Cour d’appel administrative de Toulouse, le 8 janvier 2025, n°24TL03166

Par une ordonnance rendue le 8 janvier 2025, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Toulouse réaffirme le principe de l’intangibilité des conventions régissant les relations entre établissements publics. En l’espèce, un établissement public de coopération intercommunale a adopté, en juin 2024, une délibération fixant des tarifs d’eau rétroactifs pour la période allant de 2018 à 2021. Le représentant de l’État a sollicité la suspension de cet acte devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse. Par une ordonnance du 9 décembre 2024, le premier juge a fait droit à cette demande de suspension. L’établissement public a alors interjeté appel, soutenant l’absence de cadre conventionnel ou l’exercice de son pouvoir de modification unilatérale. Le magistrat devait déterminer si l’existence de conventions historiques faisait obstacle à la fixation unilatérale et rétroactive de nouvelles conditions financières. La juridiction d’appel confirme la suspension en soulignant que l’équilibre contractuel ne peut être rompu sans base légale ou conventionnelle. L’étude de la pérennité du lien contractuel précédera l’analyse des limites imposées aux prérogatives de l’autorité administrative.

I. Le maintien de l’ordonnancement contractuel face à la volonté unilatérale

A. La permanence du cadre conventionnel historique

Le juge relève l’existence de trois conventions signées en 1970, 1972 et 1992 pour organiser les relations entre les établissements publics. Ces actes définissaient précisément les « obligations réciproques de ces établissements publics » ainsi que les « conditions financières du transport de l’eau ». La cour observe que « ces conventions n’ont été ni résiliées, ni remplacées s’agissant, en tout état de cause, des années 2018 à 2021 ». La persistance de ce cadre juridique interdit à l’administration de considérer que la situation financière serait régie par un vide juridique. Le magistrat refuse ainsi de valider une lecture des faits qui ignorerait la survie des engagements contractuels conclus par les prédécesseurs des parties. Cette constatation de la continuité contractuelle constitue le fondement nécessaire de l’illégalité de la décision unilatérale prise par le syndicat appelant. Le respect de la parole donnée et la stabilité des relations entre personnes publiques imposent la primauté du contrat sur la délibération.

B. L’illicéité d’une modification unilatérale et rétroactive des tarifs

Dès lors que les conventions demeurent en vigueur, leur « équilibre économique ne pouvait être modifié unilatéralement » par l’une des parties. Le juge censure la tentative de fixer des « conditions financières du transport de l’eau rétroactives au titre de ces années ». Cette solution protège le principe fondamental de non-rétroactivité des actes administratifs tout en garantissant la sécurité juridique du cocontractant. L’établissement public ne pouvait donc pas légalement imposer de nouveaux prix d’achat pour une période déjà écoulée et couverte par un contrat. La volonté d’aligner les tarifs sur ceux des adhérents ne saurait justifier l’éviction des clauses contractuelles précédemment acceptées. Le juge des référés confirme ainsi qu’un doute sérieux existe quant à la légalité d’un acte méconnaissant si manifestement la loi des parties. Si le cadre conventionnel s’impose avec force, les justifications théoriques invoquées pour s’en soustraire doivent faire l’objet d’un examen rigoureux.

II. L’encadrement rigoureux des prérogatives de puissance publique

A. L’inopérance du pouvoir de modification unilatérale en l’espèce

L’établissement appelant invoquait son pouvoir de modification unilatérale des contrats administratifs pour justifier la délibération litigieuse. Le juge estime toutefois que ce moyen n’est pas propre à créer un « doute sérieux quant à la légalité de la délibération litigieuse ». Si l’administration dispose effectivement d’une telle prérogative, son exercice est strictement subordonné à l’existence d’un motif d’intérêt général. En l’absence d’une telle démonstration, le pouvoir de modification ne saurait servir à réviser unilatéralement les clauses financières au seul bénéfice de l’une des parties. La juridiction d’appel refuse de voir dans la simple volonté de rééquilibrage budgétaire une circonstance justifiant l’éviction du contrat. La stabilité financière des établissements publics dépend de la protection contre de telles modifications imprévisibles et non concertées. Le juge administratif s’assure ainsi que les pouvoirs exorbitants du droit commun ne sont pas dévoyés à des fins purement pécuniaires.

B. L’exclusion de l’enrichissement sans cause comme fondement de la légalité

Le syndicat invoquait également l’existence d’un enrichissement sans cause au profit de son cocontractant depuis l’année 2012. Le magistrat rejette cet argument en soulignant l’absence de « toute illicéité alléguée des clauses des conventions » relatives aux relations financières. La théorie quasi-contractuelle de l’enrichissement sans cause présente un caractère subsidiaire et ne peut être utilement invoquée en présence d’un contrat valide. Le juge refuse de substituer une logique d’équité financière à l’application stricte des stipulations contractuelles régissant les prix. Tant que les clauses financières ne sont pas annulées ou écartées pour illicéité, elles constituent le seul cadre légitime des règlements entre les parties. Cette position renforce la primauté de la voie contractuelle sur les recours fondés sur des principes généraux de responsabilité quasi-contractuelle. L’ordonnance confirme que la poursuite de l’équilibre financier ne permet pas de s’affranchir du respect des règles de la légalité administrative.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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