Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 3 juillet 2025, n°24/00022

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La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre de l’expropriation, a rendu le 3 juillet 2025 un arrêt portant sur la fixation des indemnités d’expropriation d’un ensemble de trois appartements et plusieurs boxes situés dans un immeuble très dégradé. L’enjeu résidait dans la méthode d’évaluation, l’intégration des annexes, la date de référence et la prise en compte alléguée de frais d’encombrement.

Les faits tiennent à une opération d’intervention publique contre l’habitat indigne ayant conduit à une déclaration d’utilité publique, puis à une ordonnance d’expropriation. L’expropriée avait accepté une offre amiable non concrétisée. Le premier juge a retenu une indemnité totale de 148 142,96 euros, en combinant une valeur unitaire par comparaison et une pondération spécifique pour les boxes.

Sur appel de l’expropriant, il était demandé une réduction notable de l’indemnité, au moyen d’une valeur au mètre carré plus basse, de l’exclusion des boxes comme surfaces utiles, et d’un abattement lié à l’évacuation des encombrants. L’expropriée sollicitait la confirmation. Le commissaire du gouvernement proposait également la confirmation, soutenant une valeur moyenne de marché ajustée par un abattement reflétant l’état de l’immeuble.

La question de droit portait sur l’évaluation d’un ensemble immobilier vacant et très dégradé, dans un périmètre d’opération publique, en précisant le traitement des annexes privatives rattachées aux lots et l’opportunité d’un abattement supplémentaire pour désencombrement. La juridiction retient la date de référence au 26 juillet 2022, valide la méthode comparative, confirme une valeur unitaire de 770 euros par mètre carré après abattement de 30 %, intègre les boxes avec pondération réduite à 0,25, rejette tout abattement additionnel, et confirme l’indemnité totale de 148 142,96 euros. Sur la date, la cour énonce que « la date de référence est, en l’espèce, fixée au 26 juillet 2022, date d’opposabilité de la modification du PLUi, approuvée le 30 juin 2022 ».

I. Le sens de la décision: méthode d’évaluation et prise en compte des annexes

A. Validation de la comparaison et cohérence de la valeur unitaire

La cour entérine sans réserve l’approche par comparaison, commune aux parties et adoptée par le premier juge. Elle affirme que « L’évaluation par la méthode des termes de comparaison, ainsi retenue par les parties, est en son principe appropriée et c’est à bon droit que le juge de l’expropriation en a fait application ». Les termes de marché produits révélaient une dispersion, mais une moyenne de 1 100 euros par mètre carré se dégageait, compte tenu du secteur et des ventes retenues par le commissaire du gouvernement comme par l’expropriée.

La juridiction souligne l’ajustement appliqué par le premier juge à raison de l’état très dégradé de l’immeuble, en retenant un abattement de 30 %. Elle approuve cette correction proportionnée, puis ajoute que « Le montant de la valeur unitaire, ainsi déterminée par le premier juge, est, à l’évidence, conforme à la nature, à la consistance et à l’état des biens expropriés ainsi qu’à la moyenne des termes de comparaison communiqués par les parties ». L’argument tenté pour abaisser encore la valeur unitaire au motif d’un péril et d’une insalubrité déjà intégrés demeure sans pertinence.

La cour prend soin de relever l’inconstance alléguée de l’expropriant dans la conduite de sa valorisation, au regard des offres amiables antérieures. Elle note que « Il est légitime de s’interroger sur le manque de cohérence de l’expropriant, alors même que les biens n’apparaissent pas plus dégradés qu’au moment de l’offre transactionnele ou de sa réitération ». Cette remarque ne lie pas le juge au montant des offres, mais renforce la crédibilité des paramètres retenus en première instance.

B. Intégration des boxes: qualification privative et pondération spécifique

La décision précise la qualification des boxes rattachés aux lots, dotés de tantièmes, et rappelle les textes encadrant la notion de surface utile et l’inclusion des annexes. Il en résulte que ces surfaces, clos et couvertes, doivent être prises en compte avec une pondération adaptée. La cour retient que « ceux-ci doivent être pris en compte dans le calcul de la superficie des parties privatives, avec une pondération de 50 % ».

Toutefois, l’état globalement dégradé de l’immeuble et l’encombrement caractérisé de la cour arrière justifient un ajustement plus fort. La juridiction approuve la réduction retenue en premier ressort, et décide que « l’état particulièrement dégradé de l’ensemble de l’immeuble, tant en ses parties privatives que communes, et l’état d’enconbrement de la cour arrière, justifient de ramener le coefficient de pondération, comme l’a fort pertinemment fait le premier juge, à 0, 25 ». L’indemnisation des boxes se déduit mécaniquement de cette base, ainsi que l’énonce la formule suivante: « L’indemnité de ce chef sera, donc, fixée à 130, 61 X 770 € X 0, 25 = 25 142, 43 € ».

II. La valeur et la portée: équilibre indemnitaire et limites des abattements

A. Juste indemnité et rejet de l’abattement “désencombrement”

Le droit au respect des biens impose une juste indemnité, appréciée au regard de l’état réel à la date pertinente. La cour constate que la forte décote de 30 % a déjà intégré le péril et l’insalubrité, critères centraux en expropriation d’immeubles dégradés. La demande additionnelle d’un abattement spécifique pour évacuation d’encombrants ne trouve pas de fondement, l’ordonnance d’expropriation ayant opéré transfert et garde.

La motivation s’inscrit ainsi dans une logique de non-cumul des décotes pour un même état. La cour considère en effet que l’évaluation a suffisamment tenu compte de la dégradation, et que l’expropriée n’avait plus la garde à la date utile. Le dispositif indemnitaire conserve son équilibre sans minorer deux fois une même réalité matérielle, ce qui garantit la cohérence de la réparation.

La solution se boucle par une confirmation globale, formulée en des termes sans ambiguïté. La juridiction décide qu’« Il y a lieu, en conséquence, au vu de l’ensemble des éléments versés aux débats, de confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement du 19 juin 2024 et de fixer l’indemnité totale de dépossession due à l’expropriée à la somme de 148 142, 96 € ». L’indemnité de remploi demeure calculée selon le barème usuel, assortie d’une somme complémentaire au titre des frais irrépétibles d’appel.

B. Portée pratique pour les opérations sur habitat indigne

L’arrêt confirme l’intérêt d’une méthode comparative rigoureuse, adossée à des termes homogènes, et d’un abattement unique mais substantiel lorsque les immeubles présentent un niveau de dégradation élevé. La valeur unitaire résulte d’un faisceau d’indices convergents, auquel s’ajoute la prudence d’un ajustement proportionné. Les offres amiables antérieures peuvent éclairer la cohérence de l’approche, sans lier le juge, qui demeure souverain sur la fixation.

La prise en compte des annexes privatives fait l’objet d’une solution pragmatique. Leur intégration est admise, mais avec une pondération abaissée lorsque l’état structurel et fonctionnel de l’immeuble réduit objectivement leur utilité. La réduction à 0,25 illustre une modulation circonstanciée qui prévient les surévaluations dans des copropriétés gravement dégradées.

Enfin, la date de référence demeure un pivot stabilisateur de l’évaluation. La cour rappelle clairement que « la date de référence est, en l’espèce, fixée au 26 juillet 2022, date d’opposabilité de la modification du PLUi, approuvée le 30 juin 2022 ». Cette précision verrouille le périmètre temporel de l’analyse, neutralisant toute tentative de recomposition a posteriori des paramètres de marché. L’ensemble dessine une jurisprudence opérationnelle pour les réserves foncières en contexte d’habitat indigne, conciliant sécurité juridique et juste indemnité.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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