Conseil constitutionnel, Décision n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012

Par la décision n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité de la loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2013.

Des députés et des sénateurs ont saisi la juridiction afin de contester diverses dispositions relatives à la fiscalité, au droit de propriété et à la régularité procédurale. Les requérants invoquaient notamment la méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques et l’existence de nombreux cavaliers sociaux au sein du texte législatif déféré. La question posée concernait la capacité du législateur à instaurer des taxes comportementales et à transférer des actifs sans indemnisation lors d’une réforme de la protection sociale. Le juge valide le contrôle de la sincérité budgétaire mais censure la taxe sur les boissons énergisantes ainsi que le transfert de réserves financières sans contrepartie directe.

I. La validation encadrée des mécanismes de financement social

A. La confirmation du contrôle restreint de la sincérité budgétaire

Le Conseil constitutionnel rappelle que la sincérité se caractérise par « l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre » financier déterminé par le législateur organique. Cette approche limite l’intervention du juge aux erreurs manifestes sans remettre en cause les hypothèses de croissance économique initialement retenues par le pouvoir exécutif lors de l’élaboration. Le juge constitutionnel précise que la loi détermine les conditions de l’équilibre « compte tenu notamment des conditions économiques générales et de leur évolution prévisible » sans sanctionner l’aléa. Par ailleurs, la suppression du plafonnement de l’assiette des cotisations des travailleurs indépendants ne modifie pas la nature juridique de ces versements qui ouvrent des droits sociaux. Dès lors, le législateur pouvait légalement déléguer au pouvoir réglementaire la fixation du taux sans méconnaître l’étendue de sa propre compétence définie par la Constitution.

B. La censure de la fiscalité comportementale dépourvue de rationalité

La création d’une contribution spécifique sur les boissons énergisantes est jugée contraire au principe d’égalité devant les charges publiques tel qu’énoncé par la Déclaration de 1789. Le législateur souhaitait lutter contre l’alcoolisme des jeunes mais l’imposition frappait exclusivement des produits sans alcool, ce qui rompt le lien entre le critère et l’objectif. Pour assurer le respect du principe d’égalité, le Parlement doit fonder son appréciation sur des « critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ». En l’espèce, taxer des boissons contenant de la taurine ou de la caféine pour prévenir les risques liés au mélange avec l’alcool constitue une mesure manifestement inappropriée. Cette rupture de l’égalité devant l’impôt entraîne la déclaration d’inconstitutionnalité de la mesure fiscale car elle ne repose pas sur une différence de situation en rapport direct.

II. La préservation des prérogatives juridiques et du domaine législatif

A. L’exigence constitutionnelle d’indemnisation pour toute privation de propriété

Le transfert automatique de réserves financières appartenant à des groupements d’assureurs vers un organisme centralisé constitue une privation de propriété illégale au sens du bloc de constitutionnalité. L’article 17 de la Déclaration de 1789 impose une « juste et préalable indemnité » que la loi omettait totalement de prévoir pour compenser ce préjudice patrimonial subi. Le Conseil constitutionnel rejette l’argumentation du Gouvernement selon laquelle ces fonds étaient affectés à la seule gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale sans appartenance privée. La garantie du droit de propriété s’oppose à ce qu’une personne morale soit dépouillée de ses actifs par l’effet de la loi sans un motif d’intérêt général suffisant. Cette protection constitutionnelle assure la stabilité des contrats légalement conclus et empêche une spoliation injustifiée sous couvert de réorganisation administrative de la mutualité sociale ou des assurances.

B. L’épuration rigoureuse des dispositions étrangères aux lois de financement

Les sages censurent de nombreuses mesures qualifiées de cavaliers sociaux car elles présentent un effet trop indirect sur les dépenses ou les recettes des régimes obligatoires. Le respect du domaine réservé des lois de financement garantit la clarté des débats parlementaires et empêche l’insertion de réformes structurelles étrangères à l’équilibre financier annuel. Sont ainsi écartées les dispositions relatives à la publicité pour les médicaments, à la comptabilité des organismes de santé ou à l’expérimentation du tiers payant pour les étudiants. En outre, le juge sanctionne le non-respect de la procédure législative pour des amendements introduits tardivement sans lien direct avec les dispositions restant en discussion lors des lectures. Cette rigueur procédurale protège l’intégrité de l’examen parlementaire en évitant que des mesures complexes ne soient adoptées sans un véritable débat démocratique sur leur impact réel.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Avocats en droit immobilier et droit des affaires - Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture