Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 11 septembre 2025, n°24/13075
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, par un arrêt du 11 septembre 2025, a statué sur les conséquences du non-respect d’un échéancier de paiement accordé par le juge des référés dans le cadre d’un bail commercial.
Un bailleur avait consenti un bail commercial en 1976, renouvelé par la suite à plusieurs reprises. Des incidents de paiement ont conduit à la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire le 8 avril 2021. Par ordonnance du 25 novembre 2022, le juge des référés a prononcé la résiliation du bail tout en suspendant ses effets, condamné la société locataire au paiement de l’arriéré locatif selon un échéancier de vingt-quatre mensualités, et précisé qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité à son échéance, la totalité de la somme deviendrait immédiatement exigible et la clause résolutoire reprendrait ses effets. Le 7 août 2023, le bailleur a fait délivrer un commandement de quitter les lieux. La société locataire a saisi le juge de l’exécution qui l’a déboutée de ses demandes par jugement du 28 octobre 2024.
Devant la cour d’appel, la société locataire soutenait que le bailleur avait mal exécuté l’ordonnance de référé en ne lui adressant pas de quittances de loyer, la mettant ainsi dans l’impossibilité de connaître les sommes dues. Elle faisait valoir que la délivrance de quittances démontrait l’accord des parties pour poursuivre le bail. Le bailleur répliquait que l’échéancier n’avait pas été respecté, tant dans les montants que dans les dates de versement, rendant le solde immédiatement exigible et la clause résolutoire pleinement effective.
La question posée à la cour était de déterminer si le non-respect de l’échéancier accordé par le juge des référés entraînait la reprise des effets de la clause résolutoire, nonobstant l’absence de délivrance de quittances par le bailleur et les paiements effectués tardivement.
La cour d’appel confirme le jugement en retenant que « par application de cette ordonnance, le non respect de l’échéancier rendait le solde exigible immédiatement et la clause résolutoire reprenait son plein effet nonobstant le règlement tardif intervenu le 15 août 2023 ». Elle précise qu’« aucune disposition de l’ordonnance de référé » n’imposait au bailleur de délivrer des quittances.
Cette décision illustre la rigueur avec laquelle les juridictions apprécient le respect des délais de grâce accordés au locataire commercial défaillant (I), tout en révélant les limites de l’argumentation tirée du comportement du créancier dans l’exécution de la décision (II).
I. La stricte appréciation du respect de l’échéancier judiciaire
L’arrêt rappelle le caractère automatique de la déchéance du terme en cas de non-respect de l’échéancier (A), confirmant ainsi l’efficacité de la clause résolutoire contractuelle dans le bail commercial (B).
A. L’automaticité de la déchéance du terme
L’ordonnance de référé du 25 novembre 2022 avait expressément prévu que la société locataire pourrait « se libérer de cette somme par vingt-quatre mensualités le premier de chaque mois » et qu’« à défaut de paiement d’une seule mensualité de remboursement à son échéance, la totalité de la somme restante due deviendra immédiatement exigible ».
La cour constate que « les règlements des mensualités de 1 083,11 euros et diverses sommes de montants variables ont été versées à des dates variables, l’échéancier fixé au 1er de chaque mois et le montant des échéances fixées par l’ordonnance de référé n’étant pas respectés ». Le locataire avait certes effectué des versements, mais ni les montants ni les dates ne correspondaient aux prescriptions du juge des référés.
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui refuse toute appréciation de la bonne volonté du débiteur lorsque les termes de l’échéancier sont clairement définis. Le juge de l’exécution puis la cour d’appel n’avaient pas à rechercher si les paiements effectués témoignaient d’une exécution substantielle de l’obligation. La lettre de l’ordonnance suffisait à fonder la déchéance.
B. La reprise automatique des effets de la clause résolutoire
La clause résolutoire dans le bail commercial constitue un mécanisme d’une redoutable efficacité pour le bailleur. L’ordonnance de référé avait suspendu ses effets sous condition du respect de l’échéancier, précisant qu’« à défaut de respecter les délais susvisés, la clause de résiliation reprendra ses effets ».
La cour retient que « le non respect de l’échéancier rendait le solde exigible immédiatement et la clause résolutoire reprenait son plein effet nonobstant le règlement tardif intervenu le 15 août 2023 ». La chronologie est déterminante : le commandement de quitter les lieux date du 7 août 2023, le paiement de 37 880,70 euros est intervenu le 15 août 2023. Ce paiement, pour substantiel qu’il fût, arrivait trop tard.
Cette solution confirme que la suspension des effets de la clause résolutoire n’équivaut pas à son anéantissement. Elle demeure une épée de Damoclès dont la chute est conditionnée au strict respect des modalités fixées par le juge. Le locataire ne peut se prévaloir de paiements tardifs, fussent-ils importants, pour paralyser la reprise des effets de la clause.
II. Le rejet de l’argumentation tirée du comportement du créancier
La cour écarte l’argument tiré de l’absence de quittances de loyer (A), tout en validant la régularité de la procédure d’expulsion engagée (B).
A. L’absence d’obligation de délivrance de quittances
La société locataire soutenait que le bailleur l’avait mise « dans l’impossibilité de connaître les sommes à devoir jusqu’aux premiers actes d’exécution du mois d’août » faute de lui avoir adressé des quittances. La cour rejette cette argumentation en relevant qu’« aucune disposition de l’ordonnance de référé ne le prévoit ».
Le raisonnement de la cour est d’une logique implacable. L’ordonnance de référé constituait le titre définissant les obligations respectives des parties. Elle fixait le montant de la dette, l’échéancier de remboursement et les conséquences du non-respect. Le locataire disposait de tous les éléments nécessaires au calcul des sommes dues. L’absence de quittances ne pouvait constituer un obstacle à l’exécution de ses obligations.
Cette solution s’inscrit dans la conception civiliste de l’obligation de paiement. Le débiteur d’une somme d’argent dont le montant et les échéances sont déterminés n’a pas besoin d’une interpellation pour exécuter son obligation. L’argument de la société locataire relevait d’une tentative de renversement de la charge de l’initiative qui ne pouvait prospérer.
B. La validation de la procédure d’expulsion
La cour confirme que « la procédure d’expulsion initiée régulièrement par la délivrance d’un commandement de quitter les lieux du 7 août 2023, d’un procès verbal de tentative d’expulsion du 9 août 2022 et l’octroi de la force publique du 10 août 2023, n’avait pas à être annulée ».
La société locataire invoquait également la délivrance de quittances de loyer par le bailleur comme preuve de sa volonté de poursuivre le bail. La cour ne retient pas davantage cet argument. La qualification des sommes versées en loyers ou en indemnités d’occupation par le bailleur dans ses documents comptables ne saurait remettre en cause les effets d’une décision de justice.
Cette décision rappelle que le juge de l’exécution n’est pas le juge du titre. Il vérifie la régularité formelle des actes d’exécution et leur conformité au titre exécutoire. En l’espèce, l’ordonnance de référé prévoyait expressément l’expulsion en cas de non-respect de l’échéancier. Les conditions étant réunies, la procédure était régulière.
L’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 11 septembre 2025 constitue une application orthodoxe des règles gouvernant l’exécution des décisions de justice en matière de bail commercial. Il rappelle aux locataires bénéficiant de délais de grâce que ceux-ci doivent être scrupuleusement respectés, tant dans leurs montants que dans leurs échéances, sous peine de voir la clause résolutoire reprendre son plein effet.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, par un arrêt du 11 septembre 2025, a statué sur les conséquences du non-respect d’un échéancier de paiement accordé par le juge des référés dans le cadre d’un bail commercial.
Un bailleur avait consenti un bail commercial en 1976, renouvelé par la suite à plusieurs reprises. Des incidents de paiement ont conduit à la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire le 8 avril 2021. Par ordonnance du 25 novembre 2022, le juge des référés a prononcé la résiliation du bail tout en suspendant ses effets, condamné la société locataire au paiement de l’arriéré locatif selon un échéancier de vingt-quatre mensualités, et précisé qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité à son échéance, la totalité de la somme deviendrait immédiatement exigible et la clause résolutoire reprendrait ses effets. Le 7 août 2023, le bailleur a fait délivrer un commandement de quitter les lieux. La société locataire a saisi le juge de l’exécution qui l’a déboutée de ses demandes par jugement du 28 octobre 2024.
Devant la cour d’appel, la société locataire soutenait que le bailleur avait mal exécuté l’ordonnance de référé en ne lui adressant pas de quittances de loyer, la mettant ainsi dans l’impossibilité de connaître les sommes dues. Elle faisait valoir que la délivrance de quittances démontrait l’accord des parties pour poursuivre le bail. Le bailleur répliquait que l’échéancier n’avait pas été respecté, tant dans les montants que dans les dates de versement, rendant le solde immédiatement exigible et la clause résolutoire pleinement effective.
La question posée à la cour était de déterminer si le non-respect de l’échéancier accordé par le juge des référés entraînait la reprise des effets de la clause résolutoire, nonobstant l’absence de délivrance de quittances par le bailleur et les paiements effectués tardivement.
La cour d’appel confirme le jugement en retenant que « par application de cette ordonnance, le non respect de l’échéancier rendait le solde exigible immédiatement et la clause résolutoire reprenait son plein effet nonobstant le règlement tardif intervenu le 15 août 2023 ». Elle précise qu’« aucune disposition de l’ordonnance de référé » n’imposait au bailleur de délivrer des quittances.
Cette décision illustre la rigueur avec laquelle les juridictions apprécient le respect des délais de grâce accordés au locataire commercial défaillant (I), tout en révélant les limites de l’argumentation tirée du comportement du créancier dans l’exécution de la décision (II).
I. La stricte appréciation du respect de l’échéancier judiciaire
L’arrêt rappelle le caractère automatique de la déchéance du terme en cas de non-respect de l’échéancier (A), confirmant ainsi l’efficacité de la clause résolutoire contractuelle dans le bail commercial (B).
A. L’automaticité de la déchéance du terme
L’ordonnance de référé du 25 novembre 2022 avait expressément prévu que la société locataire pourrait « se libérer de cette somme par vingt-quatre mensualités le premier de chaque mois » et qu’« à défaut de paiement d’une seule mensualité de remboursement à son échéance, la totalité de la somme restante due deviendra immédiatement exigible ».
La cour constate que « les règlements des mensualités de 1 083,11 euros et diverses sommes de montants variables ont été versées à des dates variables, l’échéancier fixé au 1er de chaque mois et le montant des échéances fixées par l’ordonnance de référé n’étant pas respectés ». Le locataire avait certes effectué des versements, mais ni les montants ni les dates ne correspondaient aux prescriptions du juge des référés.
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui refuse toute appréciation de la bonne volonté du débiteur lorsque les termes de l’échéancier sont clairement définis. Le juge de l’exécution puis la cour d’appel n’avaient pas à rechercher si les paiements effectués témoignaient d’une exécution substantielle de l’obligation. La lettre de l’ordonnance suffisait à fonder la déchéance.
B. La reprise automatique des effets de la clause résolutoire
La clause résolutoire dans le bail commercial constitue un mécanisme d’une redoutable efficacité pour le bailleur. L’ordonnance de référé avait suspendu ses effets sous condition du respect de l’échéancier, précisant qu’« à défaut de respecter les délais susvisés, la clause de résiliation reprendra ses effets ».
La cour retient que « le non respect de l’échéancier rendait le solde exigible immédiatement et la clause résolutoire reprenait son plein effet nonobstant le règlement tardif intervenu le 15 août 2023 ». La chronologie est déterminante : le commandement de quitter les lieux date du 7 août 2023, le paiement de 37 880,70 euros est intervenu le 15 août 2023. Ce paiement, pour substantiel qu’il fût, arrivait trop tard.
Cette solution confirme que la suspension des effets de la clause résolutoire n’équivaut pas à son anéantissement. Elle demeure une épée de Damoclès dont la chute est conditionnée au strict respect des modalités fixées par le juge. Le locataire ne peut se prévaloir de paiements tardifs, fussent-ils importants, pour paralyser la reprise des effets de la clause.
II. Le rejet de l’argumentation tirée du comportement du créancier
La cour écarte l’argument tiré de l’absence de quittances de loyer (A), tout en validant la régularité de la procédure d’expulsion engagée (B).
A. L’absence d’obligation de délivrance de quittances
La société locataire soutenait que le bailleur l’avait mise « dans l’impossibilité de connaître les sommes à devoir jusqu’aux premiers actes d’exécution du mois d’août » faute de lui avoir adressé des quittances. La cour rejette cette argumentation en relevant qu’« aucune disposition de l’ordonnance de référé ne le prévoit ».
Le raisonnement de la cour est d’une logique implacable. L’ordonnance de référé constituait le titre définissant les obligations respectives des parties. Elle fixait le montant de la dette, l’échéancier de remboursement et les conséquences du non-respect. Le locataire disposait de tous les éléments nécessaires au calcul des sommes dues. L’absence de quittances ne pouvait constituer un obstacle à l’exécution de ses obligations.
Cette solution s’inscrit dans la conception civiliste de l’obligation de paiement. Le débiteur d’une somme d’argent dont le montant et les échéances sont déterminés n’a pas besoin d’une interpellation pour exécuter son obligation. L’argument de la société locataire relevait d’une tentative de renversement de la charge de l’initiative qui ne pouvait prospérer.
B. La validation de la procédure d’expulsion
La cour confirme que « la procédure d’expulsion initiée régulièrement par la délivrance d’un commandement de quitter les lieux du 7 août 2023, d’un procès verbal de tentative d’expulsion du 9 août 2022 et l’octroi de la force publique du 10 août 2023, n’avait pas à être annulée ».
La société locataire invoquait également la délivrance de quittances de loyer par le bailleur comme preuve de sa volonté de poursuivre le bail. La cour ne retient pas davantage cet argument. La qualification des sommes versées en loyers ou en indemnités d’occupation par le bailleur dans ses documents comptables ne saurait remettre en cause les effets d’une décision de justice.
Cette décision rappelle que le juge de l’exécution n’est pas le juge du titre. Il vérifie la régularité formelle des actes d’exécution et leur conformité au titre exécutoire. En l’espèce, l’ordonnance de référé prévoyait expressément l’expulsion en cas de non-respect de l’échéancier. Les conditions étant réunies, la procédure était régulière.
L’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 11 septembre 2025 constitue une application orthodoxe des règles gouvernant l’exécution des décisions de justice en matière de bail commercial. Il rappelle aux locataires bénéficiant de délais de grâce que ceux-ci doivent être scrupuleusement respectés, tant dans leurs montants que dans leurs échéances, sous peine de voir la clause résolutoire reprendre son plein effet.