Cour d’appel administrative de Bordeaux, le 6 mars 2025, n°23BX00014

La Cour administrative d’appel de Bordeaux, par un arrêt rendu le 6 mars 2025, se prononce sur le remboursement d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée. Le litige porte sur la qualification fiscale de l’exploitation d’un château initialement destiné à une activité hôtelière. Une société civile immobilière a acquis ce domaine et l’a donné à bail, optant pour l’assujettissement à la taxe sur les loyers perçus. L’administration a toutefois contesté la déductibilité des taxes grevant les travaux de rénovation, estimant que les locaux faisaient l’objet d’une occupation privative. Le tribunal administratif de Bordeaux ayant rejeté sa demande de remboursement pour l’année 2019, la requérante a sollicité l’annulation de ce jugement en appel. Le problème juridique réside dans la détermination des éléments probants nécessaires pour établir la réalité d’une activité hôtelière ouvrant droit à déduction. La juridiction rejette la requête en soulignant l’absence de documents justifiant d’une exploitation effective conforme aux exigences légales. L’analyse portera sur les conditions de l’assujettissement à la taxe avant d’examiner la rigueur probatoire imposée par le juge administratif.

**I. L’exigence d’une affectation effective à une activité taxable**

**A. Le cadre légal de l’imposabilité des prestations para-hôtelières**

Le code général des impôts prévoit que les locations de logements meublés sont exonérées de taxe sauf si elles comportent des services spécifiques. Ces prestations doivent inclure au moins trois des services suivants : « le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception ». La requérante prétendait ainsi remplir ces critères pour justifier l’assujettissement à la taxe et le remboursement corrélatif de son crédit. La cour rappelle cependant que l’option pour la taxe sur la valeur ajoutée ne peut s’exercer si les locaux sont destinés à l’habitation simple. Cette distinction est cruciale car elle conditionne directement le droit à déduction de la taxe ayant grevé les investissements immobiliers réalisés.

**B. La nécessaire preuve de la réalité de l’exploitation**

Le droit au remboursement d’un crédit de taxe suppose que les dépenses engagées soient rattachées à des opérations effectivement soumises à cet impôt. La société soutenait que le bien était affecté à une activité hôtelière ou para-hôtelière à compter d’octobre 2012 malgré une période de travaux. Les juges soulignent que l’assujettissement dépend de la réalisation effective de prestations de services à titre onéreux par un assujetti agissant comme tel. Il ne suffit pas de manifester une intention ou de conclure des contrats de gestion pour valider le régime fiscal revendiqué. L’activité doit se traduire par des faits matériels et des flux financiers identifiables au cours de la période concernée par la demande. Cette conformité aux critères matériels de l’imposabilité s’accompagne nécessairement d’une vérification rigoureuse des éléments de preuve apportés par le contribuable.

**II. La rigueur de l’administration de la preuve par le contribuable**

**A. La fragilité des documents comptables et contractuels produits**

Les pièces fournies par la société n’ont pas permis d’emporter la conviction des magistrats quant à la nature réelle de l’activité exercée. Les comptes de résultat mentionnant des recettes globales « ne suffisent pas, à eux seuls et en l’absence de tout autre document, tels que des factures clients ». Un bail conclu avec un mandataire présentait également des irrégularités manifestes, notamment une prise d’effet rétroactive antérieure à la création de la société exploitante. La juridiction relève en outre l’absence de toute déclaration de résultat souscrite par le preneur, affaiblissant considérablement la crédibilité du montage contractuel. Le juge privilégie ainsi une approche concrète et vérifiable de la situation économique de l’entreprise par rapport aux simples affirmations de la requérante.

**B. L’inadéquation temporelle des éléments de fait invoqués**

La solution retenue repose sur l’incapacité de la requérante à démontrer une exploitation hôtelière au moment précis de sa demande de remboursement. L’unique facture produite concernait un séjour réalisé en 2021, soit postérieurement à l’introduction de la demande de crédit déposée au titre de l’année 2019. Les magistrats constatent qu’ « il ne résulte pas de l’instruction que le bien aurait effectivement été donné en location dans le cadre d’une activité assujettie ». Cette exigence de concomitance entre l’activité taxable et le crédit de taxe empêche la validation de prétentions fondées sur des preuves futures ou incertaines. Le rejet de la requête confirme la vigilance du juge administratif face aux tentatives de déduction de taxe sans réalité économique immédiate et documentée.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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