Cour d’appel administrative de Bordeaux, le 10 juillet 2025, n°23BX02882

La Cour administrative d’appel de Bordeaux, par une décision du 10 juillet 2025, précise l’étendue du contrôle exercé sur le zonage d’un plan local d’urbanisme. Un propriétaire contestait le classement en zone naturelle de plusieurs parcelles situées à la périphérie d’un bourg, sollicitant l’abrogation de cette mesure réglementaire. Après le rejet implicite de sa demande par l’autorité intercommunale et une décision défavorable du tribunal administratif de Pau, l’intéressé a saisi la juridiction d’appel. Il soutenait que le maintien de ces terrains en zone naturelle était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de la réalité des lieux. Les magistrats devaient déterminer si l’absence d’intérêt écologique et la proximité immédiate de zones urbanisées rendaient illégal ce classement protecteur. La Cour annule le jugement attaqué en relevant une discordance entre la qualification juridique retenue et l’état de fait des parcelles. Il convient d’analyser d’abord les critères du classement en zone naturelle avant d’étudier la sanction de l’erreur d’appréciation commise par les auteurs du plan.

I. La définition rigoureuse des zones naturelles soumise au contrôle du juge administratif

A. Les critères matériels présidant au classement en zone naturelle

Le code de l’urbanisme encadre strictement la possibilité de classer des secteurs en zone naturelle pour assurer la protection des espaces non bâtis. L’article R. 151-24 dispose que ces secteurs sont dits « zones N » et peuvent être protégés en raison « de la qualité des sites, milieux et espaces naturels ». La jurisprudence exige que le choix des auteurs du plan s’appuie sur des caractéristiques physiques réelles justifiant une protection esthétique, historique ou écologique. Ces dispositions permettent de préserver la biodiversité, les paysages ou de prévenir des risques spécifiques comme l’expansion des crues. La protection de l’environnement constitue le fondement principal de cette qualification juridique qui limite les possibilités de construction sur les terrains concernés.

B. L’exercice du pouvoir discrétionnaire des auteurs du plan local d’urbanisme

Les autorités locales disposent d’une large liberté pour déterminer le parti d’aménagement de leur territoire et fixer les règles de zonage correspondantes. La Cour rappelle qu’il leur appartient de définir les orientations de développement « en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir ». Cette marge de manœuvre limite l’intervention du juge administratif qui ne saurait substituer sa propre appréciation à celle des élus locaux. Le contrôle juridictionnel se borne à vérifier l’absence d’inexactitude matérielle des faits ou d’erreur manifeste dans l’appréciation des besoins de la collectivité. Cette retenue du juge garantit l’autonomie des choix politiques locaux tant qu’ils ne heurtent pas l’évidence des faits constatés.

II. La sanction d’une erreur manifeste d’appréciation révélée par la configuration des lieux

A. L’incohérence manifeste entre l’état de fait et la qualification juridique

L’erreur d’appréciation est constituée lorsque le classement retenu apparaît manifestement inadapté au regard de la situation géographique et environnementale des parcelles litigieuses. Dans cette espèce, les terrains étaient bordés par des secteurs pavillonnaires classés en zone urbaine ainsi que par des équipements collectifs et sportifs. La Cour relève que les parcelles « ne font l’objet d’aucune protection » spécifique et ne présentent pas « un intérêt écologique particulier » dans le dossier. Le classement en zone naturelle contredisait également les objectifs du projet d’aménagement visant à privilégier le développement urbain à l’intérieur des enveloppes bâties. La juridiction d’appel sanctionne ainsi une qualification qui ignore la réalité urbaine du secteur et la cohérence globale du document d’urbanisme.

B. L’obligation d’abroger la disposition réglementaire reconnue illégale

Le constat de l’illégalité d’un plan local d’urbanisme entraîne des conséquences juridiques précises quant au maintien de ses dispositions dans l’ordre juridique. L’annulation du rejet de la demande d’abrogation impose à l’administration de supprimer le classement litigieux pour mettre fin à l’irrégularité constatée. Les magistrats enjoignent ainsi à la communauté de communes de procéder à cette abrogation dans un délai de trois mois suivant la notification. Cette décision illustre l’obligation pour l’autorité compétente de modifier ses règlements lorsque des erreurs manifestes d’appréciation sont juridiquement démontrées. La protection de la légalité administrative assure aux administrés une cohérence entre les règles d’urbanisme imposées et les caractéristiques concrètes de leur patrimoine.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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