager en toute connaissance de cause ». Le contrat encourt donc la nullité prévue par l’article L. 242-1 du code de la consommation.

II. Le régime de la confirmation de l’acte nul

La cour examine ensuite si l’exécution du contrat par les emprunteurs a pu couvrir les vices l’affectant. Elle rappelle les conditions de la confirmation (A) avant d’en constater l’absence en l’espèce (B).

A. Les conditions cumulatives de la confirmation tacite

L’article 1182 du code civil dispose que « l’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation ». La cour en déduit que « la volonté de couvrir les vices affectant une convention peut ainsi être établie par l’exécution volontaire de celle-ci par la partie pouvant invoquer la cause de nullité relative, lorsqu’elle le fait en connaissance du ou des vices ».

Cette formulation reprend la jurisprudence constante de la Cour de cassation qui exige la réunion de deux conditions cumulatives. L’exécution du contrat doit d’abord être volontaire. Le contractant doit ensuite avoir eu connaissance des vices affectant l’acte au moment de cette exécution. L’absence de l’une de ces conditions fait obstacle à la confirmation.

Le vendeur invoquait plusieurs actes d’exécution. Il faisait valoir que les emprunteurs avaient autorisé l’accès à leur domicile, signé un procès-verbal de réception, obtenu la mise en service de l’installation, procédé au règlement d’échéances du prêt et perçu des revenus de la revente d’électricité.

B. L’absence de connaissance des vices par les emprunteurs

La cour relève que « si la cliente et son époux co-emprunteur ont accepté l’exécution du contrat principal et ne démentent pas avoir utilisé la centrale photovoltaïque une fois installée, aucun élément ne permet d’affirmer qu’ils ont eu connaissance des vices affectant le contrat principal ».

Elle précise qu’une « telle connaissance, sur laquelle le vendeur ne s’explique pas, ne peut se déduire de la seule reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ». Cette position s’inscrit dans une jurisprudence établie refusant de présumer la connaissance des vices par le consommateur profane.

La cour observe en outre que les emprunteurs ont adressé un courrier de rétractation le 25 octobre 2018, soit avant la mise en service effective de l’installation réalisée le lendemain. Dans ce courrier, ils se sont « tout au plus, plaints de n’avoir pas été correctement informés de la possibilité d’exercer le droit de rétractation ». En l’absence de réponse, ils ont agi en annulation.

S’agissant du paiement des échéances du prêt, la cour juge qu’il « ne peut être considéré que le paiement des échéances du prêt constitue une volonté de couvrir les vices affectant le contrat principal dès lors que ce règlement ne vient pas en exécution du contrat principal mais du contrat de prêt ». Cette distinction entre les deux contrats, pourtant économiquement liés, permet d’éviter que le remboursement du crédit, souvent contraint par la menace d’inscription au fichier des incidents de paiement, ne soit interprété comme une confirmation du contrat de vente.

La cour conclut que « le contrat principal n’a pas pu être confirmé » et prononce son annulation, entraînant par voie de conséquence l’annulation de plein droit du contrat de crédit affecté en application de l’article L. 312-55 du code de la consommation.

Cet arrêt illustre la protection efficace du consommateur en matière de contrats conclus hors établissement. La nullité textuelle prévue par l’article L. 242-1 du code de la consommation sanctionne rigoureusement les manquements du professionnel à son obligation d’information précontractuelle. Les conditions restrictives de la confirmation de l’acte nul, notamment l’exigence de connaissance des vices, préservent cette protection d’une neutralisation trop aisée par l’exécution du contrat. La portée de cette décision dépasse le cas d’espèce et s’inscrit dans un courant jurisprudentiel favorable aux consommateurs victimes de pratiques commerciales déloyales dans le secteur des énergies renouvelables.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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