Cour d’appel administrative de Lyon, le 19 décembre 2024, n°23LY01703

La Cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le 19 décembre 2024, s’est prononcée sur les conditions de preuve relatives au plafonnement des loyers dans le cadre du dispositif d’investissement locatif Pinel. Un contribuable a acquis en l’état futur d’achèvement un appartement ainsi qu’un garage situés à Lyon avant de solliciter le bénéfice de la réduction d’impôt prévue à l’article 199 novovicies du code général des impôts. L’administration fiscale a toutefois rejeté cette demande au motif que le loyer mensuel pratiqué par le propriétaire excédait le plafond légal de 662,34 euros fixé pour ce secteur géographique. Le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de réduction des cotisations d’impôt par un jugement en date du 21 mars 2023. Le requérant a alors interjeté appel devant la juridiction lyonnaise en soutenant l’existence de deux baux distincts permettant de dissocier le loyer du logement de celui du stationnement. La question posée aux juges consistait à déterminer si le contribuable apportait la preuve suffisante de l’éligibilité de son investissement au regard des plafonds de loyer imposés par la loi. La Cour administrative d’appel de Lyon rejette la requête en considérant que les éléments produits ne permettent pas d’établir la réalité de baux séparés conformes aux exigences fiscales. Cette décision met en lumière l’échec de l’administration de la preuve par le requérant avant d’en tirer les conséquences sur l’application du régime de faveur.

I. L’échec de l’administration de la preuve concernant la réalité des baux distincts

La juridiction administrative rappelle que la charge de la preuve de l’éligibilité à un avantage fiscal incombe au contribuable dès lors que l’imposition a été établie conformément à sa déclaration. Le litige se cristallise ici sur la force probante des documents contractuels produits par le bailleur pour justifier du respect des plafonds de loyer.

A. La charge de la preuve pesant sur le contribuable déclarant

En vertu de l’article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, le juge administratif fait peser sur le requérant la responsabilité de démontrer son droit au bénéfice de l’avantage sollicité. La Cour précise ainsi qu’il « appartient au contribuable de démontrer qu’il est éligible à la réduction d’impôt prévue à l’article 199 novovicies du code général des impôts ». Cette règle processuelle est d’autant plus stricte que le dispositif Pinel repose sur un engagement de location dont les conditions doivent être scrupuleusement respectées dès l’origine. Le contribuable ne peut donc se contenter d’affirmations générales mais doit produire des pièces dont la valeur probante est exempte de doute sérieux.

B. L’insuffisance probatoire résultant des contradictions matérielles du dossier

Le juge d’appel procède à une analyse minutieuse des pièces versées au dossier et relève des incohérences majeures qui interdisent de reconnaître l’existence de baux réellement dissociés. La Cour note ainsi que le bail relatif à l’appartement stipulait expressément que « le locataire dispose de la jouissance exclusive du garage », ce qui rendait la conclusion d’un second bail sans objet. Les corrections manuscrites apportées aux montants des loyers sur les contrats produits n’ont pas été validées par des paraphes ou des mentions en marge. Enfin, la Cour souligne que l’engagement de location souscrit par le propriétaire lui-même « mentionne que le logement a été donné en location pour un loyer mensuel hors charges de 700 euros ». L’ensemble de ces contradictions conduit le juge à estimer que le requérant « n’apporte pas la preuve qui lui incombe » quant au respect du plafond de loyer légal.

II. La sanction du non-respect des conditions d’éligibilité au dispositif Pinel

Le constat de l’absence de baux distincts emporte des conséquences directes sur la possibilité pour le contribuable d’invoquer la doctrine administrative à son profit. La décision de la Cour administrative d’appel de Lyon confirme ainsi la rigueur nécessaire du contrôle juridictionnel s’exerçant sur les avantages fiscaux incitatifs.

A. L’inopposabilité de la doctrine administrative faute de base factuelle établie

Le requérant tentait de se prévaloir du paragraphe 450 de la doctrine référencée BOI-IR-RICI-230-20-20 permettant, sous certaines conditions, de faire abstraction du loyer d’un garage. Cependant, le bénéfice de cette interprétation administrative est subordonné à l’existence avérée de deux baux distincts conclus avec le même locataire. La Cour écarte ce moyen de manière pragmatique en jugeant que, dès lors que le contribuable « n’établit pas que deux baux distincts avaient été conclus, il n’est pas fondé à se prévaloir de cette doctrine ». La garantie contre les changements de doctrine prévue par l’article 80 A du livre des procédures fiscales ne peut jouer qu’en présence d’une situation de fait répondant aux prévisions de ladite doctrine.

B. La rigueur nécessaire du contrôle juridictionnel des avantages fiscaux

Cette décision illustre la volonté du juge administratif de maintenir une application stricte des conditions de forme et de fond attachées aux niches fiscales. Le dispositif Pinel constitue une dérogation au droit commun de l’impôt qui justifie un contrôle rigoureux des plafonds de loyer par l’administration et le juge. La Cour refuse également la demande de régularisation subsidiaire, confirmant que les manquements aux conditions d’éligibilité ne peuvent être corrigés a posteriori de manière discrétionnaire par le contribuable. Le rejet de la requête, incluant les conclusions relatives aux intérêts moratoires, rappelle que la sécurité juridique du contribuable dépend avant tout de la cohérence de sa documentation contractuelle. La solution retenue par la Cour administrative d’appel de Lyon s’inscrit ainsi dans une jurisprudence constante privilégiant la réalité des actes sur les intentions affichées.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Avocats en droit immobilier et droit des affaires - Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture