La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 6 octobre 2025, précise l’articulation entre l’exécution forcée immobilière et la protection des consommateurs. Un consommateur avait consenti une sûreté hypothécaire sur son logement familial au profit d’un prêteur professionnel avant de subir une procédure d’exécution extrajudiciaire. Malgré une action en justice visant à suspendre l’exécution pour clauses abusives, le bien fut vendu à une société adjudicataire demandant ensuite l’expulsion de l’occupant. Le justiciable contesta alors la légalité du transfert de propriété par voie reconventionnelle en invoquant l’antériorité de son recours juridictionnel contre le contrat initial. La juridiction de renvoi s’interroge sur l’applicabilité de la directive 93/13/CEE à cette phase d’expulsion et sur la conformité de sa propre réglementation nationale. La Cour affirme que la protection européenne s’étend à une telle procédure judiciaire lorsque le transfert de propriété ignore une contestation sérieuse encore pendante. Elle juge ainsi les dispositions nationales contraires au droit de l’Union si elles permettent la poursuite de l’exécution malgré une demande de mesures provisoires. L’analyse portera sur l’extension du champ d’application de la directive aux suites de l’exécution avant d’étudier l’éviction des réglementations nationales entravant la protection effective.
I. L’assujettissement des procédures d’exécution extrajudiciaires au contrôle de l’Union
A. L’extension du champ d’application de la directive 93/13
La Cour souligne que relève du champ d’application une procédure judiciaire où la société adjudicataire demande l’expulsion du consommateur d’un logement familial vendu. Cette interprétation garantit que l’exécution d’une sûreté hypothécaire ne soit pas soustraite au droit de la consommation par le simple recours à une voie extrajudiciaire. L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 impose en effet aux États membres de veiller à ce que les clauses abusives ne lient pas l’intéressé. La protection doit accompagner le consommateur jusqu’à la phase ultime de l’expulsion si la légalité du transfert de propriété initial demeure juridiquement et sérieusement contestée.
B. Les conditions d’un contrôle juridictionnel effectif
L’exigence de protection est subordonnée à l’existence « d’indices concordants quant au caractère potentiellement abusif de ces clauses » à la date de la vente du bien. Le consommateur doit également avoir fait usage des « voies de droit dont l’enclenchement pouvait être raisonnablement attendu de la part d’un consommateur moyen ». Cette précision limite le bénéfice de la protection aux plaideurs diligents ayant alerté l’adjudicataire sur l’illégalité potentielle du contrat à l’origine de l’exécution. La Cour consacre ainsi un équilibre entre la sécurité nécessaire des transactions immobilières et l’impératif de sanctionner efficacement les stipulations contractuelles jugées illicites.
II. La primauté de la protection du consommateur sur les mécanismes d’exécution nationaux
A. L’incompatibilité des réglementations nationales obstructives
La décision censure les normes nationales permettant qu’une « exécution forcée extrajudiciaire d’une sûreté hypothécaire » se poursuive en dépit d’une demande de mesure provisoire en cours. L’article 7 de la directive exige des moyens adéquats et efficaces pour faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs. Une législation ignorant le contrôle juridictionnel engagé vide de sa substance le droit au recours effectif garanti par la Charte des droits fondamentaux de l’Union. L’absence de possibilité d’obtenir la nullité de l’exécution par voie judiciaire constitue une violation manifeste des obligations pesant sur chaque État membre de l’Union.
B. La sauvegarde du logement familial comme impératif fondamental
Le juge de l’Union accorde une importance particulière au fait que le bien immobilier constitue le logement familial de l’intéressé faisant l’objet de la procédure. La lecture de la directive à la lumière de l’article 7 de la Charte impose de prévenir des conséquences irréversibles telles qu’une expulsion définitive injustifiée. Les États membres ne peuvent maintenir un système d’exécution forcée qui « ne prévoit par ailleurs aucune possibilité d’obtenir par la voie judiciaire la nullité de la même exécution ». Cette protection renforcée du domicile assure une application concrète du principe d’effectivité dans les litiges opposant des professionnels à des particuliers en situation de vulnérabilité.