Cour d’appel de Grenoble, le 9 septembre 2025, n°24/00761
Rendue par la Cour d’appel de Grenoble, chambre civile section A, le 9 septembre 2025, la décision commente les effets d’un sinistre survenu entre la promesse et la réitération de la vente. Une promesse unilatérale a été consentie le 1er octobre 2021, avec indemnité d’immobilisation séquestrée. Un incendie s’est déclaré le 13 février 2022 dans un lot voisin, affectant le bien. La réitération était fixée au 7 mars 2022. Les bénéficiaires ont refusé de signer.
Le tribunal judiciaire de Grenoble, le 25 janvier 2024, a condamné les bénéficiaires au paiement de l’indemnité d’immobilisation. Appel a été relevé. Les promettants ont sollicité confirmation, outre des dommages complémentaires. Les bénéficiaires ont demandé restitution de la somme immobilisée, intérêts et capitalisation. La cour infirme pour l’essentiel et statue sur les accessoires.
La question de droit tient à la portée d’une clause de sinistre prévoyant la renonciation si le bien devient inhabitable ou impropre, à la charge de la preuve de cette inhabitabilité et à la date d’appréciation. La cour répond en articulant l’interprétation contractuelle, la preuve, et la temporalité de la délivrance.
La cour retient que la clause prévoit que « les parties conviennent que le bénéficiaire aura la faculté […] soit de renoncer purement et simplement à la vente […] Il est précisé que l’existence des présentes ne pourrait alors être remise en cause que par un sinistre de nature à rendre le bien inhabitable ou impropre à son exploitation ». Elle ajoute que « pour bénéficier de la possibilité de renoncer à la vente et de la restitution des sommes versées, il y a lieu de démontrer le caractère inhabitable du logement ». Au regard des éléments produits, la cour constate enfin que « au 7 mars 2022, date de réitération de la vente, l’appartement litigieux n’était pas habitable ». Elle en déduit que les bénéficiaires « étaient bien fondés à ne pas vouloir réitérer la vente et à se voir restituer la partie de l’indemnité d’immobilisation séquestrée ».
I. Le sens de la décision: interprétation de la clause et régime probatoire
A. La clause de sinistre et le critère d’inhabitabilité
La cour s’attache d’abord au texte contractuel, qui borne la renonciation à un sinistre rendant le bien « inhabitable ou impropre à son exploitation ». Ce critère, clair et restrictif, écarte les simples altérations esthétiques ou désordres mineurs, et recentre le débat sur l’usage normal du bien au jour de la réitération. L’énoncé selon lequel « il y a lieu de démontrer le caractère inhabitable du logement » clarifie la condition d’exercice de l’option résolutoire convenue. Le choix offert de maintenir l’acquisition avec subrogation dans les indemnités d’assurance confirme la logique d’équilibre entre aléa et prix.
Cette interprétation s’inscrit dans la force obligatoire du contrat. Elle préserve la finalité pratique de la clause de sinistre, sans étendre indûment sa portée. Le raisonnement de la cour évite la confusion entre sinistre assuré et altération juridique de la délivrance. Il ne retient l’atteinte à la destination que si l’usage normal est empêché.
B. La preuve et la date d’appréciation de l’habitabilité
La cour détermine nettement la charge et l’objet de la preuve. Elle exige des bénéficiaires la démonstration de l’inhabitabilité, tout en admettant des éléments techniques pertinents pour l’établir. Elle relève un rapport d’expertise décrivant des « dommages de mouilles […] aux embellissements ainsi qu’aux parties immobilières privatives », la mention d’un « mur effondré » non infirmée, la durée des travaux, et des investigations syndicales persistant à l’été. Ces éléments convergents montrent qu’à la date fixée pour l’acte, l’usage normal n’était pas rétabli.
La temporalité retenue est décisive. En jugeant que « au 7 mars 2022 […] l’appartement […] n’était pas habitable », la cour fixe l’évaluation au jour de la réitération. Les remises en état postérieures sont indifférentes. La solution est cohérente avec l’obligation de délivrance conforme, appréciée au moment prévu pour la transmission définitive. Elle neutralise les aléas réparatoires intervenus après l’échéance contractuelle.
II. La valeur et la portée: cohérence normative et enseignements pratiques
A. Une solution conforme aux principes contractuels et à la délivrance conforme
La décision concilie liberté contractuelle et sécurité de l’échange. En appliquant strictement la clause de sinistre, la cour n’instaure pas un régime autonome de résolution. Elle fait seulement jouer l’option prévue lorsque l’impropriété à destination est avérée. La conclusion selon laquelle les bénéficiaires « étaient bien fondés à ne pas vouloir réitérer la vente et à se voir restituer la partie de l’indemnité d’immobilisation séquestrée » s’accorde avec l’idée qu’un bien impropre ne satisfait pas à la délivrance convenue, même si le transfert n’est pas intervenu.
Le rejet des demandes indemnitaires complémentaires des promettants s’explique alors. La clause d’immobilisation n’a pas vocation à sanctionner un refus de signer justifié par l’inhabitabilité. L’économie du contrat est respectée. La sanction financière revient au statu quo ante, la restitution rétablissant l’équilibre sans enrichissement injustifié.
B. Portée pratique: rédaction des clauses et contentieux de l’inhabitabilité
L’arrêt éclaire la rédaction et la mise en œuvre des clauses de sinistre. Il confirme l’utilité d’un critère opératoire centré sur l’habitabilité ou l’aptitude à l’exploitation, apprécié au jour de la réitération. Il incite à prévoir la subrogation dans les indemnités et à organiser la preuve technique, notamment par expertise contradictoire et documents de syndic. La cour souligne, de façon implicite, qu’un chiffrage de travaux « conséquent » au regard du prix et de la surface peut conforter l’atteinte à la destination.
Les enseignements financiers sont précis. La cour énonce que la restitution de l’indemnité sera assortie « des intérêts au taux légal non majoré à compter de la justification […] de la date de règlement », et « ordonne la capitalisation des intérêts par année entière ». Ce cadrage favorise une exécution paisible et limite les contentieux accessoires. La répartition des dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile complètent le dispositif, en cohérence avec l’infirmation partielle.
Rendue par la Cour d’appel de Grenoble, chambre civile section A, le 9 septembre 2025, la décision commente les effets d’un sinistre survenu entre la promesse et la réitération de la vente. Une promesse unilatérale a été consentie le 1er octobre 2021, avec indemnité d’immobilisation séquestrée. Un incendie s’est déclaré le 13 février 2022 dans un lot voisin, affectant le bien. La réitération était fixée au 7 mars 2022. Les bénéficiaires ont refusé de signer.
Le tribunal judiciaire de Grenoble, le 25 janvier 2024, a condamné les bénéficiaires au paiement de l’indemnité d’immobilisation. Appel a été relevé. Les promettants ont sollicité confirmation, outre des dommages complémentaires. Les bénéficiaires ont demandé restitution de la somme immobilisée, intérêts et capitalisation. La cour infirme pour l’essentiel et statue sur les accessoires.
La question de droit tient à la portée d’une clause de sinistre prévoyant la renonciation si le bien devient inhabitable ou impropre, à la charge de la preuve de cette inhabitabilité et à la date d’appréciation. La cour répond en articulant l’interprétation contractuelle, la preuve, et la temporalité de la délivrance.
La cour retient que la clause prévoit que « les parties conviennent que le bénéficiaire aura la faculté […] soit de renoncer purement et simplement à la vente […] Il est précisé que l’existence des présentes ne pourrait alors être remise en cause que par un sinistre de nature à rendre le bien inhabitable ou impropre à son exploitation ». Elle ajoute que « pour bénéficier de la possibilité de renoncer à la vente et de la restitution des sommes versées, il y a lieu de démontrer le caractère inhabitable du logement ». Au regard des éléments produits, la cour constate enfin que « au 7 mars 2022, date de réitération de la vente, l’appartement litigieux n’était pas habitable ». Elle en déduit que les bénéficiaires « étaient bien fondés à ne pas vouloir réitérer la vente et à se voir restituer la partie de l’indemnité d’immobilisation séquestrée ».
I. Le sens de la décision: interprétation de la clause et régime probatoire
A. La clause de sinistre et le critère d’inhabitabilité
La cour s’attache d’abord au texte contractuel, qui borne la renonciation à un sinistre rendant le bien « inhabitable ou impropre à son exploitation ». Ce critère, clair et restrictif, écarte les simples altérations esthétiques ou désordres mineurs, et recentre le débat sur l’usage normal du bien au jour de la réitération. L’énoncé selon lequel « il y a lieu de démontrer le caractère inhabitable du logement » clarifie la condition d’exercice de l’option résolutoire convenue. Le choix offert de maintenir l’acquisition avec subrogation dans les indemnités d’assurance confirme la logique d’équilibre entre aléa et prix.
Cette interprétation s’inscrit dans la force obligatoire du contrat. Elle préserve la finalité pratique de la clause de sinistre, sans étendre indûment sa portée. Le raisonnement de la cour évite la confusion entre sinistre assuré et altération juridique de la délivrance. Il ne retient l’atteinte à la destination que si l’usage normal est empêché.
B. La preuve et la date d’appréciation de l’habitabilité
La cour détermine nettement la charge et l’objet de la preuve. Elle exige des bénéficiaires la démonstration de l’inhabitabilité, tout en admettant des éléments techniques pertinents pour l’établir. Elle relève un rapport d’expertise décrivant des « dommages de mouilles […] aux embellissements ainsi qu’aux parties immobilières privatives », la mention d’un « mur effondré » non infirmée, la durée des travaux, et des investigations syndicales persistant à l’été. Ces éléments convergents montrent qu’à la date fixée pour l’acte, l’usage normal n’était pas rétabli.
La temporalité retenue est décisive. En jugeant que « au 7 mars 2022 […] l’appartement […] n’était pas habitable », la cour fixe l’évaluation au jour de la réitération. Les remises en état postérieures sont indifférentes. La solution est cohérente avec l’obligation de délivrance conforme, appréciée au moment prévu pour la transmission définitive. Elle neutralise les aléas réparatoires intervenus après l’échéance contractuelle.
II. La valeur et la portée: cohérence normative et enseignements pratiques
A. Une solution conforme aux principes contractuels et à la délivrance conforme
La décision concilie liberté contractuelle et sécurité de l’échange. En appliquant strictement la clause de sinistre, la cour n’instaure pas un régime autonome de résolution. Elle fait seulement jouer l’option prévue lorsque l’impropriété à destination est avérée. La conclusion selon laquelle les bénéficiaires « étaient bien fondés à ne pas vouloir réitérer la vente et à se voir restituer la partie de l’indemnité d’immobilisation séquestrée » s’accorde avec l’idée qu’un bien impropre ne satisfait pas à la délivrance convenue, même si le transfert n’est pas intervenu.
Le rejet des demandes indemnitaires complémentaires des promettants s’explique alors. La clause d’immobilisation n’a pas vocation à sanctionner un refus de signer justifié par l’inhabitabilité. L’économie du contrat est respectée. La sanction financière revient au statu quo ante, la restitution rétablissant l’équilibre sans enrichissement injustifié.
B. Portée pratique: rédaction des clauses et contentieux de l’inhabitabilité
L’arrêt éclaire la rédaction et la mise en œuvre des clauses de sinistre. Il confirme l’utilité d’un critère opératoire centré sur l’habitabilité ou l’aptitude à l’exploitation, apprécié au jour de la réitération. Il incite à prévoir la subrogation dans les indemnités et à organiser la preuve technique, notamment par expertise contradictoire et documents de syndic. La cour souligne, de façon implicite, qu’un chiffrage de travaux « conséquent » au regard du prix et de la surface peut conforter l’atteinte à la destination.
Les enseignements financiers sont précis. La cour énonce que la restitution de l’indemnité sera assortie « des intérêts au taux légal non majoré à compter de la justification […] de la date de règlement », et « ordonne la capitalisation des intérêts par année entière ». Ce cadrage favorise une exécution paisible et limite les contentieux accessoires. La répartition des dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile complètent le dispositif, en cohérence avec l’infirmation partielle.