Cour de justice de l’Union européenne, le 18 janvier 2024, n°C-531/22

La Cour de justice de l’Union européenne se prononce sur l’articulation entre la protection des consommateurs et l’autorité de la chose jugée. Le litige trouve son origine dans la conclusion de contrats de crédit indexés sur une devise étrangère par un particulier. L’exécution forcée est poursuivie après une injonction de payer définitive alors que les clauses contractuelles paraissent abusives au juge de l’exécution. La juridiction de renvoi s’interroge sur sa faculté de relever d’office l’irrégularité de ces stipulations malgré l’expiration des délais de recours. La Cour doit alors déterminer si le droit de l’Union s’oppose à des règles procédurales nationales empêchant tout examen après le recouvrement initial. Elle examine également si l’inscription d’une clause dans un registre national d’illicéité produit des effets contre un professionnel tiers à la procédure. La solution apportée privilégie l’effectivité de la défense de la partie faible face aux contraintes procédurales rigides de l’ordre interne. L’analyse portera sur les conditions du contrôle d’office lors de l’exécution forcée avant d’étudier l’opposabilité élargie du registre des clauses illicites.

**I. L’exigence d’un contrôle effectif des clauses abusives au stade de l’exécution**

L’intervention positive du juge national demeure indispensable pour compenser l’inégalité structurelle entre le consommateur et le professionnel. Cette obligation s’impose dès que le magistrat dispose des éléments de fait et de droit nécessaires.

**A. L’éviction de l’autorité de la chose jugée au profit du consommateur**

Le principe de sécurité juridique commande normalement l’intangibilité des décisions devenues définitives après l’expiration des délais de recours. Toutefois, la Cour précise que le droit de l’Union « requiert que le juge de l’exécution puisse apprécier » le caractère éventuellement abusif des clauses. Cette faculté s’ouvre lorsque aucun examen d’office n’a été réalisé lors de la phase d’injonction de payer. La protection effective prime alors sur l’autorité de la chose jugée pour garantir que le particulier ne soit pas lié par une stipulation injuste. L’absence de motivation lors de la phase initiale de recouvrement rend nécessaire cette vérification ultérieure par l’autorité judiciaire. L’effectivité du contrôle suppose cependant que les règles de procédure n’entravent pas l’accès du justiciable à la justice.

**B. Les critères de l’entrave procédurale à l’exercice des droits**

La réglementation nationale ne doit pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des prérogatives conférées par la directive européenne. La Cour relève qu’un délai d’opposition de deux semaines peut paraître « particulièrement court afin que le consommateur concerné puisse apprécier les conséquences juridiques ». Un tel obstacle temporel crée un risque non négligeable de passivité de la part de la partie contractante la plus faible. Le juge doit intervenir d’office si le système procédural ne garantit pas une information complète sur l’étendue des droits individuels. Cette approche renforce l’exigence d’une protection juridictionnelle effective consacrée par la Charte des droits fondamentaux. Cette protection accrue de l’individu se manifeste également par la mise en œuvre de mécanismes collectifs de contrôle de la loyauté contractuelle.

**II. L’extension fonctionnelle de l’illicéité des clauses contractuelles**

Les États membres disposent de la faculté d’adopter des dispositions plus strictes pour assurer un niveau de protection plus élevé aux citoyens. La mise en place d’un registre national recensant les clauses déclarées abusives participe de cet objectif de défense des intérêts économiques.

**A. La validité du mécanisme de liste nationale des clauses illicites**

L’existence d’un tel répertoire répond à l’intérêt général et demeure compatible avec le droit de l’Union s’il est géré de manière transparente. Ce mécanisme permet de faire cesser l’utilisation de stipulations injustes dans les contrats de consommation de manière rapide et efficace. La Cour souligne que ce dispositif « relève des dispositions plus strictes que les États membres peuvent adopter ou maintenir ». L’inscription d’une clause au registre simplifie l’office du juge qui peut se référer à une évaluation préalable d’illicéité. Cette méthode prévient la multiplication des litiges identiques en fixant un cadre de référence clair pour les acteurs du marché. La portée de cet outil dépasse alors le cadre du litige initial pour atteindre l’ensemble des professionnels du secteur.

**B. L’opposabilité erga omnes des clauses abusives équivalentes**

L’efficacité du système repose sur l’extension des effets de l’inscription à des professionnels n’ayant pas été parties à la procédure initiale. Une clause peut être jugée abusive si elle « revêt la même portée et produit les mêmes effets sur le consommateur concerné ». Cette équivalence matérielle ne nécessite pas un libellé textuellement identique pour fonder l’illicéité de la stipulation litigieuse. Le professionnel conserve toutefois le droit de contester cette assimilation devant une juridiction nationale pour préserver ses droits de la défense. L’objectif final demeure l’éradication des clauses créant un déséquilibre significatif au détriment des particuliers lors de la conclusion du contrat.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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