Tribunal judiciaire de Bordeaux, le 16 juin 2025, n°25/00490

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Par ordonnance de référé du 16 juin 2025, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a été saisi d’une demande tendant à rendre communes et opposables des opérations d’expertise en cours. Ces opérations avaient été ordonnées le 1er juillet 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille, dans un litige principal distinct. L’embarcation objet de l’expertise était entretenue par la société assignée, que le demandeur souhaitait voir appelée au processus expertal.

La procédure révèle deux thèses antagonistes, nettement exposées à l’audience du 19 mai 2025. Le demandeur invoquait la nécessité d’associer l’intervenant technique aux opérations déjà diligentées, afin d’en garantir la pertinence. La défenderesse formulait des réserves sur la compétence du juge saisi, soutenant que seule l’autorité ayant ordonné la mesure pouvait en modifier la portée.

La question de droit était serrée et précise. Le juge des référés territorialement distinct de celui à l’origine de l’expertise peut‑il déclarer « communes et opposables » des opérations à un tiers, autrement dit en accroître le périmètre au profit d’une partie nouvelle. L’enjeu tenait à la qualification de la compétence, fonctionnelle ou territoriale, en matière d’aménagement des mesures d’instruction.

Le juge bordelais a retenu que « Aux termes des dispositions de l’article 149 du code de procédure civile, le juge peut à tout moment accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites ». Il a immédiatement précisé la portée de ce pouvoir, en décidant que « Cette possibilité n’est cependant offerte qu’au juge qui a ordonné la mesure d’expertise initiale, et/ou au magistrat chargé du contrôle des expertises désigné sur son ressort, qui ont seuls le pouvoir d’en modifier le périmètre ». En conséquence, « le tribunal de BORDEAUX est incompétent pour statuer sur la demande », et il « se déclare incompétent pour statuer sur la demande au profit du juge des référés du tribunal judiciaire de MARSEILLE ».

I. La consécration d’une compétence fonctionnelle exclusive

A. Le fondement textuel de l’article 149 du code de procédure civile
Le cœur du raisonnement s’ancre dans la lettre de l’article 149, dont la finalité est d’assurer la plasticité de la mesure au service de la vérité. Le pouvoir d’« accroître ou restreindre l’étendue » vise la mission, ses destinataires, son périmètre matériel et les diligences ordonnées. L’ordonnance commente précisément ce pouvoir et refuse d’en faire une prérogative banale, disponible devant tout juge saisi ultérieurement d’un incident périphérique. Le texte fonde une compétence attachée à l’instance d’expertise, non à l’instance au fond ou à l’opportunité locale.

B. Le rattachement de la demande au juge initiateur et au magistrat contrôleur
La décision érige une règle claire, exprimée sans ambages: « Cette possibilité n’est cependant offerte qu’au juge qui a ordonné la mesure […] et/ou au magistrat chargé du contrôle ». Le rattachement fonctionnel garantit l’unité de direction de l’expertise, en évitant les injonctions contradictoires et la dispersion des responsabilités. Le juge saisi à Bordeaux ne pouvait donc déclarer l’expertise « commune et opposable » à un tiers, car une telle déclaration modifie le périmètre de la mesure. La conséquence procédurale s’impose, ainsi rappelée par le dispositif: le juge « se déclare incompétent […] au profit » de Marseille, seul habilité à connaître de l’extension demandée.

II. Une solution cohérente, mais exigeante pour les justiciables

A. Préservation de l’économie de l’expertise et de la sécurité procédurale
L’unité de compétence renforce la cohérence technique de la mission, pilier de la loyauté de la preuve. Le juge qui a conçu la mesure demeure le mieux placé pour apprécier la nécessité d’y adjoindre un nouveau participant, ou d’en affiner les opérations. Cette centralisation protège l’expert, évite le forum shopping, et consolide la sécurité des contradictoires successifs. Elle favorise la continuité méthodologique, que bousculerait une pluralité de directions concurrentes.

B. Inconvénients concrets et voies procédurales adaptées
La solution impose toutefois un détour procédural aux plaideurs éloignés du ressort initial, avec un coût de coordination non négligeable. Le justiciable doit saisir le juge initiateur, ou le magistrat contrôleur, d’une demande d’extension ou de déclaration de commune mesure, plutôt que solliciter un juge local. Cette discipline peut allonger les délais, mais elle évite les conflits de décisions et sécurise l’office de l’expert. La transmission ordonnée au profit de Marseille illustre une voie utile de rationalisation, conciliant rigueur de compétence et célérité de l’instruction, sans préjudice des droits des parties au contradictoire.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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