Tribunal judiciaire de Marseille, le 19 juin 2025, n°21/08917

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Par un jugement rendu le 19 juin 2025, le Tribunal judiciaire de [Localité 5] a statué sur un litige né d’une promesse de vente assortie de deux conditions suspensives. L’affaire posait la question de l’imputabilité de leur défaillance et, corrélativement, du sort de l’indemnité d’immobilisation stipulée à l’acte. La juridiction précise d’emblée que « les mentions du dispositif des conclusions […] n’appellent pas de décision spécifique », recentrant le débat sur les seules prétentions substantielles.

Les faits utiles sont sobres. Une promesse unilatérale de vente d’un terrain a été consentie le 9 mai 2019, pour un prix de 195 000 euros, avec une indemnité d’immobilisation de 19 500 euros dont une fraction avait été consignée. L’acte prévoyait deux conditions suspensives, relatives à un prêt et à un permis de construire, et comportait des délais précis. Un refus de permis est intervenu le 4 décembre 2019 en raison de pièces manquantes. Le bénéficiaire n’a pas établi avoir sollicité un crédit et a, par la suite, indiqué ne pas lever l’option.

La procédure a été introduite par une assignation visant la restitution de la somme consignée, soutenant la défaillance non fautive des conditions. Le promettant a sollicité, en sens inverse, l’attribution de l’indemnité, arguant d’un défaut de diligence ayant fait obstacle à la réalisation des conditions. Le juge du fond tranche en retenant l’imputabilité au bénéficiaire, refuse toute demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, et fixe la charge des dépens.

La question de droit tient à savoir si, en présence d’une carence du bénéficiaire quant aux diligences nécessaires, la défaillance des conditions doit être réputée accomplie au sens de l’article 1304-1 du code civil, justifiant l’attribution de l’indemnité d’immobilisation, et si le juge devait en réduire le montant sur le fondement de la clause pénale. La solution est nette. La juridiction rappelle que « la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement », constate l’absence de preuve de la demande de prêt et l’incomplétude du dossier de permis, et en déduit la faute du bénéficiaire. Elle ajoute que « la promesse de vente du 9 mai 2019 prévoit une indemnité d’immobilisation d’un montant de 19 500 euros » et juge le montant non disproportionné, écartant la réduction sollicitée.

I. L’imputabilité de la défaillance des conditions suspensives

A. Les constats factuels et la présomption d’accomplissement

Le juge relève deux séries de carences établissant l’imputabilité de la défaillance. D’abord, l’absence de toute preuve de démarches de financement. La décision affirme qu’aucun « dépôt de demande de crédit » n’est justifié, ce qui rattache directement la condition au comportement du débiteur de la diligence. Ensuite, le refus de permis ne tenait pas à un motif externe insurmontable, mais à l’incomplétude du dossier. Le jugement retient un refus « justifié par l’absence de production de la pièce technique PCMI4, d’une étude géotechnique et d’une autorisation d’ouverture de tranchée et régularisation de servitude ». L’office du juge se concentre sur l’examen probatoire des diligences attendues, dont la carence objective déclenche la fiction d’accomplissement.

La mise en œuvre de l’article 1304-1 du code civil, citée in extenso, s’inscrit dans une lecture finaliste de la condition suspensive. La règle de prévention sanctionne non la simple absence de résultat, mais le défaut de coopération nécessaire à la réalisation. En ce sens, le lien causal entre l’inexécution des diligences et la défaillance de la condition suffit. La solution s’accorde avec une jurisprudence constante qui exige du bénéficiaire un comportement actif et loyal, proportionné à la nature de la condition convenue et aux délais stipulés.

B. L’articulation avec les stipulations contractuelles de délai et de mise en demeure

La promesse précisait que le dépassement des délais « étant considéré comme une renonciation […] ne pourrait être exercé par le promettant que 8 jours après mise en demeure demeurée infructueuse ». Le juge n’érige pas cette stipulation en condition préalable au raisonnement sur l’imputabilité. Il la laisse à sa fonction de sanction conventionnelle du seul dépassement de délai, distincte de la carence fautive dans la réalisation. Cette hiérarchie des normes contractuelles et légales est cohérente avec l’article 1304-1, dont l’économie n’exige pas de mise en demeure lorsque la preuve d’un empêchement imputable est rapportée.

Cette approche préserve l’équilibre des risques attachés aux conditions négociées. Lorsque l’empêchement procède d’un manquement aux diligences minimales, la mise en demeure prévue pour sanctionner la renonciation par dépassement calendaire devient indifférente. La juridiction peut donc se fonder sur la seule démonstration des carences pour juger la condition réputée accomplie. Cette distinction, sobrement assumée, renforce la sécurité des stipulations en évitant d’en faire un écran à l’application du droit commun des conditions.

II. Le régime de l’indemnité d’immobilisation et sa modération

A. Qualification, proportionnalité et contrôle du montant

Le jugement rappelle le rôle économique de la clause, indiquant qu’il est « spécifié à la promesse qu’elle constitue la contrepartie forfaitaire de l’indisponibilité du bien ». Cette qualification rapproche l’indemnité d’immobilisation de la clause pénale, soumise au contrôle de proportionnalité prévu par l’article 1231-5 du code civil. Le juge opère ce contrôle en contexte, appréciant la fraction de 10 % au regard du prix, et l’écarte sans détour en constatant que « le montant n’apparaît pas disproportionné au regard du montant global de l’opération ».

Le refus de réduction se justifie au double prisme de la prévisibilité et de la gravité du manquement. Prévisible, car la pratique notariale situe classiquement l’indemnité dans une fourchette similaire, en cohérence avec le coût d’opportunité pour le promettant. Gravité, car la carence cumulée sur les deux conditions confère au manquement un poids particulier. La motivation, concise, suffit au contrôle exercé par le juge du fond en l’absence d’éléments contraires probants.

B. Portée pratique: devoirs de diligence et allocation du risque

La décision clarifie l’office du bénéficiaire face à des conditions dépendant de ses démarches. L’exigence probatoire d’un dépôt effectif de prêt et d’un dossier de permis complet s’impose. À défaut, l’accomplissement réputé neutralise l’aléa qui justifiait la protection du bénéficiaire, et l’indemnité retrouve sa fonction d’équilibrage. La solution incite à une documentation rigoureuse des diligences entreprises, dès l’origine et dans les délais contractuels.

Sur la portée, l’articulation entre conditions suspensives et indemnité d’immobilisation se consolide autour d’un triptyque simple: diligence, preuve et proportion. La juridiction retient la faute, attribue l’indemnité et refuse les dommages et intérêts corrélatifs, maintenant ainsi une ligne équilibrée. Le rappel enfin que « la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire » souligne l’effectivité pratique de la solution, sans obérer d’éventuels recours, et conforte la lisibilité du régime.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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