Cour d’appel de Colmar, le 1 septembre 2025, n°24/00754

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La Cour d’appel de Colmar, 1er septembre 2025, statue sur un litige né de la fourniture et de la pose d’une cuisine commandée selon devis, réceptionnée avec réserves. L’acquéreur a dénoncé la non‑conformité d’épaisseurs et la dégradation d’un plan de travail, ainsi que des difficultés relatives aux façades. Après une mise en demeure infructueuse, une instance en référé a été engagée aux fins de remplacement et d’indemnités. Le premier juge a ordonné le remplacement du seul plan de l’îlot à l’identique, et accordé une provision au solde, rejetant le surplus. En appel, l’acquéreur et la structure qu’il exploite contestent l’étendue des mesures ordonnées, tandis que l’installateur sollicite la confirmation de la provision et la reconnaissance de contestations sérieuses, en soulevant au préalable la nullité de l’assignation et une fin de non‑recevoir. La question porte principalement sur l’office du juge des référés face à des non‑conformités alléguées après réception, l’incidence des vices apparents, ainsi que sur la recevabilité procédurale de certaines prétentions et la possibilité d’une provision au solde. La Cour confirme la validité de l’assignation, admet la qualité à agir de la structure exploitante, reçoit des demandes présentées à hauteur d’appel, ordonne le remplacement du plan de travail de l’îlot en 20 mm, mais refuse d’ordonner des mesures pour les éléments périphériques et la crédence, qualifiés d’apparents ou non établis, maintient la provision au solde et écarte les préjudices immatériels invoqués.

I. L’office du juge des référés en présence de non‑conformités après réception

A. L’obligation non sérieusement contestable de remplacement de l’îlot central

La formation d’appel rattache sa décision aux articles 834 et 835 du code de procédure civile, et isole l’obligation certaine découlant du devis sur l’îlot central. Elle constate une traçabilité précise des engagements contractuels, des réclamations écrites avant et après réception, et l’accord ultérieur de l’entreprise pour une reprise en 20 mm. En ce sens, la Cour énonce que « Il n’existe aucune contestation sérieuse concernant le remplacement du plan de travail de l’îlot central par un nouveau plan de travail de 20 mm conforme aux dispositions contractuelles. » En rectifiant la solution de première instance, elle ordonne le remplacement en 20 mm dans un délai déterminé, puis prévoit, en cas de carence, une provision correspondant au coût contractuel de la pièce. L’office du juge des référés est ainsi réaffirmé dans sa dimension de remise en état lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable, même si l’ouvrage a été réceptionné.

B. Les effets de la réception et des vices apparents sur les demandes relatives aux périphériques, à la crédence et aux façades

La Cour distingue nettement les désordres réservés et ceux apparents omis lors de la réception. Pour les plans périphériques, l’écart d’épaisseur avec le devis était aisément décelable à la réception, de sorte que « Le vice affectant les meubles périphériques est donc apparent et il ne peut donner lieu à application ni des garanties légales, ni de la responsabilité contractuelle de droit commun, ni de la garantie des vices cachés. » La crédence ne donne pas lieu à mesure, faute d’élément objectif probant et de réserve. S’agissant des façades, la réserve mentionnait le coloris, non l’hydrofugation, et la Cour retient l’accord de teinte et l’insuffisance des preuves d’une non‑conformité imputable. L’ensemble de ces points illustre l’articulation rigoureuse entre réception, charge de la preuve et pouvoirs du juge des référés, cantonnés à l’évidence de l’obligation ou du trouble.

II. Valeur et portée procédurales de la décision

A. Nullité de l’assignation, qualité à agir et demandes nouvelles en appel

La Cour écarte la nullité pour omission de mentions relatives à la postulation ou aux délais, en rappelant que « Le défaut de mention des règles de postulation et de computation des délais ne constitue pas une cause de nullité de l’assignation au sens des articles 54 et 56 du code de procédure civile. » Elle confirme la qualité à agir de la structure exploitante au regard de la destination professionnelle de la cuisine, en rappelant un principe constant : « Il est de principe que l’intérêt à agir s’apprécie au jour de l’introduction de la demande en justice et que celui‑ci n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien‑fondé de l’action. » Sur les prétentions en appel, la Cour adopte une lecture stricte des textes, en énonçant que « Les exceptions au principe de l’irrecevabilité des demandes nouvelles en appel doivent être interprétées restrictivement dès lors qu’elles atteignent le principe du double degré de juridiction. » Après avoir rattaché les demandes indemnitaires au lien suffisant avec les obligations d’exécution, elle juge finalement que « Par conséquent, ces demandes seront déclarées recevables. » L’arrêt offre ainsi un rappel utile des exigences de grief en nullité, de l’intérêt à agir autonome, et du périmètre des demandes recevables en cause d’appel.

B. Provision au solde, insuffisance de gravité de l’inexécution et rejet des préjudices immatériels

La Cour confirme l’octroi d’une provision au solde en se fondant sur l’exigibilité contractuelle à la réception. Elle précise sobrement que « Il en résulte que le solde du chantier, d’un montant de 5 410,29 euros, était exigible le 11 mai 2021, date de la réception des travaux. » L’inexécution imputée, circonscrite à l’épaisseur de l’îlot et déjà prise en charge par un engagement de reprise, n’atteint pas une gravité suffisante pour justifier l’exception d’inexécution. L’arrêt refuse, dans le même mouvement, les indemnisations pour jouissance et manque à gagner, faute d’éléments probants et de lien de causalité démontré, écartant la voie provisionnelle. La motivation se resserre sur l’exigence d’évidence et de démonstration, la Cour retenant que « Le préjudice de jouissance allégué apparaît sérieusement contestable, de sorte que la demande de provision sera rejetée, l’ordonnance déférée étant confirmée sur ce point. » L’apport réside dans une clarification opératoire des critères d’octroi d’une provision au créancier, de la portée de la réception sur les vices apparents et de l’exigence probatoire accrue pour les préjudices immatériels invoqués en référé.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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