Cour de justice de l’Union européenne, le 7 juin 2018, n°C-160/17

La Cour de justice de l’Union européenne siégeant à Luxembourg, par un arrêt du 7 juin 2018, précise les conditions d’évaluation des incidences environnementales. Un litige opposait des particuliers à une autorité régionale au sujet de la délimitation d’un périmètre de remembrement urbain pour une zone communale. Les requérants contestaient la validité de l’arrêté délimitant ce périmètre en invoquant l’absence d’une évaluation environnementale conforme à la directive du 27 juin 2001. Le Conseil d’État siégeant à Bruxelles, par une décision du 2 février 2015, a interrogé la Cour sur la qualification juridique de ce périmètre. La question posée visait à déterminer si un tel acte constitue un plan ou un programme nécessitant obligatoirement une évaluation des incidences sur l’environnement. La Cour répond que l’arrêté adoptant un tel périmètre, permettant de déroger aux prescriptions urbanistiques, relève effectivement de la notion de plans et programmes. L’étude de cette décision impose d’analyser l’intégration du périmètre dans la catégorie des plans avant d’examiner l’obligation de réaliser une évaluation environnementale.

**I. L’intégration du périmètre de remembrement urbain dans la catégorie des plans et programmes**

**A. Le respect des critères organiques et formels de la directive**

La directive prévoit que les plans et programmes sont ceux élaborés par une autorité et exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives. La Cour rappelle ici sa jurisprudence constante selon laquelle la notion d’acte exigé doit s’interpréter de manière large pour garantir la protection de l’environnement. L’arrêté en cause fut adopté par une autorité régionale sur le fondement d’un code national régissant l’aménagement du territoire et l’urbanisme. Cette base légale détermine précisément les autorités compétentes pour l’adoption de l’acte ainsi que la procédure d’élaboration suivie par l’administration. Ce respect des critères organiques permet à l’acte de produire des effets juridiques notables sur les règles de planification préexistantes dans le périmètre.

**B. L’effet modificatif du périmètre sur l’ordonnancement juridique existant**

Le périmètre litigieux permet de s’écarter des prescriptions urbanistiques existantes comme le plan de secteur ou les règlements communaux d’urbanisme en vigueur. La Cour considère que cette faculté de dérogation modifie le cadre juridique de référence applicable aux projets immobiliers ultérieurs dans la zone concernée. Elle affirme ainsi qu’un acte « qui modifie le cadre établi par ces plans, doit recevoir la même qualification et être soumis au même régime juridique ». La nature qualitative de l’influence sur l’ordonnancement juridique prime sur la simple délimitation géographique de la zone visée par l’autorité publique. Une telle qualification de plan impose dès lors la vérification de la nécessité d’une procédure d’évaluation des incidences sur la nature.

**II. L’obligation d’évaluation environnementale garante d’une protection juridique effective**

**A. La détermination d’un cadre structurant pour l’autorisation des projets futurs**

L’évaluation est systématique pour les plans définissant le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets d’aménagement urbain pourra être autorisée ultérieurement. Un périmètre de remembrement urbain suppose la réalisation de travaux d’infrastructure comme la création ou la modification de voiries et d’espaces publics divers. La Cour souligne que la notion d’ensemble significatif de critères doit être entendue de manière qualitative pour éviter toute stratégie de contournement des obligations. En acceptant le principe d’un projet d’urbanisation, l’arrêté régional fixe des modalités essentielles pour l’autorisation et la réalisation future de travaux aux incidences notables. Ce caractère structurant de la planification initiale justifie une analyse environnementale autonome par rapport aux contrôles effectués lors de la phase des permis.

**B. L’indépendance de l’évaluation stratégique malgré les contrôles ultérieurs**

L’existence d’une évaluation des incidences au stade du permis de construire ne dispense pas l’autorité publique d’effectuer une évaluation environnementale au stade initial. La Cour rappelle que l’évaluation doit être réalisée « aussi tôt que possible afin que ses conclusions puissent encore influer sur d’éventuelles décisions » stratégiques. Cette exigence préserve l’effet utile de la directive en garantissant que les choix structurels intègrent les considérations écologiques avant toute cristallisation des projets. L’analyse préalable permet d’étudier les alternatives possibles et de mesurer globalement l’impact écologique d’un aménagement de quartier avant son exécution matérielle effective.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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