Cour d’appel administrative de Marseille, le 25 février 2025, n°23MA01541

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 25 février 2025, une décision précisant les contours du recours en rectification d’erreur matérielle en matière contractuelle. Le litige opposait un établissement public d’hébergement à une société de travaux à la suite de la résiliation d’un marché public pour l’extension d’une résidence.

Un premier jugement du tribunal administratif de Nice avait condamné la société attributaire à verser une indemnité fixée hors taxes au titre du solde du marché. Saisie en appel, la juridiction marseillaise avait réduit ce montant mais précisé, dans son dispositif, que la somme était désormais calculée « toutes taxes comprises ». L’établissement public a alors introduit un recours en rectification, estimant que cette mention résultait d’une erreur arithmétique manifeste lors de l’addition des différentes composantes de l’indemnité.

Le problème de droit soumis à la Cour consistait à déterminer si la qualification fiscale d’une indemnité de résiliation constitue une simple erreur matérielle ou une appréciation juridique. La Cour administrative d’appel de Marseille rejette la requête en considérant que le choix de mentionner un montant toutes taxes comprises relève de l’exercice du pouvoir juridictionnel.

I. L’application restrictive des conditions du recours en rectification

Le code de justice administrative encadre strictement la procédure permettant de corriger une décision juridictionnelle sans remettre en cause l’autorité de la chose jugée. Le recours n’est ouvert que « lorsqu’une décision d’une cour administrative d’appel ou du Conseil d’Etat est entachée d’une erreur matérielle ».

A. L’exigence d’une erreur matérielle objective et influente

L’article R. 833-1 du code impose que l’erreur soit « susceptible d’avoir exercé une influence sur le jugement de l’affaire » pour être rectifiée. Cette voie de droit exceptionnelle ne permet pas de contester le bien-fondé juridique de la solution mais seulement de réparer une bévue purement factuelle. La Cour rappelle ici que l’erreur ne doit pas être imputable aux parties mais doit résulter du fonctionnement propre de la juridiction saisie.

B. L’exclusion des griefs relevant du raisonnement juridique

La jurisprudence administrative distingue classiquement l’erreur de plume ou de calcul de l’erreur de droit, laquelle ne peut être corrigée que par les voies de recours ordinaires. En l’espèce, la Cour souligne que le recours en rectification est irrecevable dès lors que la mention contestée participe de la construction intellectuelle de la décision. Le juge refuse ainsi d’étendre la notion d’erreur matérielle à des éléments qui traduisent, même implicitement, une volonté de trancher un point de droit.

II. La qualification de l’indemnité comme acte de l’appréciation juridique

La détermination du montant final dû après la résiliation d’un contrat administratif nécessite une opération complexe de compensation entre les dettes et les créances réciproques. Cette reconstruction arithmétique ne constitue pas une simple formalité technique mais s’inscrit pleinement dans la mission de qualification juridique dévolue aux magistrats du fond.

A. La souveraineté du juge dans la détermination du régime fiscal

Pour établir le solde, la Cour a procédé à l’addition de sommes dont certaines étaient initialement arrêtées hors taxes et d’autres toutes taxes comprises. Elle estime que le résultat global « n’avait pas nécessairement à être présenté comme calculé hors taxes », malgré la teneur du jugement de première instance. En précisant le régime de taxation, le juge s’est « livré de la sorte à une appréciation juridique de l’indemnité due » qui ne saurait être rectifiée.

B. La protection nécessaire de l’autorité de la chose jugée

Admettre la rectification dans une telle hypothèse reviendrait à autoriser le juge à modifier rétroactivement son raisonnement sous couvert de correction matérielle. La décision commentée garantit ainsi la sécurité juridique en interdisant aux parties de détourner cette procédure particulière pour obtenir une révision du fond du litige. Le rejet de la requête confirme que la qualification fiscale d’une condamnation indemnitaire demeure un élément substantiel de la décision de justice rendu définitivement.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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