Conseil constitutionnel, Décision n° 2013-316 QPC du 24 mai 2013

Par une décision rendue le 24 mai 2013, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité de la délimitation du domaine public maritime naturel. Les requérants contestaient les dispositions de l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques relatives à l’incorporation automatique des rivages. Ils soutenaient que ce transfert de propriété sans indemnisation préalable portait une atteinte disproportionnée au droit de propriété garanti par la Déclaration de 1789. La question prioritaire de constitutionnalité fut transmise par le Conseil d’État afin d’examiner la validité de ce critère physique de domanialité face aux exigences constitutionnelles. Les parties invoquaient également une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et des principes posés par la Charte de l’environnement concernant la participation publique. Le problème juridique résidait dans la conciliation entre la protection nécessaire du rivage de la mer et le respect des prérogatives fondamentales des propriétaires privés riverains. Le Conseil constitutionnel a déclaré la disposition conforme à la Constitution, tout en assortissant sa décision d’une réserve d’interprétation protectrice pour les propriétaires de digues.

**I. La confirmation constitutionnelle du critère physique de délimitation**

Le législateur définit le rivage de la mer comme tout ce qu’elle « couvre et découvre jusqu’où les plus hautes mers peuvent s’étendre ». Ce critère objectif repose sur un phénomène naturel indépendant de la volonté de la puissance publique pour fixer les limites de son domaine public. Le Conseil constitutionnel estime que les espaces couverts, même épisodiquement, par les flots ne peuvent plus, par leur nature même, faire l’objet d’une propriété privée. L’incorporation automatique résulte ainsi de la modification physique des lieux sans qu’une décision administrative discrétionnaire ne vienne modifier arbitrairement les limites foncières des riverains.

Cette mutation domaniale n’est pas qualifiée par le juge de privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789. Le juge considère que les dispositions contestées n’entraînent pas une spoliation injustifiée mais organisent simplement la constatation juridique d’un état naturel et changeant du sol. L’atteinte portée aux droits des propriétaires demeure proportionnée à l’objectif d’intérêt général visant à préserver l’intégrité ainsi que la gestion du domaine maritime national. La loi se borne ainsi à tirer les conséquences d’un recul du trait de côte sans méconnaître les principes fondamentaux régissant le régime de la propriété.

**II. L’encadrement des effets de l’incorporation par la sauvegarde des droits**

Le Conseil rappelle que le propriétaire riverain dispose de voies de recours effectives pour contester les actes de délimitation ou revendiquer sa propriété foncière. Une action en revendication reste ouverte durant un délai de dix ans suivant l’acte de délimitation pour permettre au particulier de faire valoir ses droits. Le justiciable peut également obtenir une indemnisation si l’incorporation résulte d’un défaut d’entretien ou de la construction d’ouvrages spécifiques par la puissance publique sur le rivage. Ces garanties procédurales assurent le respect de l’article 16 de la Déclaration de 1789 en offrant aux administrés un accès concret au juge administratif ou judiciaire.

Une réserve d’interprétation est formulée pour le cas où une digue légalement érigée par un propriétaire privé serait incorporée au domaine public maritime naturel. Le Conseil juge que forcer le propriétaire à détruire cet ouvrage à ses propres frais, suite à l’évolution des limites, méconnaîtrait gravement la garantie des droits. L’obligation de démolition pèserait lourdement sur l’administré alors que l’ouvrage visait initialement à protéger sa parcelle contre l’avancée naturelle des eaux de la mer territoriale. Sous cette condition impérative de prise en charge, le dispositif législatif est déclaré conforme afin de concilier la protection du rivage et l’équité financière.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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