1ère – 4ème chambres réunies du Conseil d’État, le 30 avril 2025, n°475950

Le Conseil d’Etat a rendu une décision le 30 avril 2025 précisant les modalités de contrôle de la légalité d’un permis de construire.

Un maire a autorisé la construction d’une maison d’habitation sur une parcelle classée constructible par une carte communale ayant fait l’objet d’une révision. Une voisine a sollicité l’annulation de cet arrêté devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui a rejeté sa demande le 15 avril 2021. La cour administrative d’appel de Nancy a ensuite infirmé cette décision en annulant le permis pour erreur manifeste d’appréciation du zonage. La commune et le bénéficiaire de l’autorisation ont alors formé des pourvois en cassation contre cet arrêt devant le Conseil d’Etat. La question posée au juge consistait à déterminer si l’illégalité d’une carte communale peut être invoquée sans démontrer la violation des règles antérieures. Le juge annule l’arrêt en rappelant l’obligation d’une analyse globale de la carte communale et le respect des conditions de l’exception d’illégalité. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord le contrôle de la cohérence de la carte communale avant d’examiner le régime de l’exception d’illégalité.

I. La recherche d’une cohérence globale dans l’économie de la carte communale

Le juge rappelle que le rapport de présentation doit expliquer les choix retenus pour la délimitation des secteurs où les constructions sont autorisées.

A. L’exigence d’une analyse d’ensemble des objectifs du rapport de présentation

Il appartient au juge administratif de réaliser une « analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle du territoire » couvert par le document. La cour administrative d’appel s’est bornée à relever une contradiction entre un objectif démographique et la réalisation d’un projet de location touristique. Cette approche partielle est censurée car une inadéquation à un objectif isolé ne suffit pas à caractériser une incohérence entre le graphique et le rapport. L’appréciation de la légalité du zonage doit prendre en compte la pluralité des orientations définies par les auteurs du document d’urbanisme à l’échelle communale.

B. L’indifférence de la destination des constructions projetées sur la légalité du zonage

La juridiction d’appel a commis une erreur de droit en prenant en considération la destination de la construction pour apprécier la légalité du zonage. Le juge souligne qu’une carte communale délimite seulement « les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où elles ne sont pas admises ». La destination future d’un bâtiment est une circonstance inopérante pour contester le classement d’une parcelle dans la zone constructible d’un document de planification. Cette séparation entre la planification et le projet individuel se double d’une exigence procédurale rigoureuse lors de l’invocation d’une exception d’illégalité.

II. L’encadrement strict de l’exception d’illégalité du document d’urbanisme

L’illégalité d’un document d’urbanisme produit des effets juridiques spécifiques sur les autorisations individuelles délivrées sous son empire au titre de l’exception d’illégalité.

A. La remise en vigueur nécessaire de la réglementation antérieure

La déclaration d’illégalité a pour effet de « remettre en vigueur le document d’urbanisme immédiatement antérieur » en application du code de l’urbanisme. Un requérant demandant l’annulation d’un permis ne saurait se borner à soutenir que l’acte a été délivré sous l’empire d’un document illégal. Il doit également faire valoir que l’autorisation attaquée méconnaît les dispositions pertinentes du document d’urbanisme ainsi rétabli dans l’ordonnancement juridique.

B. L’irrecevabilité du moyen tiré de l’illégalité en l’absence de grief précis

Le Conseil d’Etat écarte le moyen d’annulation car la requérante n’a pas soutenu que le permis méconnaissait les dispositions pertinentes du document antérieur. L’illégalité de la carte communale révisée ne pouvait donc pas entraîner l’annulation automatique de l’acte individuel contesté par la voisine du projet. Cette solution consacre la sécurité juridique des autorisations d’urbanisme en limitant la portée de l’annulation des documents de planification sur les actes individuels.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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