1ère chambre du Conseil d’État, le 22 juillet 2025, n°502365

Le Conseil d’État, par une décision du 22 juillet 2025, rejette le recours de contribuables locaux souhaitant engager une action judiciaire en démolition. Des résidents d’une municipalité du sud de la France sollicitent l’autorisation de poursuivre la démolition d’une extension de bâtiment jugée irrégulière par leurs soins. Le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande par une décision du 26 février 2025, estimant que les conditions légales d’autorisation n’étaient pas réunies. Les administrés soutenaient devant la haute juridiction que la régularisation ou la démolition de l’ouvrage permettrait à la collectivité de percevoir des recettes fiscales supplémentaires. La question posée au juge consistait à savoir si l’espoir de gains financiers indirects constitue un intérêt matériel suffisant pour autoriser un contribuable à agir. Le Conseil d’État confirme le refus d’autorisation en jugeant que la possible perception de taxes foncières ne caractérise pas un tel intérêt pour la commune. L’étude de cette décision nécessite d’analyser le refus de l’intérêt matériel fondé sur des recettes fiscales avant d’aborder la limitation de la substitution du contribuable.

I. Le refus de reconnaître un intérêt matériel fondé sur des recettes fiscales éventuelles L’article L. 2132-5 du code général des collectivités territoriales permet aux contribuables d’exercer les actions appartenant à la commune lorsque celle-ci néglige de le faire. Le juge vérifie systématiquement que l’action envisagée présente une chance sérieuse de succès ainsi qu’un intérêt matériel suffisant pour le patrimoine de la collectivité.

A. La confirmation des critères cumulatifs de l’autorisation d’agir Le juge administratif exerce une mission d’autorisation préalable qui ne doit pas se confondre avec l’examen au fond de l’action civile par le juge judiciaire. Cette procédure dérogatoire impose aux requérants de démontrer que l’engagement du procès apportera un bénéfice tangible et direct à la communauté des habitants. Le Conseil d’État rappelle sa jurisprudence constante en subordonnant l’octroi de l’autorisation à l’existence prouvée d’un avantage pécuniaire ou patrimonial pour la municipalité concernée. Il appartient aux demandeurs de fournir des éléments précis permettant d’évaluer les conséquences économiques positives d’une éventuelle décision de démolition ordonnée par les tribunaux.

B. L’inopérance des gains fiscaux futurs comme motif d’action Les requérants invoquaient le fait que la mise en conformité de l’ouvrage permettrait à la commune de percevoir de nouvelles recettes de taxe foncière. La haute juridiction écarte cet argument en soulignant qu’il « ne résulte pas de l’instruction que la démolition de l’extension litigieuse présenterait un intérêt matériel pour la commune ». Le juge refuse de lier l’issue d’une procédure de police de l’urbanisme à des considérations relatives au produit des impositions locales directes. Une telle approche évite de transformer l’action ut singuli en un instrument de gestion fiscale détourné de sa finalité première qui demeure la défense du patrimoine communal.

II. Une limitation de la substitution du contribuable à la carence municipale Après avoir précisé la nature des intérêts financiers invocables, le juge administratif définit plus largement les limites de l’intervention des administrés dans la gestion municipale. Le Conseil d’État préserve l’autonomie des autorités administratives en refusant de valider une substitution qui reposerait sur des motifs extérieurs au litige d’urbanisme initial.

A. La protection du pouvoir d’appréciation de l’administration fiscale La décision précise que l’administration fiscale dispose de ses propres moyens d’action pour corriger les éventuelles omissions ou insuffisances d’imposition liées à des constructions irrégulières. Le juge relève que les services compétents peuvent « décider de réparer le cas échéant une telle omission » dans la limite du droit de reprise imparti. L’action en démolition ne saurait donc être justifiée par la nécessité de recouvrer des sommes dont la perception relève exclusivement des procédures fiscales de droit commun. Cette distinction prévient tout empiètement des particuliers sur les prérogatives de puissance publique en matière d’assiette et de liquidation des contributions obligatoires des citoyens.

B. Une portée restrictive limitant l’immixtion des administrés dans le contentieux de l’urbanisme En confirmant la décision de première instance, le Conseil d’État restreint les possibilités pour les administrés d’utiliser la carence municipale pour satisfaire des intérêts privés. La solution retenue souligne que le contentieux de la démolition doit rester centré sur la protection de l’ordre public urbanistique sans devenir un levier financier incertain. Les contribuables ne peuvent ainsi compenser leur absence d’intérêt à agir personnel en invoquant de manière artificielle un intérêt financier communal fondé sur des recettes hypothétiques. Cette jurisprudence garantit une certaine stabilité juridique en évitant la multiplication de recours judiciaires motivés par des considérations étrangères à l’intérêt général de la collectivité.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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