Tribunal judiciaire de Marseille, le 13 juin 2025, n°24/05190

Le désistement d’instance constitue un mécanisme procédural permettant au demandeur de mettre fin unilatéralement au procès qu’il a engagé. Cette institution, régie par les articles 394 à 399 du Code de procédure civile, soulève des questions relatives à ses conditions de validité et à ses effets sur les droits des parties. L’ordonnance rendue par le Tribunal judiciaire de Marseille le 13 juin 2025 offre une illustration de ce mécanisme dans le cadre d’une procédure de référé.

En l’espèce, un syndicat des copropriétaires avait assigné en référé un copropriétaire devant le Tribunal judiciaire de Marseille. Le défendeur n’a pas comparu à l’audience du 2 mai 2025. Lors de cette audience, la partie demanderesse a déclaré se désister de son instance.

Le syndicat des copropriétaires avait saisi le juge des référés selon une procédure enregistrée sous le numéro RG 24/05190. À l’audience, le demandeur a manifesté sa volonté de renoncer à poursuivre l’instance. Le défendeur, non comparant, n’a pas pu s’opposer expressément à ce désistement. Le juge a considéré que cette absence d’opposition valait acceptation implicite.

La question posée au juge des référés était de déterminer si le désistement d’instance pouvait être déclaré parfait en l’absence de comparution du défendeur et, partant, d’acceptation expresse de sa part.

Le Tribunal judiciaire de Marseille a constaté le désistement d’instance, l’a déclaré parfait et a laissé la charge des dépens à la partie demanderesse. Le juge a retenu que l’absence d’opposition du défendeur non comparant devait être considérée comme une acceptation implicite du désistement.

Cette décision invite à examiner les conditions de perfection du désistement d’instance en l’absence du défendeur (I), avant d’analyser les conséquences procédurales attachées à ce désistement (II).

I. Les conditions de perfection du désistement d’instance en l’absence du défendeur

Le désistement d’instance obéit à un régime juridique précis quant à son acceptation (A), dont l’application au cas du défendeur non comparant mérite une attention particulière (B).

A. Le principe de l’acceptation du désistement par le défendeur

L’article 395 du Code de procédure civile dispose que « le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur ». Cette exigence se justifie par la protection des intérêts du défendeur qui peut souhaiter obtenir une décision sur le fond. Le même article prévoit toutefois une exception : l’acceptation n’est pas nécessaire « si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste ».

En l’espèce, le juge des référés a relevé que la partie demanderesse « a déclaré se désister de son instance et ce, sans opposition de son adversaire ». Le défendeur n’avait pas comparu à l’audience. Cette circonstance impliquait nécessairement qu’il n’avait présenté aucune défense au fond ni soulevé de fin de non-recevoir.

B. L’acceptation implicite déduite de l’absence d’opposition

Le juge a considéré que le défendeur « doit être considéré comme ayant accepté ce désistement implicitement ». Cette formulation appelle deux observations. La première tient au caractère superflu de cette acceptation implicite dès lors que le défendeur n’avait présenté aucune défense. La seconde concerne la fiction juridique ainsi retenue.

La jurisprudence admet que le silence du défendeur vaut acceptation lorsque celui-ci n’a pas conclu au fond. La Cour de cassation a précisé que le désistement est parfait de plein droit lorsque le défendeur n’a pas encore présenté de défense au fond. L’ordonnance commentée s’inscrit dans cette lignée jurisprudentielle, quoique le raisonnement aurait pu se fonder directement sur l’absence de défense plutôt que sur une acceptation implicite.

II. Les conséquences procédurales du désistement parfait

Le désistement déclaré parfait emporte des effets sur l’instance elle-même (A) ainsi que sur la répartition des frais de procédure (B).

A. L’extinction de l’instance sans effet sur le droit d’action

L’article 398 du Code de procédure civile prévoit que « le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action ». Le demandeur conserve donc la faculté d’introduire une nouvelle instance sur le même fondement. Le juge des référés a constaté le désistement et l’a déclaré parfait, mettant ainsi fin à l’instance en cours.

Cette solution préserve les droits du syndicat des copropriétaires qui pourra, le cas échéant, réitérer sa demande devant le juge des référés ou saisir le juge du fond. Le désistement d’instance se distingue en cela du désistement d’action qui emporte renonciation définitive au droit d’agir.

B. L’imputation des dépens à la charge du demandeur

L’ordonnance dispose que la partie demanderesse « conservera la charge des dépens ». Cette solution correspond à l’application de l’article 399 du Code de procédure civile selon lequel « le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte ».

Cette règle traduit l’idée que celui qui renonce à son instance doit en supporter les conséquences financières. Le défendeur, qui a pu exposer des frais pour assurer sa défense, ne saurait être pénalisé par l’initiative procédurale du demandeur. En l’espèce, le défendeur n’ayant pas comparu, la question des frais effectivement engagés demeure théorique. La règle conserve néanmoins sa pertinence au regard de la cohérence du système procédural.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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