Par un arrêt rendu le 25 septembre 2025, la Cour administrative d’appel de Toulouse apporte des précisions sur la qualification des actes administratifs inexistants. Une société pétitionnaire avait sollicité la délivrance d’un permis de construire pour l’installation d’une centrale photovoltaïque au sol. L’autorité préfectorale opposa un refus en se fondant sur les dispositions restrictives du plan local d’urbanisme intercommunal. Le tribunal administratif de Toulouse rejeta la demande comme tardive en la qualifiant de simple recours en annulation. La juridiction d’appel est saisie de la question de savoir si l’illégalité d’un règlement peut conférer un caractère inexistant à un refus.
L’ordonnance de première instance est annulée car le premier juge a inexactement interprété les conclusions dont il était saisi. La société requérante ne demandait pas l’annulation du refus de permis mais bien une déclaration d’inexistence de cet acte. La Cour administrative d’appel de Toulouse fait ici application de l’obligation pour le juge de respecter l’objet de la demande. Elle décide de statuer immédiatement sur le fond du litige par la voie de l’évocation.
I. La censure de la dénaturation des conclusions par le premier juge
Le juge administratif est tenu de se prononcer sur les prétentions telles qu’elles sont formulées par les parties dans leurs écritures. En l’espèce, la demande tendait à ce que soient déclarés « nuls et de nul effet » l’arrêté de refus et le rejet du recours gracieux. Le tribunal avait requalifié d’office ces conclusions en recours pour excès de pouvoir afin de leur opposer une fin de non-recevoir.
A. L’obligation de respecter l’intitulé et la portée de la demande
Le juge ne peut modifier l’objet du litige sans méconnaître les règles fondamentales de la procédure contentieuse administrative. L’arrêt relève que le tribunal administratif a « inexactement interprété les conclusions de la demande » déposée par la société. Les premiers juges avaient pourtant noté que les illégalités alléguées ne pouvaient priver d’existence légale l’acte en litige. Cette observation n’autorisait pas pour autant le rejet de la requête sur le fondement de la tardivité du recours. L’annulation de l’ordonnance pour irrégularité apparaît donc comme la conséquence nécessaire de cette erreur de qualification juridique.
B. La mise en œuvre de la faculté d’évocation par la juridiction d’appel
Une fois l’ordonnance annulée, la cour choisit de traiter directement les conclusions tendant à la déclaration d’inexistence des actes attaqués. Cette procédure permet de statuer définitivement sur le litige sans renvoyer l’affaire devant les juges du premier ressort. La cour examine alors si les vices invoqués par la société pétitionnaire revêtent une gravité suffisante pour justifier l’inexistence. Elle doit confronter les arguments relatifs à l’illégalité du plan local d’urbanisme aux critères classiques de la théorie de l’inexistence.
II. La conception restrictive de l’inexistence juridique de l’acte administratif
L’inexistence d’un acte administratif constitue une exception remarquable au principe de sécurité juridique et aux délais de recours contentieux. La cour rappelle que cette qualification est réservée aux actes dépourvus de réalité matérielle ou affectés d’un vice d’une gravité extrême. Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante limitant les cas où un acte peut être contesté sans condition de délai.
A. La définition rigoureuse des critères de l’acte inexistant
L’arrêt précise qu’un acte est inexistant s’il est « dépourvu d’existence matérielle » ou entaché d’un vice affectant son existence même. Cette catégorie juridique ne doit pas être confondue avec la simple annulation pour excès de pouvoir. La gravité du vice doit être telle que l’acte ne peut être rattaché à aucun pouvoir de l’administration. La protection de l’ordre juridique impose de ne reconnaître cette situation que dans des hypothèses tout à fait exceptionnelles. La société invoquait ici une méconnaissance de la loi par le règlement d’urbanisme applicable au terrain d’assiette.
B. L’insuffisance de l’illégalité du règlement pour caractériser l’inexistence
La requérante soutenait que le refus de permis était inexistant car le zonage du plan local d’urbanisme méconnaissait le code de l’urbanisme. Elle invoquait notamment les dispositions issues de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. La cour juge toutefois que l’illégalité résultant de l’application du règlement « n’est pas de nature à faire regarder ces décisions comme inexistantes ». Même si le règlement était manifestement illégal, le refus de permis pris sur son fondement conserve une existence juridique. Les conclusions de la société sont par conséquent rejetées car les griefs formulés relèvent exclusivement du contentieux de l’annulation.