Par un arrêt rendu le 3 avril 2025, la Cour administrative d’appel de Marseille précise les conditions de légalité des orientations d’aménagement et des règles alternatives au sein d’un plan local d’urbanisme intercommunal. Un requérant contestait la délibération approuvant ce document, invoquant notamment des irrégularités lors de l’enquête publique et des erreurs de zonage. Le tribunal administratif de Marseille, par un jugement du 21 février 2024, avait partiellement fait droit à sa demande en annulant certaines règles alternatives relatives aux accès. L’appelant sollicitait l’annulation totale de la délibération, tandis que l’établissement public défendeur concluait au rejet de la requête et à l’annulation du jugement sur les points de droit retenus. Le litige portait principalement sur la portée juridique des orientations d’aménagement et la précision nécessaire des dérogations réglementaires. La juridiction d’appel devait déterminer si l’insertion de prescriptions qualitatives et de règles alternatives souples respectait les exigences du code de l’urbanisme.
I. La consécration d’une souplesse normative encadrée par le principe de compatibilité
A. L’articulation juridique des orientations d’aménagement avec le règlement
La Cour administrative d’appel de Marseille valide le recours aux orientations d’aménagement et de programmation multisites, malgré une rédaction pouvant prêter à confusion. Ces orientations définissent des intentions qualitatives qui, selon le juge, « doivent être interprétées conformément au règlement ». L’arrêt souligne que la légalité d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie au regard d’une analyse globale des objectifs poursuivis par ces orientations. L’emploi de termes tels que « prescriptions » ou « obligations » ne modifie pas la nature juridique de ces documents sectoriels ou thématiques. Le juge rappelle ainsi que « les autorisations qui doivent être conformes au règlement (…) doivent aussi être compatibles avec les prescriptions de l’OAP ». Cette distinction entre conformité et compatibilité permet aux auteurs du plan de conserver une souplesse nécessaire à l’interprétation des règles d’urbanisme. La complexité résultant de la lecture combinée de ces documents n’est pas de nature à entacher d’illégalité le choix des auteurs.
B. La réhabilitation des règles alternatives comme instrument d’adaptation locale
Le juge d’appel censure le raisonnement des premiers juges concernant les règles alternatives relatives à l’implantation et aux accès des constructions. Il estime que ces dispositions réglementaires « encadrent avec une précision suffisante » les exceptions au principe général posé par le règlement. L’article R. 151-13 du code de l’urbanisme autorise en effet des règles alternatives permettant une application circonstanciée à des conditions locales. Pour la Cour, la possibilité d’augmenter le nombre d’accès s’il est « impossible d’assurer la desserte des constructions de façon satisfaisante » est légale. Ces exceptions sont valablement circonscrites dès lors qu’elles poursuivent un objectif clair en lien avec l’insertion environnementale ou la topographie. La juridiction considère que ces mécanismes ne se substituent pas aux adaptations mineures mais constituent des règles générales à application conditionnelle. L’encadrement par des définitions communes et des objectifs de sécurité routière suffit à garantir la légalité de ces facultés dérogatoires.
II. Un contrôle restreint de l’opportunité face à la rigueur de la réalité matérielle
A. La confirmation du large pouvoir discrétionnaire en matière de zonage
S’agissant du classement des parcelles, le juge exerce un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation pour respecter le parti d’aménagement local. Il appartient aux auteurs du plan de déterminer le zonage en tenant compte de la situation existante et des perspectives de développement. La Cour rejette la demande de reclassement des parcelles situées en zone d’habitat individuel, malgré la proximité d’équipements publics ou de bâtiments collectifs. Elle estime que l’insertion dans un « contexte résidentiel arboré » justifie le maintien d’une densité limitée à vingt pour cent d’emprise au sol. Le juge précise que la présence de constructions denses à proximité ne saurait obliger à un classement identique pour les terrains voisins. L’inscription en espace boisé classé est également maintenue, même si elle ne concerne que des arbres isolés au sein d’un milieu urbanisé. Cette solution protège la « nature en ville » contre les pressions anthropiques fortes pesant sur les espaces interstitiels des communes littorales.
B. La sanction des erreurs matérielles dans la transcription graphique du droit
Malgré cette déférence aux choix politiques, la Cour administrative d’appel de Marseille sanctionne les défauts de concordance entre les documents techniques et graphiques. Elle constate ainsi qu’un zonage relatif au risque inondation a été reporté avec un décalage de quelques mètres par rapport au plan de prévention. Ce décalage géographique constitue une « erreur de fait » qui vicie partiellement la délibération en tant qu’elle méconnaît l’enveloppe d’application réelle du risque. De même, la réduction sans justification d’un espace boisé classé sur un terrain non construit est jugée illégale en l’absence de motif cohérent. Ces erreurs de report ou de transcription matérielle portent atteinte à la fiabilité du règlement graphique opposable aux tiers et aux pétitionnaires. Le juge censure donc la délibération sur ces points précis tout en rejetant les allégations de détournement de pouvoir. L’arrêt réaffirme ainsi que la liberté de planification trouve sa limite impérative dans l’exactitude matérielle des documents cartographiques annexés.