Cour d’appel de Toulouse, le 3 juillet 2025, n°24/02921

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La Cour d’appel de Toulouse, 3 juillet 2025, statue en référé sur un litige locatif consécutif à l’acquisition d’une clause résolutoire et aux suites de l’expulsion. Le bail d’habitation avait été conclu en mars 2023 avec deux colocataires, l’un se désengageant rapidement tandis que les loyers demeuraient impayés depuis octobre 2023, et qu’aucune attestation d’assurance n’était fournie dans les délais. Le premier juge avait constaté la résiliation, ordonné l’expulsion sans délai légal, fixé l’indemnité d’occupation et rejeté les délais. L’appelante sollicitait la suspension de la clause, des délais de paiement et de départ, ainsi qu’une condamnation récursoire du cooccupant pour l’intégralité des arriérés. Les bailleurs demandaient la confirmation et une provision à titre de dommages et intérêts. La cour confirme la résiliation et l’expulsion sans délai, refuse les délais et l’action récursoire, et accorde une provision au titre du préjudice moral. Elle motive notamment que « C’est dès lors de façon justifiée que la résiliation du bail a été constatée et qu’il s’en est suivi le prononcé de l’expulsion de la locataire et de tous occupants de son chef, ainsi que la fixation d’une indemnité d’occupation. » L’analyse portera, d’abord, sur la validation de la résiliation et de ses effets immédiats, ensuite sur la valeur et la portée des solutions incidentes relatives aux demandes accessoires.

I. La résiliation et ses effets immédiats

A. L’acquisition de la clause résolutoire pour défauts cumulés

La cour rattache la solution à l’économie des articles 7 et 24 de la loi du 6 juillet 1989, que l’arrêt rappelle en ces termes normatifs. Elle souligne l’exigence d’une assurance effective et d’un apurement dans les délais légaux, conditions non satisfaites malgré la délivrance des commandements. La date d’acquisition est appréciée au regard du commandement non régularisé, une attestation postérieure restant inopérante. La motivation se condense dans l’énoncé suivant, qui articule contrôle de régularisation et sanction contractuelle: « C’est dès lors de façon justifiée que la résiliation du bail a été constatée […], ainsi que la fixation d’une indemnité d’occupation. » La mesure d’expulsion s’enchaîne logiquement, la jouissance sans titre justifiant l’indemnité d’occupation équivalente au loyer selon le schéma classique du droit des baux.

Ce faisant, la Cour d’appel de Toulouse confirme une lecture ferme mais constante des clauses résolutoires. La sécurité juridique du bail d’habitation suppose une réponse stricte aux manquements essentiels et une indifférence aux régularisations tardives. L’arrêt se garde de toute confusion entre suspension judiciaire et purge spontanée, lesquelles obéissent à des régimes distincts et ne se substituent pas aux délais impératifs attachés au commandement.

B. La suppression du délai légal d’expulsion en cas de mauvaise foi

Le cœur de la décision réside dans l’appréciation de la mauvaise foi au sens du code des procédures civiles d’exécution. L’arrêt rappelle le principe et son exception en des termes dépourvus d’ambiguïté: « Par exception, ce délai ne s’applique pas lorsque le juge qui ordonne l’expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée. » La cour s’attache au faisceau d’indices factuels: prise à bail d’un bien onéreux sans capacité de paiement, désengagement rapide du co-occupant, antécédents d’impayés et maintien dans les lieux après une résiliation antérieure, réitération d’un « mode opératoire » déjà relevé. Elle retient que l’occupant ne pouvait ignorer l’inadéquation durable entre ressources déclarées et charges locatives.

Cette motivation illustre une conception pragmatique de la mauvaise foi, ancrée dans la répétition d’un schéma de défaillance et l’instrumentalisation du temps procédural. Elle ferme l’accès au délai de grâce de l’article L. 412-1 CPCE lorsque la finalité protectrice de l’habitat se heurte à la protection de la créance locative et à l’ordre public d’exécution. La cohérence de l’ensemble conforte la confirmation du premier juge sur ce point.

II. Les demandes accessoires et la responsabilité

A. La provision en référé pour préjudice moral des bailleurs

La cour énonce le pouvoir général du juge des référés dans des termes classiques: « Le juge des référés peut toujours, lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision. » Elle qualifie alors une faute distincte dans l’exécution du contrat, séparée des manquements à l’origine de la résiliation, tenant au maintien prolongé dans les lieux malgré l’absence de règlement et à la présentation de pièces rassurantes incompatibles avec la réalité de paiement. L’atteinte morale est établie par des éléments médicaux et des attestations, et elle s’avère autonome par rapport à la perte locative.

Cette construction présente un double intérêt. Elle clarifie d’abord le terrain de la provision: non la réparation intégrale de l’inexécution, mais l’anticipation mesurée d’un chef de préjudice certain et détachable. Elle propose ensuite un garde-fou utile contre la banalisation des impayés dilatoires, sans dénaturer la finalité sociale du bail d’habitation. Le quantum retenu, d’ampleur modérée, s’accorde avec l’office du provisoire et l’exigence d’absence de contestation sérieuse.

B. Les délais de paiement et l’action récursoire entre cooccupants

La cour rappelle la règle de l’article 1343-5 du code civil dans une formulation qui situe précisément l’office du juge: « La cour observe que l’appelante sollicite des délais de paiement sur le fondement des dispositions de droit commun de l’article 1343-5 du code civil qui permettent au juge, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, de reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. » Elle rejette la demande au regard de l’insolvabilité alléguée, de l’absence de tout apurement postérieur, et du maintien dans les lieux, éléments incompatibles avec un échelonnement utile et sincère. La suppression du délai d’expulsion rend, en outre, inopérants les délais pour quitter les lieux.

S’agissant du recours dirigé contre le cooccupant, la cour relève l’opposabilité de la désolidarisation régulièrement notifiée, et l’absence de qualité du demandeur à obtenir paiement d’arriérés dus aux bailleurs. L’action récursoire ne saurait suppléer ni la solidarité éteinte, ni l’absence de subrogation ou de paiement effectif. L’arrêt trace ainsi une ligne nette entre les rapports externes avec le bailleur et les rapports internes entre occupants, en refusant toute condamnation autonome sans fondement textuel ou factuel suffisant.

L’arrêt de la Cour d’appel de Toulouse propose, en somme, une articulation rigoureuse des mécanismes de résiliation, d’exécution forcée et de responsabilité contractuelle accessoire. Il renforce la prévisibilité des sanctions en présence de manquements répétés, tout en ouvrant, sous contrôle du référé, la réparation provisionnelle d’un préjudice moral certain et distinct.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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