Cour d’appel de Nîmes, le 12 septembre 2025, n°23/01736

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Par arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 12 septembre 2025, la 4e chambre commerciale statue sur un contentieux de confidentialité et de concurrence. Une société spécialisée dans des équipements de distribution a collaboré avec un prestataire d’études mécaniques, puis avec une société de conseil dirigée par un ancien salarié devenu consultant. Le prestataire a ensuite rejoint le capital de la société de conseil. Déboutée par le tribunal de commerce d’Avignon le 5 mai 2023, l’appelante impute aux intimés une violation d’un accord de confidentialité du 11 juillet 2019, des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, ainsi qu’une responsabilité personnelle d’associés. Les intimés sollicitent la confirmation, des dommages pour procédure abusive et l’allocation de frais.

La question portait d’abord sur la preuve d’un manquement à une clause de confidentialité exigeant la confirmation écrite des informations dans un délai de trente jours. Elle concernait ensuite l’établissement d’actes fautifs de concurrence ou de parasitisme et la démonstration d’un lien causal avec un préjudice. Enfin, elle visait la possibilité d’engager la responsabilité personnelle d’associés au regard d’un standard jurisprudentiel exigeant une faute intentionnelle d’une particulière gravité. La cour confirme l’essentiel, écarte toute violation contractuelle et tout acte de concurrence déloyale ou de parasitisme, refuse la responsabilité personnelle d’associés, mais indemnise l’ancien salarié pour dénigrement, réformant le jugement sur ce seul point.

I. La portée de l’accord de confidentialité et des fautes concurrentielles alléguées

A. L’exigence probatoire issue de la clause de confirmation des informations

La cour rappelle les principes généraux du droit des contrats pour cadrer l’analyse des stipulations et de leur exécution loyale. Elle vise notamment l’exécution de bonne foi, tout en recentrant le débat sur l’économie de la convention. Le contrat de prestation identifiait le prestataire comme détenteur du savoir-faire mécanique, ce qui pèse dans l’appréciation de l’origine des informations techniques et de leur circulation entre partenaires.

La clause de confidentialité prévoyait que seules les informations confirmées par écrit, dans les trente jours, bénéficiaient du régime de protection. Faute de preuve de confirmations régulières, la prétention au manquement s’éteint à la source de l’obligation. Le raisonnement demeure rigoureux et factuel, sans renversement de charge. L’exigence contractuelle n’étant pas satisfaite, la violation alléguée ne peut prospérer. La solution est conforme à l’économie d’un accord réciproque circonscrivant précisément le périmètre des secrets protégés.

B. L’absence de concurrence déloyale et de parasitisme, faute de confusion et de lien causal

La cour retient une grille classique, fondée sur la faute, le dommage et le lien de causalité. Elle rappelle d’abord que « L’appropriation, par des moyens déloyaux, d’informations confidentielles relatives à l’activité d’un concurrent, constitue un acte de concurrence déloyale. » (Com., 8 févr. 2017, n° 15-14.846). L’argumentaire de l’appelante reposait sur la commercialisation de quatre concepts prétendument dérivés. La comparaison des dispositifs écarte toutefois la confusion, notamment pour le distributeur de bouteilles, et les autres éléments produits sont insuffisants quant à l’origine, la datation et l’attribution.

La causalité fait également défaut. La chambre commerciale exige de corréler les agissements reprochés à l’évolution respective des activités en présence (Com., 16 févr. 2016, n° 13-27.420). La cour souligne ici une progression économique de l’appelante sur la période critique, ce qui affaiblit l’allégation d’un préjudice imputable. S’agissant du parasitisme, la cour reprend la définition normative selon laquelle « Le parasitisme est l’ensemble des comportements sur lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis. » (Com., 10 juill. 2018, n° 16-23.794). Or « le parasitisme ne peut se déduire du seul fait qu’une entreprise vend un produit imité ou identique à celui commercialisé avec succès par d’autres entreprises. » (Com., 11 janv. 2017, n° 15-18.669). Les éléments versés ne démontrent ni captation à titre gratuit d’investissements, ni stratégie d’imitation rémunérée par un montage capitalistique, la cession d’actions ayant été valorisée à la valeur nominale d’une structure peu active. La cour confirme donc le rejet des prétentions délictuelles.

II. La responsabilité personnelle des associés et les demandes incidentes

A. La faute intentionnelle d’une particulière gravité, critère restrictif confirmé

La Cour de cassation exige, de longue date, un standard intense pour engager la responsabilité d’un associé envers un tiers cocontractant. La cour le rappelle expressément : « Il résulte des articles 1240 et 1842 du code civil que la responsabilité personnelle d’un associé envers le tiers cocontractant de la société ne peut être engagée que si cet associé a commis une faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal des prérogatives attachées à la qualité d’associé. » (v. Com., 6 nov. 2024). Ni l’entrée au capital postérieurement à la collaboration, ni la liquidation d’une structure intervenue de manière régulière, n’établissent pareille faute. L’argument d’un contournement organisé de la confidentialité échoue, l’inexécution de la clause n’étant pas caractérisée et l’apport prétendu de savoir-faire n’étant pas prouvé.

L’évocation d’une manœuvre dilatoire via la clôture des opérations de liquidation ne convainc pas davantage. L’office du mandataire ad hoc a, en outre, assuré la représentation en justice, neutralisant tout grief d’ineffectivité procédurale. En l’absence d’indices convergents d’une stratégie volontairement attentatoire aux droits de l’appelante, la mise en cause personnelle se heurte au filtre jurisprudentiel attendu.

B. Dénigrement et procédure abusive : cantonnement de la réparation

Reste la question des demandes reconventionnelles. La cour caractérise le contenu dévalorisant d’une lettre circulaire adressée par l’appelante, et retient la définition désormais classique : « Le dénigrement consiste à jeter le discrédit sur un commerçant, en répandant à son propos, ou au sujet des produits ou services, des informations malveillantes pour en tirer profit. » Cette communication, ciblant l’ancien salarié, a un effet déstabilisant justifiant une indemnisation mesurée pour préjudice moral, fixée à 3 000 euros. Aucune concurrence déloyale concomitante n’est cependant retenue, la lettre ne visant pas la société concurrente.

Sur l’abus de procédure, la cour rappelle que « l’appréciation inexacte de ses droits par une partie n’est pas constitutive d’un abus. » L’initiative de désigner un mandataire ad hoc pour une société liquidée répondait à une exigence de régularisation, non à une malice procédurale. Dès lors, les demandes d’indemnisation pour procédure abusive sont écartées, tandis que les frais irrépétibles sont alloués de manière équilibrée à chaque intimé, l’appelante succombant au principal.

Ainsi se dessine une solution de continuité et de mesure. La cour consacre la force normative des clauses organisant la preuve des secrets protégés, refuse de présumer la déloyauté sans confusion ni causalité, maintient le haut seuil de la faute détachable d’un associé, et isole un dénigrement ponctuel, réparé sans excès. Les demandes principales sont rejetées, sauf la condamnation indemnitaire liée à la lettre incriminée, les dépens et frais étant supportés par la partie perdante.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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