Tribunal judiciaire de Saint Quentin, le 16 juin 2025, n°24/00666
Le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Quentin le 16 juin 2025 illustre l’articulation entre l’obligation de délivrance conforme et les clauses contractuelles relatives à l’assainissement dans les ventes immobilières. Un acquéreur avait acheté une maison d’habitation le 11 juin 2021 pour un montant de 180 000 euros. L’acte authentique mentionnait expressément que le bien était desservi par un réseau d’assainissement collectif auquel il était relié. Lors de la revente envisagée en 2023, un contrôle révéla que la maison n’était pas raccordée au réseau collectif mais disposait d’une fosse septique non conforme. L’acquéreur assigna les vendeurs en paiement de dommages et intérêts correspondant aux frais de mise en conformité. Les vendeurs opposèrent la prise de possession du bien valant acceptation, la visibilité des regards de la fosse septique lors des visites, et l’existence d’une clause par laquelle l’acquéreur déclarait faire son affaire personnelle de la conformité du système. La question posée au tribunal était de savoir si l’absence de raccordement au réseau public d’assainissement, contrairement aux stipulations de l’acte de vente, constituait un manquement à l’obligation de délivrance conforme engageant la responsabilité des vendeurs. Le tribunal judiciaire de Saint-Quentin a retenu le défaut de délivrance conforme et condamné solidairement les vendeurs à payer 13 979,80 euros de dommages et intérêts. La solution retenue confirme l’application rigoureuse du régime de la délivrance conforme aux discordances affectant le système d’assainissement (I) tout en précisant les conditions d’évaluation du préjudice réparable (II).
I. L’application du régime de la délivrance conforme au défaut de raccordement
Le tribunal rappelle le cadre juridique de l’obligation de délivrance avant de l’appliquer aux stipulations contractuelles relatives à l’assainissement (A), puis écarte les moyens de défense tirés de la clause limitative et de l’acceptation du bien (B).
A. La qualification du raccordement comme élément de conformité contractuelle
Le tribunal se fonde sur les articles 1603 et 1604 du code civil pour caractériser l’obligation de délivrance. Il rappelle que « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et la possession de l’acheteur ». Cette obligation impose au vendeur de remettre une chose conforme aux stipulations contractuelles.
Le jugement s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Le tribunal cite expressément trois arrêts : « 3e Civ., 28 janvier 2015, pourvoi n° 13-27.050, ou encore 3e Civ., 27 avril 2017, pourvoi n° 16-14.197 et plus récemment 3ème Civ., 28 septembre 2023, pourvoi n° 22-20.377 ». Cette ligne jurisprudentielle établit que l’absence de raccordement au réseau public d’assainissement non conforme aux stipulations contractuelles constitue un manquement à l’obligation de délivrance conforme.
L’application au cas d’espèce procède d’une analyse littérale de l’acte authentique. L’acte de vente contenait une déclaration explicite selon laquelle le bien « est desservi par un réseau d’assainissement collectif qui est relié à ce réseau ». Le tribunal constate que « les vendeurs ne contestent pas que le bien n’étaient pas raccordé au réseau public d’assainissement, contrairement à ce qui est indiqué dans l’acte de vente ». L’écart entre la stipulation contractuelle et la réalité matérielle fonde la non-conformité.
Le tribunal ajoute que la charge de la preuve pèse sur le vendeur. Il énonce que « c’est au vendeur, qui est le débiteur de l’obligation de délivrance conforme, de rapporter la preuve de cette conformité ». Cette répartition probatoire renforce la position de l’acquéreur confronté à une déclaration inexacte dans l’acte de vente.
B. Le rejet des moyens de défense opposés par les vendeurs
Les vendeurs invoquaient plusieurs arguments pour échapper à leur responsabilité. Le tribunal les écarte successivement par une motivation circonstanciée.
La clause limitative de responsabilité faisait l’objet d’une interprétation divergente. Les vendeurs soutenaient que l’acquéreur avait renoncé à tout recours en déclarant « prendre acte de cette situation et vouloir en faire son affaire personnelle sans aucun recours contre quiconque ». Le tribunal retient une lecture restrictive de cette clause. Il juge qu’elle « trouve à s’appliquer si et seulement si le bien a été raccordé au réseau public d’assainissement, ce qui n’est justement pas le cas en l’espèce ». La renonciation portait sur la conformité du système existant, non sur l’existence même du raccordement annoncé.
L’argument tiré de la visibilité des regards de fosse septique est également écarté. Les vendeurs produisaient le rapport de diagnostic pour établir que ces regards étaient accessibles lors de la vente. Le tribunal relève que « ce rapport a été établi en 2023 et non en 2021 » et juge ce moyen « inopérant ». La preuve d’un état des lieux à la date de la vente faisait défaut.
Le tribunal refuse pareillement de retenir la production d’une facture de travaux de 2007 mentionnant une fosse septique. Il observe que cette facture concernait principalement « l’exécution d’un soubassement pour véranda » et que la mention relative à la fosse était « annexe (point 21 sur 30 points de travaux effectués) ». Ce document ne pouvait alerter suffisamment l’acquéreur sur l’absence de raccordement au réseau collectif.
L’âge de l’une des venderesses, invoqué pour justifier son ignorance du système d’assainissement, est également rejeté. Le tribunal relève la présence d’un autre vendeur lors de la signature de l’acte. Cette circonstance rendait inopérant l’argument tiré de l’incapacité d’une seule des parties à renseigner l’acquéreur.
II. L’évaluation du préjudice consécutif au défaut de délivrance
Le tribunal définit le périmètre des dommages réparables en lien avec le défaut de conformité (A) avant d’exclure certains postes de préjudice insuffisamment justifiés (B).
A. L’indemnisation des frais de mise en conformité effectifs
Le tribunal fonde l’indemnisation sur les articles 1217 et 1231-1 du code civil. L’article 1217 permet à la partie victime d’une inexécution de « demander réparation des conséquences de l’inexécution ». L’article 1231-1 prévoit la condamnation du débiteur « au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation ».
La charge probatoire incombe à l’acquéreur. Le tribunal énonce qu’« il appartient à l’acquéreur d’apporter la preuve de ses préjudices et le lien de causalité avec le défaut de délivrance conforme ». Cette exigence conduit à un examen pièce par pièce des demandes indemnitaires.
Trois postes sont retenus pour un total de 13 979,80 euros. Les travaux de raccordement proprement dits représentent 13 457 euros. L’étude de faisabilité des travaux s’élève à 360 euros. Le contrôle de conception a coûté 162,80 euros. Ces dépenses sont toutes datées de 2023, lors de la revente du bien.
Le lien de causalité entre ces frais et le défaut de délivrance est direct. Sans l’absence de raccordement au réseau collectif contrairement aux stipulations contractuelles, l’acquéreur n’aurait pas eu à engager ces dépenses. La mise en conformité constituait une conséquence nécessaire du manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance.
La condamnation solidaire des trois vendeurs découle de leur qualité commune de covendeurs. Ils avaient tous déclaré dans l’acte authentique que le bien était raccordé au réseau collectif. Cette affirmation inexacte engage leur responsabilité conjointe.
B. L’exclusion des préjudices dépourvus de lien causal suffisant
Le tribunal refuse d’indemniser plusieurs postes réclamés par l’acquéreur. Cette limitation traduit l’exigence d’un lien causal direct entre le manquement et le préjudice.
Les frais de diagnostic avant-vente sont écartés. Le tribunal retient que « les diagnostics étaient obligatoires pour la revente ». Ces frais auraient été engagés indépendamment du défaut de raccordement. L’acquéreur ne peut obtenir réparation de dépenses qu’il aurait de toute façon supportées.
La diminution du prix de vente de 6 000 euros est également rejetée. Le tribunal constate qu’« il n’est pas justifié des raisons pour lesquelles la valeur du bien a été baissé à 6 000 euros, d’autant plus si les travaux de raccordement ont finalement été effectués ». L’acquéreur n’établit pas le lien entre cette décote et le défaut de conformité initial. La réalisation des travaux de mise en conformité rendait cette perte de valeur hypothétique.
Les intérêts bancaires de 788,27 euros subissent le même sort. Leur connexité avec le défaut de raccordement n’est pas démontrée. Le tribunal sanctionne ainsi l’insuffisance probatoire de l’acquéreur sur ces postes.
Cette approche restrictive du préjudice réparable s’inscrit dans les principes de la responsabilité civile contractuelle. Seul le dommage prévisible et directement causé par l’inexécution peut être indemnisé. Le tribunal refuse de réparer des préjudices dont le lien avec le manquement demeure incertain ou dont la survenance était inévitable.
Le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Quentin le 16 juin 2025 illustre l’articulation entre l’obligation de délivrance conforme et les clauses contractuelles relatives à l’assainissement dans les ventes immobilières. Un acquéreur avait acheté une maison d’habitation le 11 juin 2021 pour un montant de 180 000 euros. L’acte authentique mentionnait expressément que le bien était desservi par un réseau d’assainissement collectif auquel il était relié. Lors de la revente envisagée en 2023, un contrôle révéla que la maison n’était pas raccordée au réseau collectif mais disposait d’une fosse septique non conforme. L’acquéreur assigna les vendeurs en paiement de dommages et intérêts correspondant aux frais de mise en conformité. Les vendeurs opposèrent la prise de possession du bien valant acceptation, la visibilité des regards de la fosse septique lors des visites, et l’existence d’une clause par laquelle l’acquéreur déclarait faire son affaire personnelle de la conformité du système. La question posée au tribunal était de savoir si l’absence de raccordement au réseau public d’assainissement, contrairement aux stipulations de l’acte de vente, constituait un manquement à l’obligation de délivrance conforme engageant la responsabilité des vendeurs. Le tribunal judiciaire de Saint-Quentin a retenu le défaut de délivrance conforme et condamné solidairement les vendeurs à payer 13 979,80 euros de dommages et intérêts. La solution retenue confirme l’application rigoureuse du régime de la délivrance conforme aux discordances affectant le système d’assainissement (I) tout en précisant les conditions d’évaluation du préjudice réparable (II).
I. L’application du régime de la délivrance conforme au défaut de raccordement
Le tribunal rappelle le cadre juridique de l’obligation de délivrance avant de l’appliquer aux stipulations contractuelles relatives à l’assainissement (A), puis écarte les moyens de défense tirés de la clause limitative et de l’acceptation du bien (B).
A. La qualification du raccordement comme élément de conformité contractuelle
Le tribunal se fonde sur les articles 1603 et 1604 du code civil pour caractériser l’obligation de délivrance. Il rappelle que « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et la possession de l’acheteur ». Cette obligation impose au vendeur de remettre une chose conforme aux stipulations contractuelles.
Le jugement s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Le tribunal cite expressément trois arrêts : « 3e Civ., 28 janvier 2015, pourvoi n° 13-27.050, ou encore 3e Civ., 27 avril 2017, pourvoi n° 16-14.197 et plus récemment 3ème Civ., 28 septembre 2023, pourvoi n° 22-20.377 ». Cette ligne jurisprudentielle établit que l’absence de raccordement au réseau public d’assainissement non conforme aux stipulations contractuelles constitue un manquement à l’obligation de délivrance conforme.
L’application au cas d’espèce procède d’une analyse littérale de l’acte authentique. L’acte de vente contenait une déclaration explicite selon laquelle le bien « est desservi par un réseau d’assainissement collectif qui est relié à ce réseau ». Le tribunal constate que « les vendeurs ne contestent pas que le bien n’étaient pas raccordé au réseau public d’assainissement, contrairement à ce qui est indiqué dans l’acte de vente ». L’écart entre la stipulation contractuelle et la réalité matérielle fonde la non-conformité.
Le tribunal ajoute que la charge de la preuve pèse sur le vendeur. Il énonce que « c’est au vendeur, qui est le débiteur de l’obligation de délivrance conforme, de rapporter la preuve de cette conformité ». Cette répartition probatoire renforce la position de l’acquéreur confronté à une déclaration inexacte dans l’acte de vente.
B. Le rejet des moyens de défense opposés par les vendeurs
Les vendeurs invoquaient plusieurs arguments pour échapper à leur responsabilité. Le tribunal les écarte successivement par une motivation circonstanciée.
La clause limitative de responsabilité faisait l’objet d’une interprétation divergente. Les vendeurs soutenaient que l’acquéreur avait renoncé à tout recours en déclarant « prendre acte de cette situation et vouloir en faire son affaire personnelle sans aucun recours contre quiconque ». Le tribunal retient une lecture restrictive de cette clause. Il juge qu’elle « trouve à s’appliquer si et seulement si le bien a été raccordé au réseau public d’assainissement, ce qui n’est justement pas le cas en l’espèce ». La renonciation portait sur la conformité du système existant, non sur l’existence même du raccordement annoncé.
L’argument tiré de la visibilité des regards de fosse septique est également écarté. Les vendeurs produisaient le rapport de diagnostic pour établir que ces regards étaient accessibles lors de la vente. Le tribunal relève que « ce rapport a été établi en 2023 et non en 2021 » et juge ce moyen « inopérant ». La preuve d’un état des lieux à la date de la vente faisait défaut.
Le tribunal refuse pareillement de retenir la production d’une facture de travaux de 2007 mentionnant une fosse septique. Il observe que cette facture concernait principalement « l’exécution d’un soubassement pour véranda » et que la mention relative à la fosse était « annexe (point 21 sur 30 points de travaux effectués) ». Ce document ne pouvait alerter suffisamment l’acquéreur sur l’absence de raccordement au réseau collectif.
L’âge de l’une des venderesses, invoqué pour justifier son ignorance du système d’assainissement, est également rejeté. Le tribunal relève la présence d’un autre vendeur lors de la signature de l’acte. Cette circonstance rendait inopérant l’argument tiré de l’incapacité d’une seule des parties à renseigner l’acquéreur.
II. L’évaluation du préjudice consécutif au défaut de délivrance
Le tribunal définit le périmètre des dommages réparables en lien avec le défaut de conformité (A) avant d’exclure certains postes de préjudice insuffisamment justifiés (B).
A. L’indemnisation des frais de mise en conformité effectifs
Le tribunal fonde l’indemnisation sur les articles 1217 et 1231-1 du code civil. L’article 1217 permet à la partie victime d’une inexécution de « demander réparation des conséquences de l’inexécution ». L’article 1231-1 prévoit la condamnation du débiteur « au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation ».
La charge probatoire incombe à l’acquéreur. Le tribunal énonce qu’« il appartient à l’acquéreur d’apporter la preuve de ses préjudices et le lien de causalité avec le défaut de délivrance conforme ». Cette exigence conduit à un examen pièce par pièce des demandes indemnitaires.
Trois postes sont retenus pour un total de 13 979,80 euros. Les travaux de raccordement proprement dits représentent 13 457 euros. L’étude de faisabilité des travaux s’élève à 360 euros. Le contrôle de conception a coûté 162,80 euros. Ces dépenses sont toutes datées de 2023, lors de la revente du bien.
Le lien de causalité entre ces frais et le défaut de délivrance est direct. Sans l’absence de raccordement au réseau collectif contrairement aux stipulations contractuelles, l’acquéreur n’aurait pas eu à engager ces dépenses. La mise en conformité constituait une conséquence nécessaire du manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance.
La condamnation solidaire des trois vendeurs découle de leur qualité commune de covendeurs. Ils avaient tous déclaré dans l’acte authentique que le bien était raccordé au réseau collectif. Cette affirmation inexacte engage leur responsabilité conjointe.
B. L’exclusion des préjudices dépourvus de lien causal suffisant
Le tribunal refuse d’indemniser plusieurs postes réclamés par l’acquéreur. Cette limitation traduit l’exigence d’un lien causal direct entre le manquement et le préjudice.
Les frais de diagnostic avant-vente sont écartés. Le tribunal retient que « les diagnostics étaient obligatoires pour la revente ». Ces frais auraient été engagés indépendamment du défaut de raccordement. L’acquéreur ne peut obtenir réparation de dépenses qu’il aurait de toute façon supportées.
La diminution du prix de vente de 6 000 euros est également rejetée. Le tribunal constate qu’« il n’est pas justifié des raisons pour lesquelles la valeur du bien a été baissé à 6 000 euros, d’autant plus si les travaux de raccordement ont finalement été effectués ». L’acquéreur n’établit pas le lien entre cette décote et le défaut de conformité initial. La réalisation des travaux de mise en conformité rendait cette perte de valeur hypothétique.
Les intérêts bancaires de 788,27 euros subissent le même sort. Leur connexité avec le défaut de raccordement n’est pas démontrée. Le tribunal sanctionne ainsi l’insuffisance probatoire de l’acquéreur sur ces postes.
Cette approche restrictive du préjudice réparable s’inscrit dans les principes de la responsabilité civile contractuelle. Seul le dommage prévisible et directement causé par l’inexécution peut être indemnisé. Le tribunal refuse de réparer des préjudices dont le lien avec le manquement demeure incertain ou dont la survenance était inévitable.