Tribunal judiciaire de Toulouse, le 13 juin 2025, n°23/00216
Le Tribunal judiciaire de Toulouse, par un jugement du 13 juin 2025, s’est prononcé sur la validité d’assemblées générales de copropriétaires convoquées par un syndic dont le mandat avait expiré. La décision s’inscrit dans le contentieux de la copropriété et soulève la question des effets de l’absence de mandat du syndic sur la régularité des délibérations.
Une société civile immobilière, copropriétaire de deux lots au sein d’une résidence, contestait la validité de deux assemblées générales tenues les 16 novembre et 5 décembre 2022. Elle soutenait que ces assemblées avaient été convoquées par un syndic dépourvu de mandat, celui-ci ayant expiré le 31 janvier 2022. Le syndicat des copropriétaires opposait qu’une assemblée générale de régularisation du 31 octobre 2023 avait procédé au renouvellement rétroactif du mandat du syndic à compter du 10 novembre 2022.
Le tribunal devait déterminer si des assemblées générales de copropriétaires convoquées par un syndic dont le mandat a expiré peuvent être régularisées a posteriori par une délibération ultérieure renouvelant ce mandat rétroactivement.
Le tribunal annule les délibérations des assemblées générales litigieuses. Il retient que le syndic ne bénéficiait d’aucun mandat au moment des assemblées contestées et que « le Syndicat des copropriétaires ne saurait se prévaloir utilement du bénéfice d’une régularisation a posteriori, un tel procédé n’étant prévu par aucune disposition légale ou réglementaire applicable au régime de la copropriété ». Le tribunal précise que les dispositions exceptionnelles relatives à l’état d’urgence sanitaire permettaient une régularisation jusqu’au 15 avril 2022, date « largement dépassé[e] » par le syndicat.
Cette décision rappelle l’exigence d’un mandat valide pour la convocation des assemblées générales (I) tout en excluant la possibilité d’une régularisation rétroactive hors des cas légalement prévus (II).
I. L’exigence d’un mandat valide pour la convocation des assemblées générales
Le tribunal rappelle le cadre normatif applicable à la désignation du syndic (A) avant d’en déduire l’invalidité des assemblées convoquées sans mandat (B).
A. Le fondement textuel du pouvoir de convocation du syndic
Le tribunal s’appuie sur l’article 7 du décret du 17 mars 1967 qui dispose que « sous réserve de dispositions spéciales, l’assemblée générale d’un syndicat de copropriétaires est convoquée par le syndic ». La décision rappelle également les articles 28 et 29 du même décret selon lesquels le syndic est « une personne physique ou morale désignée par l’assemblée générale et tenue au titre d’un contrat de mandat ».
Le tribunal établit un lien entre la qualité de mandataire et le pouvoir de convocation. Sans mandat valide, le syndic n’est qu’un tiers sans qualité pour engager le syndicat. Cette analyse s’inscrit dans la théorie générale du mandat : le mandataire ne peut agir au nom d’autrui que dans les limites temporelles de sa mission. Le jugement ne le dit pas expressément mais l’expiration du mandat prive le syndic de tout pouvoir de représentation.
Cette rigueur se justifie par la nature particulière des assemblées générales de copropriétaires. Ces réunions constituent le lieu d’expression de la volonté collective. Une convocation irrégulière vicie l’ensemble du processus décisionnel.
B. La sanction de l’absence de mandat : la nullité des délibérations
Le tribunal qualifie les délibérations d’assemblées générales d’« actes juridiques » au sens de l’article 1100-1 alinéa 2 du code civil. Ces actes « obéissent en tant que raison pour leur validité ou leurs effets aux règles qui gouvernent les contrats ». Le juge mobilise ensuite l’article 1178 du code civil selon lequel le contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité « doit être déclaré nul par le juge ».
Cette qualification emporte des conséquences importantes. Les délibérations des assemblées générales sont soumises aux conditions de validité des contrats. L’absence de pouvoir du convoquant constitue un vice affectant la formation même de l’acte.
Le tribunal constate que le syndic avait été désigné pour une période courant « du 4 mai 2021 au 31 janvier 2022 » et qu’aucun renouvellement n’était intervenu avant les assemblées litigieuses. La conclusion s’impose : « au moment des assemblées générales des 16 novembre et 5 décembre 2022, la SARL ORIM ne bénéficiait d’aucun mandat ».
II. L’impossibilité d’une régularisation rétroactive du mandat du syndic
Le tribunal écarte la régularisation a posteriori en l’absence de fondement légal (A), tout en délimitant strictement le champ des exceptions admises (B).
A. Le principe d’exclusion de la régularisation rétroactive
Le syndicat des copropriétaires invoquait une assemblée générale du 31 octobre 2023 ayant voté « une résolution n°4 ayant vocation à régulariser la situation en renouvelant le mandat du syndic rétroactivement au 10 novembre 2022 ». Le tribunal rejette cet argument par une formule nette : le syndicat « ne saurait se prévaloir utilement du bénéfice d’une régularisation a posteriori, un tel procédé n’étant prévu par aucune disposition légale ou réglementaire applicable au régime de la copropriété ».
Cette position s’explique par le caractère d’ordre public du statut de la copropriété. Le tribunal le rappelle expressément en qualifiant les dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020 de « dispositions d’ordre public ». La même qualification vaut pour les règles relatives à la désignation du syndic. Les copropriétaires ne peuvent y déroger par une délibération ultérieure.
Le refus de la régularisation rétroactive préserve la sécurité juridique des copropriétaires. Admettre qu’une assemblée puisse valider a posteriori des actes accomplis sans mandat reviendrait à priver de toute portée les règles relatives à la durée du mandat. Un copropriétaire pourrait se trouver lié par des décisions prises sans que les conditions formelles de leur adoption aient été respectées.
B. Le cantonnement des exceptions au cadre de l’urgence sanitaire
Le tribunal mentionne l’existence d’un dispositif dérogatoire prévu par l’ordonnance du 25 mars 2020 modifiée. Ces dispositions permettaient le renouvellement automatique des contrats de syndic expirés « entre le 1er janvier 2022 et le 15 février 2022 inclus ». La prise d’effet du nouveau contrat devait intervenir « au plus tard le 15 avril 2022 ».
Le tribunal relève que « le Syndicat des copropriétaires a cependant largement dépassé cette date limite, sa régularisation ayant eu lieu le 31 octobre 2023 ». Le délai de plus de dix-huit mois entre la date butoir et la tentative de régularisation exclut toute application du régime dérogatoire.
Cette interprétation stricte des exceptions se justifie par leur caractère exceptionnel. Les mesures adoptées pendant l’état d’urgence sanitaire répondaient à une impossibilité matérielle de réunir les assemblées. Elles ne sauraient fonder un principe général de régularisation rétroactive. Le tribunal confirme ainsi que le droit de la copropriété demeure soumis au principe de légalité des formes. Seule une disposition expresse peut permettre de valider des actes accomplis en méconnaissance des règles de compétence.
Le Tribunal judiciaire de Toulouse, par un jugement du 13 juin 2025, s’est prononcé sur la validité d’assemblées générales de copropriétaires convoquées par un syndic dont le mandat avait expiré. La décision s’inscrit dans le contentieux de la copropriété et soulève la question des effets de l’absence de mandat du syndic sur la régularité des délibérations.
Une société civile immobilière, copropriétaire de deux lots au sein d’une résidence, contestait la validité de deux assemblées générales tenues les 16 novembre et 5 décembre 2022. Elle soutenait que ces assemblées avaient été convoquées par un syndic dépourvu de mandat, celui-ci ayant expiré le 31 janvier 2022. Le syndicat des copropriétaires opposait qu’une assemblée générale de régularisation du 31 octobre 2023 avait procédé au renouvellement rétroactif du mandat du syndic à compter du 10 novembre 2022.
Le tribunal devait déterminer si des assemblées générales de copropriétaires convoquées par un syndic dont le mandat a expiré peuvent être régularisées a posteriori par une délibération ultérieure renouvelant ce mandat rétroactivement.
Le tribunal annule les délibérations des assemblées générales litigieuses. Il retient que le syndic ne bénéficiait d’aucun mandat au moment des assemblées contestées et que « le Syndicat des copropriétaires ne saurait se prévaloir utilement du bénéfice d’une régularisation a posteriori, un tel procédé n’étant prévu par aucune disposition légale ou réglementaire applicable au régime de la copropriété ». Le tribunal précise que les dispositions exceptionnelles relatives à l’état d’urgence sanitaire permettaient une régularisation jusqu’au 15 avril 2022, date « largement dépassé[e] » par le syndicat.
Cette décision rappelle l’exigence d’un mandat valide pour la convocation des assemblées générales (I) tout en excluant la possibilité d’une régularisation rétroactive hors des cas légalement prévus (II).
I. L’exigence d’un mandat valide pour la convocation des assemblées générales
Le tribunal rappelle le cadre normatif applicable à la désignation du syndic (A) avant d’en déduire l’invalidité des assemblées convoquées sans mandat (B).
A. Le fondement textuel du pouvoir de convocation du syndic
Le tribunal s’appuie sur l’article 7 du décret du 17 mars 1967 qui dispose que « sous réserve de dispositions spéciales, l’assemblée générale d’un syndicat de copropriétaires est convoquée par le syndic ». La décision rappelle également les articles 28 et 29 du même décret selon lesquels le syndic est « une personne physique ou morale désignée par l’assemblée générale et tenue au titre d’un contrat de mandat ».
Le tribunal établit un lien entre la qualité de mandataire et le pouvoir de convocation. Sans mandat valide, le syndic n’est qu’un tiers sans qualité pour engager le syndicat. Cette analyse s’inscrit dans la théorie générale du mandat : le mandataire ne peut agir au nom d’autrui que dans les limites temporelles de sa mission. Le jugement ne le dit pas expressément mais l’expiration du mandat prive le syndic de tout pouvoir de représentation.
Cette rigueur se justifie par la nature particulière des assemblées générales de copropriétaires. Ces réunions constituent le lieu d’expression de la volonté collective. Une convocation irrégulière vicie l’ensemble du processus décisionnel.
B. La sanction de l’absence de mandat : la nullité des délibérations
Le tribunal qualifie les délibérations d’assemblées générales d’« actes juridiques » au sens de l’article 1100-1 alinéa 2 du code civil. Ces actes « obéissent en tant que raison pour leur validité ou leurs effets aux règles qui gouvernent les contrats ». Le juge mobilise ensuite l’article 1178 du code civil selon lequel le contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité « doit être déclaré nul par le juge ».
Cette qualification emporte des conséquences importantes. Les délibérations des assemblées générales sont soumises aux conditions de validité des contrats. L’absence de pouvoir du convoquant constitue un vice affectant la formation même de l’acte.
Le tribunal constate que le syndic avait été désigné pour une période courant « du 4 mai 2021 au 31 janvier 2022 » et qu’aucun renouvellement n’était intervenu avant les assemblées litigieuses. La conclusion s’impose : « au moment des assemblées générales des 16 novembre et 5 décembre 2022, la SARL ORIM ne bénéficiait d’aucun mandat ».
II. L’impossibilité d’une régularisation rétroactive du mandat du syndic
Le tribunal écarte la régularisation a posteriori en l’absence de fondement légal (A), tout en délimitant strictement le champ des exceptions admises (B).
A. Le principe d’exclusion de la régularisation rétroactive
Le syndicat des copropriétaires invoquait une assemblée générale du 31 octobre 2023 ayant voté « une résolution n°4 ayant vocation à régulariser la situation en renouvelant le mandat du syndic rétroactivement au 10 novembre 2022 ». Le tribunal rejette cet argument par une formule nette : le syndicat « ne saurait se prévaloir utilement du bénéfice d’une régularisation a posteriori, un tel procédé n’étant prévu par aucune disposition légale ou réglementaire applicable au régime de la copropriété ».
Cette position s’explique par le caractère d’ordre public du statut de la copropriété. Le tribunal le rappelle expressément en qualifiant les dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020 de « dispositions d’ordre public ». La même qualification vaut pour les règles relatives à la désignation du syndic. Les copropriétaires ne peuvent y déroger par une délibération ultérieure.
Le refus de la régularisation rétroactive préserve la sécurité juridique des copropriétaires. Admettre qu’une assemblée puisse valider a posteriori des actes accomplis sans mandat reviendrait à priver de toute portée les règles relatives à la durée du mandat. Un copropriétaire pourrait se trouver lié par des décisions prises sans que les conditions formelles de leur adoption aient été respectées.
B. Le cantonnement des exceptions au cadre de l’urgence sanitaire
Le tribunal mentionne l’existence d’un dispositif dérogatoire prévu par l’ordonnance du 25 mars 2020 modifiée. Ces dispositions permettaient le renouvellement automatique des contrats de syndic expirés « entre le 1er janvier 2022 et le 15 février 2022 inclus ». La prise d’effet du nouveau contrat devait intervenir « au plus tard le 15 avril 2022 ».
Le tribunal relève que « le Syndicat des copropriétaires a cependant largement dépassé cette date limite, sa régularisation ayant eu lieu le 31 octobre 2023 ». Le délai de plus de dix-huit mois entre la date butoir et la tentative de régularisation exclut toute application du régime dérogatoire.
Cette interprétation stricte des exceptions se justifie par leur caractère exceptionnel. Les mesures adoptées pendant l’état d’urgence sanitaire répondaient à une impossibilité matérielle de réunir les assemblées. Elles ne sauraient fonder un principe général de régularisation rétroactive. Le tribunal confirme ainsi que le droit de la copropriété demeure soumis au principe de légalité des formes. Seule une disposition expresse peut permettre de valider des actes accomplis en méconnaissance des règles de compétence.