Cour d’appel administrative de Bordeaux, le 26 juin 2025, n°23BX01698

La Cour administrative d’appel de Bordeaux, par un arrêt du 26 juin 2025, se prononce sur le contrôle de compatibilité d’un permis de construire. Une société a sollicité l’aménagement d’un restaurant et d’une épicerie dans un bâtiment dont une partie était auparavant destinée à l’habitation. L’autorité municipale a délivré l’autorisation sollicitée le 18 mai 2021 en imposant toutefois une limitation de dix mètres de linéaires pour la vente. Le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le 24 avril 2023 la demande tendant à l’annulation de cette prescription assortissant le permis de construire. La requérante soutient que l’activité commerciale reste secondaire et que la contrainte imposée par la commune porterait une atteinte disproportionnée à sa liberté. La juridiction doit déterminer si une restriction de surface de vente peut légalement assurer la compatibilité d’un projet avec les orientations d’aménagement. Le rejet de l’appel invite à examiner d’abord l’exigence de compatibilité du projet avec les orientations d’aménagement puis la validité de la prescription limitative.

I. L’exigence de compatibilité globale du projet avec les orientations d’aménagement

A. L’appréciation téléologique des objectifs de la programmation commerciale

La cour rappelle que l’autorisation d’urbanisme ne peut être délivrée si les travaux sont incompatibles avec les orientations d’aménagement et de programmation. Les juges soulignent que « cette compatibilité s’apprécie en procédant à une analyse globale des effets du projet sur l’objectif » fixé par le plan local. L’autorité municipale poursuit une stratégie de dynamisation du centre-ville en encadrant strictement le développement des zones périphériques situées en entrée de ville. L’objectif consiste à maintenir une fonction commerciale attractive au sein des centralités urbaines tout en limitant les implantations concurrentes dans les secteurs linéaires. L’analyse du juge administratif s’attache ainsi à vérifier la cohérence d’ensemble de l’opération immobilière avec les équilibres commerciaux définis par les documents locaux.

B. La qualification juridique de l’activité au regard de la typologie des achats

Cette recherche de cohérence avec les objectifs globaux du plan local se double d’une analyse rigoureuse de la nature des activités commerciales envisagées. Le projet litigieux prévoyait l’installation d’une épicerie occupant plus d’un tiers de la surface de plancher totale de la construction dans un secteur protégé. Cette exploitation se rattache aux « commerces correspondant à des achats quotidien » dont l’implantation est prohibée sans exception dans le périmètre géographique concerné par la demande. La cour écarte l’argument relatif au caractère secondaire de la vente de marchandises en constatant l’importance spatiale de cette branche d’activité spécifique. La protection des commerces de proximité situés dans le cœur de ville justifie cette exclusion rigoureuse des structures alimentaires installées dans les zones périphériques.

II. La validité de la prescription administrative limitant l’exercice de l’activité

A. Le pouvoir de régulation du maire par l’insertion de prescriptions d’urbanisme

Le constat de l’incompatibilité de l’épicerie avec le règlement de zone conduit les juges à valider l’usage d’une prescription restrictive par l’autorité municipale. Le maire a choisi d’imposer une limite de dix mètres de linéaire de vente plutôt que de refuser purement et simplement l’autorisation sollicitée. Cette décision permet de concilier le projet de restauration avec le respect des objectifs fixés par les orientations d’aménagement et de programmation commerciales. Le maire a pu légalement assortir l’autorisation d’une « prescription qui n’apparait pas discrétionnaire » pour limiter l’impact commercial de l’épicerie sur le centre-ville. L’adaptation de l’autorisation par voie de prescription garantit la sécurité juridique de l’exploitation tout en assurant l’efficacité des documents de planification supérieure.

B. Le contrôle restreint de l’atteinte portée à la liberté d’entreprendre

La légalité de ce pouvoir de régulation municipale doit néanmoins être confrontée au respect des libertés économiques fondamentales garanties aux exploitants de commerces. La société appelante invoque une violation de la liberté d’entreprendre en raison de l’étroitesse du linéaire de vente imposé par l’acte administratif attaqué. Les magistrats administratifs estiment toutefois que la mesure de police de l’urbanisme ne porte pas une « atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre » de l’exploitant. La limitation spatiale de l’activité commerciale constitue la conséquence directe et nécessaire de l’interdiction de créer de nouveaux commerces alimentaires dans ce périmètre urbain. Le rejet de la requête confirme la prééminence des objectifs de planification sur les intérêts particuliers des pétitionnaires souhaitant s’écarter des vocations de zone.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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