La Cour administrative d’appel de Toulouse a rendu une ordonnance le 29 janvier 2025 portant sur les conditions de recevabilité d’une demande de provision. Cette décision tranche la question de l’incidence d’actes de procédure ultérieurs sur un délai de recours contentieux déjà expiré contre un refus administratif. Un propriétaire a subi des fissures importantes sur sa maison à la suite de défauts d’étanchéité constatés sur le réseau public d’eaux pluviales. L’expert désigné par la justice a confirmé l’origine des désordres et a chiffré le coût des travaux nécessaires à la remise en état. L’intéressé a formulé une demande préalable d’indemnisation provisionnelle le 7 juin 2023, laquelle a fait l’objet d’un rejet exprès de la part de l’administration. Le requérant n’a toutefois pas saisi le juge des référés dans le délai de deux mois suivant la notification de cette décision négative. Il a ultérieurement tenté d’obtenir une provision par voie de conclusions reconventionnelles devant une autre formation de référé, puis par une nouvelle réclamation. Le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande pour tardiveté par une ordonnance rendue le 8 juillet 2024. Saisi de l’appel, le juge devait déterminer si la forclusion du référé-provision peut être levée par l’engagement d’autres démarches contentieuses ou administratives. La juridiction confirme l’irrecevabilité de la requête en rappelant la rigueur des délais régissant la saisine du juge des référés dans cette matière. Il convient d’analyser l’application stricte des règles de forclusion à l’instance provisionnelle (I), avant d’observer la séparation maintenue entre les procédures d’urgence et le fond (II).
I. La soumission du référé-provision aux délais de recours de droit commun
A. Le déclenchement du délai par une décision de rejet explicite
Le juge rappelle que les dispositions de l’article R. 421-1 du code de justice administrative s’appliquent aux demandes de provision présentées selon l’article R. 541-1. La saisine du juge des référés nécessite l’intervention préalable d’une décision administrative qui lie le contentieux et déclenche le délai de recours de deux mois. En l’espèce, le refus opposé par l’administration le 14 juin 2023 faisait courir ce délai car il mentionnait régulièrement les voies et délais de recours. La juridiction souligne qu’en l’absence de saisine dans ce laps de temps, « le délai de recours contentieux expirait le 16 août 2023 ». Cette solution démontre que le référé-provision, bien que dépourvu de condition d’urgence, reste soumis aux exigences de stabilité des relations juridiques. Le justiciable doit donc agir avec célérité dès la notification d’une décision administrative défavorable pour préserver ses droits à une indemnisation provisionnelle.
B. L’absence d’effet interruptif des conclusions reconventionnelles inopérantes
Le requérant invoquait des conclusions reconventionnelles déposées lors d’une instance en référé-expertise pour justifier une interruption du délai de recours contre le refus de provision. Le juge rejette cet argument en précisant qu’une telle démarche « est, par elle-même, sans incidence sur le déclenchement du délai de saisine du juge des référés ». La cour refuse d’assimiler des conclusions tendant à l’octroi d’une provision devant le juge de l’expertise à une saisine régulière du juge des référés-provision. Cette position stricte évite que la multiplication des incidents de procédure ne serve de prétexte au contournement des forclusions déjà acquises par l’inaction. L’interruption du délai suppose une requête directe et conforme à l’objet de la mesure sollicitée devant la formation de jugement compétente. La sécurité juridique impose que l’administration ne puisse pas voir ses décisions contestées indéfiniment par des biais procéduraux détournés.
II. L’étanchéité procédurale entre l’instance de référé et le recours au fond
A. L’indépendance de la saisine du juge des référés-provision
L’ordonnance précise que la saisine du juge des référés aux fins de provision interrompt le délai de recours contentieux contre la décision de l’administration rejetant l’indemnisation. Cette règle permet de suspendre le délai pour agir au fond pendant que le juge de l’urgence examine le caractère sérieux de l’obligation financière. Toutefois, la Cour administrative d’appel de Toulouse souligne que la réciproque n’est pas vraie pour l’ouverture d’un nouveau délai de référé déjà forclos. Le juge relève qu’une seconde demande préalable de nature à lier le contentieux au fond « n’a pas rouvert le délai de recours pour la saisine du juge des référés ». Cette distinction entre l’indemnité principale et la provision souligne la nature autonome et spécifique de chaque voie de droit offerte au justiciable. Le propriétaire doit donc veiller à la recevabilité propre de son référé sans pouvoir se prévaloir de la persistance de son action indemnitaire.
B. La préservation de la stabilité des situations juridiques administratives
En confirmant l’ordonnance de première instance, la juridiction protège l’administration contre des demandes de provision réitérées longtemps après l’expiration des délais légaux de recours. La solution retenue empêche qu’une nouvelle réclamation préalable, identique par son objet et sa cause, ne permette de faire renaître un délai de référé expiré. Le juge insiste sur le fait que la décision de rejet initiale, une fois devenue définitive, fait obstacle à toute nouvelle sollicitation provisionnelle par voie d’urgence. Cette jurisprudence garantit une gestion prévisible des risques financiers pour les entités publiques en limitant la période durant laquelle une provision peut être réclamée. La rigueur manifestée par la Cour administrative d’appel de Toulouse confirme ainsi le caractère strictement encadré de l’intervention du juge des référés en matière financière. L’ordonnance protège l’intérêt général en évitant que des procédures d’exception ne soient dévoyées pour pallier des négligences dans l’exercice des recours ordinaires.