La Cour de justice de l’Union européenne, saisie d’une question préjudicielle par le tribunal d’Amsterdam, rend un arrêt de principe le 30 mai 2013. Un contrat de bail d’habitation lie un bailleur agissant professionnellement à des locataires agissant à titre strictement privé. À la suite d’impayés, le bailleur sollicite le paiement des loyers ainsi que l’application d’une clause pénale contractuelle. La juridiction de renvoi s’interroge sur l’applicabilité de la directive 93/13 à un tel contrat de louage immobilier. Elle demande également si le juge doit relever d’office le caractère abusif d’une clause et s’il peut simplement en modérer le montant. La Cour répond que la directive s’applique au bail d’habitation et impose au juge d’écarter toute clause abusive sans pouvoir en réduire la portée. L’étude de cette décision impose d’analyser l’extension du champ d’application de la directive (I), avant d’envisager le renforcement de l’office du juge (II).
I. L’extension du champ d’application de la protection du consommateur au bail d’habitation
La Cour de justice considère que la directive s’applique dès lors qu’un bailleur agit dans le cadre d’une activité professionnelle déterminée. L’extension du champ d’application suppose de distinguer la qualité du bailleur (A) et la nature des clauses exclues du contrôle judiciaire (B).
A. La reconnaissance de la qualité de professionnel du bailleur
Le juge européen interprète largement la notion de professionnel pour englober toute personne exerçant une activité économique de manière organisée et durable. Lorsque le bailleur agit dans sa sphère d’activité, il doit respecter les impératifs de protection des locataires agissant à titre privé. La nature publique ou privée de l’entité importe peu pour l’application des règles dès lors qu’une finalité professionnelle est dûment caractérisée.
B. L’éviction limitée des dispositions législatives impératives
La Cour précise que le champ d’application est entendu « sous réserve des clauses reflétant des dispositions législatives ou réglementaires impératives » du droit national. Le juge doit vérifier si la clause litigieuse n’est que la traduction d’une règle légale s’imposant aux parties sans marge de négociation. Cette réserve garantit le respect de la hiérarchie des normes tout en préservant l’effet utile du droit de l’Union européenne sur les contrats. La soumission du contrat de bail au droit de la consommation entraîne nécessairement une évolution des pouvoirs reconnus au juge national saisi.
II. Le renforcement de l’office du juge et l’exclusion de la clause abusive
L’arrêt renforce l’efficacité de la protection européenne en imposant aux magistrats une vigilance accrue lors de l’examen des conditions générales contractuelles. L’analyse porte sur l’obligation de relevé d’office du déséquilibre (A) ainsi que sur l’impossibilité de modérer la pénalité jugée abusive (B).
A. Le devoir de relevé d’office du déséquilibre significatif
Si le droit interne autorise l’examen d’office de l’ordre public, le juge doit « apprécier d’office le caractère éventuellement abusif » de la clause. Cette obligation compense le déséquilibre structurel existant entre le professionnel averti et le consommateur souvent profane et mal informé. La Cour impose un contrôle systématique des stipulations contractuelles dès lors que les éléments de fait et de droit sont réunis.
B. L’interdiction de modérer le montant de la sanction contractuelle
Le juge ne peut se limiter à réduire le montant d’une pénalité excessive au titre de ses pouvoirs classiques de modération contractuelle. Il lui incombe d’« écarter purement et simplement l’application de ladite clause à l’égard du consommateur » afin de préserver l’effet dissuasif. La suppression totale de la clause abusive empêche le professionnel de profiter d’une stipulation illicite tout en espérant une simple réduction judiciaire. Cette rigueur assure le respect de l’article 6 de la directive qui interdit aux juges nationaux de réviser le contenu des clauses abusives.